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Accueil du site > Tribune Libre > Bébés volés : Dictature et Église

Bébés volés : Dictature et Église

« Je suis rentrée dans cet hôpital enceinte et j'en suis sortie seule ».

« On m'a volé ma vie ».

 

Ce n'est pas tous les jours que l'on apprend quelque chose qui nous souffle : c'est ce qui m'est arrivé ce soir en écoutant le magazine de la Rédaction de France Culture.

De 1940 à la fin des années quatre-vingt un nombre incertain de nouveaux-nés ( entre deux mille et cent mille, c'est dire si ça se sait !)) ont été volés à leur mère, dans les maternités ou chez les religieuses.

L'idée première lancée par Franco, était de soustraire aux « Rouges » ( des « noirs », il n'y avait plus) leur progéniture, de manière à les formater aux dogmes fascistes. Il avait noté une « propension dégénérative des enfants ayant grandi dans une atmosphère républicaine » et voulait éradiquer les « gènes néfastes du marxisme ».

Ensuite, le pli étant pris, cela est devenu un marché juteux jusqu'à la fin des années quatre-vingt !!

Des suspicions de quelques-uns qui n'avaient pas digéré leur peine, des soupçons d'enfants, de quelques mots lâchés ça et là, certains se sont mis en quête de savoir.

Au début, une grande partie de ces nouveaux nés étaient placés en orphelinat où ils recevaient une éducation digne d'une dictature fasciste ; d'autres étaient placés dans des familles convenables ! Ensuite, quand il s'est agi d'argent, le choix était moins restrictif.

Ce petit trafic est resté étatisé puisque les parents adoptants n'étaient pas déclarés comme tels : les papiers « étaient en règle » ; l'enfant avait un père, une mère et...basta ! Nulle part aucun soupçon d'adoption.

Au début des années 2000, grâce à un historien et à une journaliste catalane, des recherches ont été effectuées au sujet de « ces enfants perdus ». En 2008, le juge Balthazar Garson s'est penché sur le problème et, par son travail sur les victimes du franquisme, a soulevé ce lièvre ; on sait ce qu'il est advenu de lui !

Mais aujourd'hui encore, la justice refuse de s'en saisir.

Cela n'est pas étonnant quand on sait qu'en Espagne, le corps de la Justice n'a pas été modifié après l'épuration et qu' une grande majorité de juges sont les fils et les petits-fils des franquistes.

Grâce aux médias et surtout à Internet, les victimes se sont « retrouvées » et sinon comptées, ont du moins découvert qu'elles étaient nombreuses.Les premiers parents sont de très vieilles gens, s'ils ne sont pas morts, et les premiers enfants ne sont plus tout jeunes. Quant aux autres, il n'y a que très peu de pistes hormis d'hypothétiques archives religieuses. Leurs certitudes reposent sur des tombes au cercueil vide, sur lesquelles ils se sont recueillis toutes ces années !

Le reportage ne dit pas si les statistiques donnaient beaucoup de mortalité infantile pendant toute cette période mais le fait est qu'on disait aux mères que leur enfant était mort. S'ils demandaient à le voir, « on » trouvait toutes sortes de faux-fuyants pour couper court ; du reste, ces gens étaient des gens de peu, républicains de surcroît !

Cela nous ouvre l'esprit sur un pouvoir totalitaire insensé, et pour tout dire inconcevable.

Nous savions cela en Argentine, nous avons eu vent des orphelinats de Ceauscescu ; nous en fûmes indignés, choqués.

La folie démoniaque d'un pouvoir totalitaire et... tellement aidé par une religion qui a perdu ses papiers de textes fondateurs depuis bien longtemps est, vous me direz, la « une » quasi quotidienne de nos journaux. Une molle habitude se crée, un détachement ou un cynisme pour masquer notre impuissance mais quand même, on a beau savoir que les peuples trinquent, pourquoi cette acceptation, cet oubli, cette indifférence !

Tout procès, dix, vingt, cinquante ans après les faits, m'a toujours paru dérisoire mais aujourd'hui en Espagne, merde, il faut donner un bon coup de balai !

On invoque l' E T A et ses attentats qui ont donné du fil à retordre et d'autres soucis pendant toutes les premières années de la démocratie.

 

Des mères craquent à chaque Noël, dit le reportage...

Aucune des personnes concernées étaient de potentielles mères : des hommes, des nonnes ! Est-ce une explication ou l'ombre d'une excuse à ce réseau politico-religieux ? J'en doute.

 

Il règne un silence assourdissant en Espagne : l'Église, le Pouvoir politique (faible) et l'Armée, tous unis contre le bruit et la fureur que soulèverait l'exhumation de ces crimes.

Au niveau de l'Église, seul le pape pourrait agir comme il l'a fait en ce qui concerne la pédophilie des prêtres ! Car la plupart des victimes et des coupables vivent encore ! Les coupables, on s'en doute, ne font rien pour éclaircir les affaires.

C'est le Pacte du Silence. Et il semblerait que les espagnols ( le peuple) aient d'autres chats à fouetter ces temps-ci.

L' Europe est bien mal fagotée, L' Espagne avec Franco, l'Italie avec Mussolini, l'Allemagne avec Hitler, la Grèce avec ses colonels, le Portugal avec Salazar !! et tout le côté russe, nous avec la collaboration et les autres, plus ou moins parties prenantes des uns ou des autres ! N'y-a-t-il, jamais, aucune leçon à retenir de l'Histoire ? Aucune humilité mais aucune détermination ?

Avons-nous toujours vécu dans une douce euphorie autant que possible et dès que l'assiette est pleine oublier ? Et quand elle est vide, avoir d'autres soucis ?

 

Je comprends mieux ce soir l'élan fou des espagnols dans leur illusion de richesse...

 

Je n'en dirai pas plus, je plongerais dans un mélo plaintif, mais vous ne perdrez pas votre temps à écouter ce magazine


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21 réactions à cet article    


  • jerome 5 janvier 2013 13:18

    Si je lis bien votre seule source est le juge Garson ? C ’ est bien ça ?

    Ha, alors je comprend mieux  :)


    • alinea Alinea 5 janvier 2013 13:29

      Non pas du tout ! C’est lui qui a « sorti » l’affaire sur la place publique, mais je parle d’un historien et d’une journaliste et de centaines de familles !
      Écoutez l’émission !
      Je ne voulais que passer l’information, comme je le dis en haut de l’article, j’ai appris ça hier soir ; ce n’est pas moi la journaliste ni l’historien !
      Où voulez-vous en venir exactement ? Garson éxilé en Argentine vous déplaît-il ?


    • Ornithorynque Ornithorynque 5 janvier 2013 16:02

      Habituel tissus de mensonges classique depuis Néron.

      A cette époque on accusait les Chrétiens de manger les nouveaux-nés. ce qui permettait de les jeter aux lions, de les crucifier et de les torturer

      Ceux qui n’aiment pas les Chrétiens n’ont pas changé : mensonge, calomnie, haine...

      Dolorès Ibarruti, Héroine communiste de la Guerre d’Espagne se vantait d’avoir égorgé elle même avec ses propres dents un pêtre catholique... C’est ça, vos héros, Alinéa. Je vous les laisse.

      Quant à votre storytelling qui sent l’intox à plein nez à partir probablement de 1 ou 2 cas sordides.
      Quant à la crédibilité historique de France Inter, elle ne dépasse pas la porte du rédacteur en chef.


      • alinea Alinea 5 janvier 2013 16:10

        France Culture Monsieur je-sais-tout !


      • Ornithorynque Ornithorynque 5 janvier 2013 17:12

        wooops, c’est vrai qu’idéologiquement, c’est très différent !


      • alinea Alinea 5 janvier 2013 19:20

        Orni : je suis distraite, je n’avais pas relevé : si vous confondez les chrétiens avec l’Église, vous êtes mal barré !


      • soi même 5 janvier 2013 17:28

         Dans le sordide, il y a pas à dire, il y a aucuns pays qui échappe à un cadavre dans le placard.
        Il y a juste une mode idéologie, qui fait que certains ne sont pas du tous inquiétés de leurs pratiques.
        Il faut arrête de catalogué les pays et les institutions, il y a fondamentalement deux races d’hommes, les inhumains et les humanistes. une fois que l’on a compris cela, le combat prend une autre dimension que le clivage droite, gauche !


        • alinea Alinea 5 janvier 2013 18:24

          On ne catalogue pas soi-même, on dénonce ! mais vous avez raison, toutes les dictatures, celles qui se disent « communistes » ou celles qui s’avouent fascistes n’ont rien à s’envier !


        • soi même 5 janvier 2013 18:48

          Le comble même les pseudos démocratie ne sont pas en reste !


        • alinea Alinea 5 janvier 2013 19:00

          En ce qui concerne l’Espagne, c’est un reliquat de dictature ; je vous conseille de prendre le temps d’écouter l’émission !


        • COLRE COLRE 5 janvier 2013 20:33

          Comment peut-on nier cette odieuse pratique sous Franco alors qu’elle a été amplement démontrée ?! Les témoignages et les études abondent désormais. Souvent, quand l’abjection de masse touche les femmes, mères et enfants, le « Pacte du Silence » est la règle. Et sinon, on nie… Qui s’indigne pour la mémoire des enfants volés à leurs parents à La Réunion pour repeupler nos campagnes françaises dans les années 60 (sous De Gaule !) ? qui se souvient que les jeunes filles pauvres, abandonnées ou handicapées étaient stérilisées de force en Suède bien longtemps après la guerre, jusque dans les années 70 (oui, en Suède…) ? Au moins l’Australie a fait son mea culpa pour les milliers de filles célibataires contraintes à abandonner leurs bébés à l’adoption.

          Je conseille à qui ne l’aurait pas vu le film extraordinaire sur le vol des enfants des opposants de gauche en Argentine par les militaires de la dictature.
          Inoubliable. Le film a eu l’oscar du meilleur film, et Norma Alexandra a eu le prix d’interprétation à Cannes. 

          A part une main coincée brutalement dans une porte, il n’y a pas une goutte de sang à l’écran, et pourtant, la violence des événements est plus que palpable : insupportable.


          • alinea Alinea 5 janvier 2013 20:44

            COLRE : pouvez-vous nous donner le titre ?
            Garson a beaucoup oeuvré pour la justice en Argentine où il a été accueilli ! Au Chili aussi !


          • COLRE COLRE 5 janvier 2013 20:51

            Ah, pardon, quel oubli : L’Histoire officielle. Il date du milieu des années 80. A voir absolument. Il est dans mon top ten.


          • COLRE COLRE 5 janvier 2013 20:56

            Et à propos de Garzon : il m’a offert l’une des plus grandes joies politiques, l’arrestation de Pinochet à Londres… Merci à lui ! merci aussi aux Britishs qui ont osé. Je ne pense pas que la France l’aurait fait…


          • paco 5 janvier 2013 20:36

             Dans les années 80, on y chantait encore au petit matin des hymnes fachos dans les cours d’école cathos, chaque gosse le bras tendu, « cara al sol »... Qui se souvient encore du 23-F et de ce colonel dégainant et tirant au parlement ? De ces chars dans les avenues ? Par souci de réconciliation nationale tout a été tu. Garson a mis un simple coup de pied dans la fourmilliere, et s’en est mordu les doigts. Beaucoup des anciens savent, des fosses communes aux gosses volés, peu parleront. Les plus jeunes s’en foutent. Et les Franquistes prospèrent. Ils tiennent le pays de façon subtile mais ferme.


            • alinea Alinea 5 janvier 2013 20:41

              paco : avez-vous écouté ce type qui a passé vingt ans dans un orphelinat franquiste ? C’est ce que vous dîtes, en pire !
              Si, la vérité se fera jour, mais comme d’habitude, beaucoup trop tard !


            • paco 6 janvier 2013 10:14

               Il vaut mieux que la vérité ne sorte jamais à la lumière. Sinon ça recommencera.
               Tous ont été horribles dans cette guerre oubliée qui annonçait la Mondiale qui couvait.
               


              • alinea Alinea 6 janvier 2013 12:11

                paco : croyez-vous que l’on puisse construire sur un secret ? Sur une impunité ? Je n’en suis pas sûre !


              • paco 6 janvier 2013 20:45

                 C’est compliqué, Alinéa. Trés.
                 Ils ont pu construire sur mille et un secrets qui se taisent au fin fond de familles déchirées.
                 « Que la vérité ne sorte jamais à la lumière » ( que no salga nada a la luz) sont les mots d’une trés vieille dame décédée à la fin du dernier siècle. J’ai mis longtemps avant de réussir à la faire enfin parler, à demi mots. Dans les années trente elle avait douze enfants. En Andalousie. Les plus grands, des ados, en 1937, furent « pris » pour aller à la guerre. Des deux cotés on recrutait ainsi, ils partaient ou c’était une balle dans la cour de la ferme et jetés au fond du puis. Ils ne sont jamais revenus et nul ne sait ou ils sont tombés. Les plus jeunes, l’Eglise les a « pris en charge » et elle ne les a jamais revus. En 1940 il ne lui en restait plus que trois, et quelques années plus tard, aprés la famine, plus que deux, dont mon père, qui lui n’a jamais voulu parler de ces années là et de la chape de plomb des années 50.
                 Profondément catholique, puisqu’il n’y avait pas d’autre choix, cette grand mère m’a appris la résignation. Lever l’impunité serait ouvrir une boite de Pandore, certes nécessaire, mais on repartirait à se battre. Pour de vrai. Les héritiers du franquisme tiennent tout le pays. Et la magistrature. Garson en a fait les frais.
                 Mieux vaut oublier, comme me disait cet oncle, combattant républicain, un rouge en somme, de toutes les batailles, puis interné en camp dans le sud de la France, avant de s’évader et rejoindre un maquis et devenir farouche résistant.
                 Sinon ça recommencera. 


                • alinea Alinea 6 janvier 2013 21:55

                  Mon Dieu, paco, je ne peux que voir les choses avec les yeux d’une privilégiée ! Et je comprends la grand-mère : que peut-on faire de tant de chagrin ? Quelles armes a-t-elle eu ? Il faut vivre quand même mais dans le secret de son coeur, a-t-elle pu avoir encore un peu de joie ! Quelle force.
                  je pense que c’est pour ça que les choses « s’ouvrent » beaucoup plus tard, parce que, de toutes façons, le mal est irréparable ; ça me noue les tripes !
                  Mais je crois qu’au niveau d’une société ( regardez ce qui se passe au Cambodge), un jour la lumière sera faite, il le faudra et vous, votre génération, qui n’a pas vécu ce mal dans sa chair mais qui en a écopé quand même, en sera apaisée, enfin... quand j’y pense, ça me fait frémir de colère.. mais il n’y a personne à punir réellement, et quand on sait que la vengeance ne répare rien !
                  Le pardon est impossible, je me demande bien pourquoi même ce mot existe !
                  merci à vous Paco pour ce témoignage...


                • alinea Alinea 6 janvier 2013 22:02

                  aussi : du côté politique, certes il ne sert à rien de regarder le passé et de se lamenter mais il faudra bien s’organiser et se battre pour que cela ne se reproduise plus ! On ne se résigne que parce qu’on y est contraint ; à moins de tous se suicider ! Non !! Mais ne pas oublier Paco, ne pas oublier !! Savoir toujours que cette chose-là existe, la fuir, la tuer dans l’ oeuf, l’éradiquer !

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