Au nom du Bien, évidemment ...
Un esprit libre – un vrai – ne peut à mon sens s’abandonner à prendre partie pour un camp ou pour l’autre de manière tranchée dans cette guerre en Ukraine dont on voit bien que plus le temps avance plus le risque d’un embrasement s’étend dangereusement. Face à l’immense complexité des enjeux, des causalités et des responsabilités, avaliser sans nuances tant la vulgate occidentale que celle du Kremlin à une époque où ce qui s’appelle la « propagande de guerre » tient lieu tant à l’ouest qu’à l’est, avec des modalités différentes propres aux régimes en place, de tableau de bord pour enrôler autant qu’endormir les populations engendre les pires simplifications. Et nourrit à la source, parfois contre soi-même, la logique de guerre, en fonction des définitions que les belligérants en ont faite. Guerre civilisationnelle selon le Kremlin, où la « Sainte Russie », assiégée par un occident aussi belliqueux que décadent entend rayer de la carte tant l’orthodoxie chrétienne que l’existence même d’une grande puissance non inféodée à leurs diktats mondialistes. Guerre de la suprématie impérialiste néo-conservatrice menée par l’OTAN et ses alliés sous pavillon américain, où toute partition non alignée du globe se doit de rentrer de gré ou de force dans le rang. Avec, on le remarquera, un angle d’attaque commun dans les discours assénés de part et d’autre de l’échiquier qui devrait nous alerter : celui du combat du bien contre le mal. Chaque camp s’attribuant, comme c’est le cas dans tous les grands conflits armés de l’époque contemporaine, le rôle du chevalier blanc assiégé.
L’Ukraine aujourd’hui envahie sert de laboratoire aux nouveaux combats impérialistes, et le peuple ukrainien, comme hier les irakiens, les libyens ou les syriens, paie dans sa chair le prix fort. Devrais-je dire, pour nuancer, non pas le, mais les peuples composant l’Ukraine, ce pays ayant tout le long du XXème siècle connu une histoire aussi tumultueuse que tragique dont il est impossible de faire un résumé rapide. Laquelle histoire tumultueuse autant que tragique se poursuit en ce début de XXIème siècle, notamment depuis 2014 dans le Dombass où les bataillons d’une milice militaire d’extrême droite appelée Azov Stal persécutait la population russophone avec l’assentiment tacite d’un occident s’étant huit interminables années durant bien gardé d’intervenir en faisant respecter les fameux accords de Minsk. Il convenait alors, comme le confia tout récemment Angela Merkel, de laisser le temps à l’Ukraine, passée dans le camp occidental en 2014 depuis l’étrange révolution colorée du Maidan organisée en sous-main par les marionnettistes de l’OTAN et de la CIA, de se remilitariser. Jusqu’à l’invasion russe du 24 février 2022, on ferma donc pudiquement les yeux sur les exactions commises dans la partie Est du pays. Au nom du Bien.
Et, toujours au nom du Bien, Poutine lança l’assaut. Afin, selon ses propres dires, de dénazifier l’Ukraine, ce territoire aux dirigeants aussi corrompus qua satanistes. En faisant notamment appel aux milices Wagner, dirigées par Evgueny Prigogine, un ancien délinquant dont il avait fait la fortune, à la tête d’un corps composé de 50 000 hommes dont 90 % d’anciens détenus sont d’authentiques criminels. Numéro deux des Forces Wagner, Dimitri Outkine, est quant à lui un authentique admirateur du IIIème Reich, au corps couvert de tatouages SS.
Au nom du Bien donc, le Maître du Kremlin entendit dénazifier l’Ukraine et les derniers vestiges des admirateurs de ce héros national nazi que fut Stepan Bandera, celui-là même qu’honore toujours Volodymyr Zelensky, en envoyant en première ligne des milices criminelles pilotées par un SS auto certifié. Tandis qu’au nom du Bien l’Occident avait laissé commettre des exactions huit années durant sur la partie russophone du Dombass par des milices ouvertement nazies.
Quant à la corruption … Elle est tellement systémique de part et d’autre qu’en faire le recensement mériterait un livre entier. Que ce soit Zelensky en personne ou Andriyi Yermak du côté ukrainien, le clan Biden père et fils, Poutine, Prigogine, Outkine ou ces généraux de l’armée russe qui se sont offerts d’immenses villas en détournant les budgets militaires – ce qui explique l’état absolument désastreux du matériel confié aux soldats russes présents sur le front : où que l’on porte le regard elle triomphe. Une authentique guerre entre des factions mafieuses luttant chacune au nom du Bien. « La guerre c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas », écrivait Paul Valéry.
On peut, et c’est heureux, reconnaissons-le, de ce côté des barricades, utiliser notre liberté d’informer pour dénoncer tant l’immense hypocrisie des belligérants que leurs mensonges et leurs méfaits. Ce qui, de l’autre côté du mur, n’est guère possible, sauf à prendre d’immenses risques et 15 ans de prison à la clef. Ce que se gardent bien de rappeler les nombreux et bruyants poutinôlatres qui pullulent sur les canaux d’information alternative de part chez nous, et qui à l’énoncé de ce seul mot, eux qui commencent chacun de leurs paragraphes par un amusant : « Je ne soutiens pas Poutine MAIS ... », sortiront la Kalashnikov à mille feuilles argumentatif. Il est impossible, les esprits libres le savent, d’échanger avec quiconque s’est construit un parti pris : avec eux, on ne peut pour obtenir leur aval qu’énoncer ce qu’ils pensent à la virgule près, exactement comme le font les néo-conservateurs impérialistes du camp d’en face qu’on voit défiler sur LCI.
Ils conviendront néanmoins avec moi que notre appartenance à cette diabolique institution qu’est l’OTAN nous conduit tout droit dans une logique de guerre dont nous autres ne voulons à aucun prix, et que les récentes livraisons d’armes lourdes exigées par un Zelensky en roue libre ne font qu’aggraver. Écouter les récentes déclarations du Premier Ministre polonais ou de la Ministre de la Défense allemande, lesquels s’embourbent jour après jour dans un irrépressible élan mortifère qui nous emmène bien malgré nous dans leurs belliqueux sillons ne devrait en rien nous empêcher de tout autant redouter leurs échos prononcés de l’autre côté de l’Oural. Et de faire a minima un effort de décryptage tout aussi rigoureux envers l’avalanche des mensonges russes disséminés dans les nombreux organes de propagande en ligne. S’insurger des manipulations occidentales à juste titre non suivies par les 2/3 de la planète pour tomber à pieds joints dans les mêmes pièges ourdis par les armadas de trolls made in Kremlin : à moins d’avoir décollé d’avec le réel et souhaiter que l’armée russe « libère la France » et importe avec elle un régime traitant ses opposants avec toute la délicatesse qu’on lui connaît, il va falloir argumenter pour valider pareille contradiction tout en se réclamant être intellectuellement et politiquement libre.
La France, la mienne, ne peut être que celle qui se tenant à équidistance des deux camps œuvre pour la paix et préserve sa voix singulière. Celle qu’avait su si bien incarner un De Gaulle, lequel n’avait rien ni d’un pacifiste bêlant ni d’un apparatchik vassalisé prêt à livrer les yeux grand fermés notre matériel d’armement à l’un des deux camps, quel qu’il soit et pour quelque raison que ce soit. Pris au piège de l’adhésion à l’OTAN depuis qu’un certain traître juché sur talonnettes nous a livrés pieds et mains liés aux marchands de guerre du complexe militaro-industriel américain, nous voici embarqués dans un conflit à propos duquel du fait de la reddition sans conditions de nos propres dirigeants nous ne pouvons qu’être des victimes collatérales tout justes bonnes à observer d’un œil inquiet les inquiétantes déflagrations sur les scènes de guerre pouvant nous conduire à la ruine.
Au nom du Bien, évidemment ...
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