• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Aider c’est bien, expliquer est indispensable

Aider c’est bien, expliquer est indispensable

Lorsque l’on se rend compte de l’absurdité du système, des inégalités et des injustices qu’il perpétue, on ne peut être que révolté. Mais en même temps, on se sent impuissant, la tâche pour espérer changer les choses parait vite colossale, et les difficultés et les désillusions sont nombreuses. Nos « Bourgeoiristos (1) » ont fait main basse sur les institutions du pays, les médias, les instituts de sondage sont entre leurs mains, l’économie et la finance sont sous contrôle. Ils ont tout verrouillé pour ne plus être délogés, du moins pas par des élections. Ceux qui veulent faire de l’abstention un mouvement de résistance politique actif couplé à des actions réelles pour une éventuelle convergence des luttes ne sont pas les plus nombreux. La « masse molle » qui constitue une grande partie de la population ne bouge pas, ne prend part à aucun combat. Peut-être simplement par paresse intellectuelle, ou alors a-t-elle intériorisé le message des classes dirigeantes : « On ne peut rien changer, il n’y a pas d’autre alternative  » ? Et pour ceux qui s’obstinent, les forces répressives qui protègent le pouvoir et les intérêts des plus riches sont là pour décourager toute contestation. Alors certains se rabattent sur des combats de deuxième zone, où malgré les difficultés, les satisfactions et les résultats sont plus faciles à obtenir. Autre avantage, on n’a pas besoin d’avoir une vision politique large, mais de connaitre le plus profondément possible l’objet de son engagement. Racisme, écologie, féminisme, migrants, LGBT, Palestine, Education sans frontières, restos du cœur, chiens, chats et autres causes animales … il y a tellement de possibilités. Bien sûr, certaines de ces personnes militent également dans des « orgas » plus politiques : c’est vrai, mais ce n’est pas la majorité du genre. Beaucoup qui se mettent « à aider » pour occuper leur retraite, n’ont jamais bougé leur petit doigt devant les injustices lorsqu’ils étaient salariés, vomissaient les syndicats, haïssaient ce qui était trop rouge, et pestaient contre les fonctionnaires et les assistés … pas ceux du CAC40 évidemment ! Il y a des marqueurs passe partout où tout le monde peut être mobilisé et où il n’est pas nécessaire d’avoir une conscience sociale ou politique.

Pour la journée de la femme toutes les chaines infos qui appartiennent à des milliardaires se mobilisent (2). Contre le racisme, des footballeurs millionnaires posent un genou à terre (3) avant les matchs. Je pense que lorsqu’une cause est récupérée par le monde médiatique et le pouvoir, elle est vidée de sa substance. Les luttes légitimes comme le féminisme ou le racisme sont ainsi dépouillées de leurs fondements et deviennent inefficaces, car elles ne remettent pas en cause le modèle d’exploitation capitaliste et ne remontent donc pas à la source du problème. La constitution d’un mouvement féministe de masse doit être en lien avec les mouvements ouvrier et antiraciste (45), permettant, ensuite, la formation d’une force populaire à même de tourner la page du capitalisme, c’est-à-dire de prendre le pouvoir, parce que le féminisme sans lutte de classe, c’est du développement personnel !

Nombreux sont ceux qui s’engagent pour une cause sans la relier à une situation politique. Comme par exemple, de nombreux bénévoles des « restos du cœur », ou les personnes qui participent à l’entrée des grandes surfaces à la collecte alimentaire pour aider les plus démunis, sans faire le lien entre la situation des plus pauvres et les décisions politiques de nos gouvernants. Ces personnes font simplement une « BA », sans se soucier du « comment » et du « pourquoi » de cette situation. Pire, parmi tous ces bénévoles, certains votent pour ceux qui sont responsables de cette situation. Un peu comme les « dames patronnesses », qui le dimanche après la messe distribuaient de la nourriture aux enfants les plus pauvres, pendant que le reste de la semaine, leurs époux exploitaient et pressurisaient les parents dans les ateliers de leur usine. Alors, avoir son petit fonds de commerce, c’est bien, mais 90% de ces combats résultent des conséquences du système capitaliste marchand dans lequel nous vivons. Faire sa « BA », c’est rassurant, mais ce n’est pas suffisant. Ce n’est pas petit bout par petit bout que l’on combat la machine capitaliste. Le système aura tôt fait de récupérer (4) ce que vous pensez lui avoir arraché. Si l’on en reste à une agitation de surface, nous améliorerons peut-être les choses à la périphérie mais nous ne changerons rien.

Les restos du cœur en sont le meilleur exemple, la petite assos de Coluche est devenue au fil du temps une gigantesque machine. Chaque année des chanteurs millionnaires viennent faire leur show. Le concert « des enfoirés » est retransmis sur TF1. L’organigramme est digne d’une multinationale avec de nombreuses succursales : jardin du cœur, toit du cœur, bébé du cœur, atelier du cœur… mais tout cela n’empêche aucunement la progression de la pauvreté, il y a de plus en plus de pauvres. Donc les restos du cœur sont un échec total. Il se contentent d’accompagner la pauvreté, mais en aucune façon de l’éradiquer ! Alors, on continue à déconnecter nos petits combats de la situation économique globale ? Il est bien sûr important pour ceux qui ont faim, qui sont victimes de violence ou qui sont discriminés de trouver asile et réconfort auprès de structures et de personnes dévouées à ces causes. Mais je trouve scandaleux qu’elles soient récupérées par ceux-là même qui sont responsables de ces maux comme lorsque Emmanuel Macron a inauguré la 33e campagne hivernale de distribution des Restos du cœur, et a remercié les bénévoles du centre et les partenaires économiques de l’association. Les bénévoles auraient dû le jeter dehors, après lui avoir demandé des explications sur sa politique sociale. Le comble de l’hypocrisie a été lorsque la famille de Bernard Arnault, propriétaire du numéro un mondial du luxe LVMH, a annoncé lundi 4 septembre 2023 verser une aide de 10 millions aux restos du cœur (4), il paraitrait que 8 français sur 10 aient approuvé son geste, alors que c’est lui, Bernard Arnault, défenseur de ce système qui enrichit vertigineusement le sommet en appauvrissant la base, qui fait partie du problème ! 

Attention à ne pas servir de faire valoir. Si certains engagements sont indispensables à l’heure où la pauvreté et les inégalités gagnent du terrain, il faut être conscient des enjeux et reconnaitre qui sont les vrais responsables de la situation, sinon son engagement devient une occupation, comme d’aller jouer au foot, faire un tennis ou aller à la pèche. Aider, c’est bien, c’est très bien, mais expliquer est indispensable. J’aime citer cet évêque brésilien qui a dit « « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint, et quand j’explique pourquoi ils ont faim, on dit que je suis communiste. »

Ne rêvons pas, ceux qui dirigent la société ont le pouvoir absolu de nous soumettre, de nous exploiter et de nous contraindre. Toutes les lois ont été façonnées à leur intention. Ces personnes ont scindé la société en strates professionnelles et en couches sociales, en nous divisant soigneusement afin de nous désunir pour que nous n’ayons plus de projet commun. Arrêtons de nous laisser obséder par le « sociétal », le genre, et autres questions, reprenons une dimension de classe et voyons le péril pour ce qu’il est, la manière dont on sacrifie les intérêts de la souveraineté française, diluée dans une UE américanisée, et ceux des couches populaires complètement abandonnées, cela n’a que trop duré.

http://2ccr.unblog.fr/2024/05/30/aider-cest-bien-expliquer-est-indispensable/

Preparez de la lecture pour cet été

ref :

(1) Frustration, « Candidatures pour 2022 : 50 nuances de bourgeoisie », le 09/09/2021. (2) Le Figaro. « Journée de la femme : les chaînes se mobilisent ». Publié le 07/03/2018. Également : « droits des femmes : le groupe tf1 se mobilise pour la journée du 8 mars ». (3) France 24, « Lutte contre le racisme : mettre ou pas le genou à terre, le débat qui agite l’Euro-2021 », publié le 15/06/2021. (4) Vue du droit, le 08/09/2023 : « Don de Bernard Arnault : merci not’ maît’, vous êtes trop bon » et également, Respublica, le 01/10/2023 : « Charity-Business contre solidarité. Quand les grandes entreprises viennent en aide aux déshérités ».

 

Moyenne des avis sur cet article :  1.35/5   (17 votes)




Réagissez à l'article

2 réactions à cet article    


  • Hervé Hum Hervé Hum 13 juin 13:33

    "reprenons une dimension de classe et voyons le péril pour ce qu’il est, la manière dont on sacrifie les intérêts de la souveraineté française,

    « 

    Euh, sais tu au moins qu’il y a de »souveraineté française" ou pour n’importe quel pays que celle de l’élite qui gouverne le pays !

    t’as pas encore compris que le principe de la souveraineté des nations est ce qui permet à cette même élite de justifier et maintenir sa domination sur les autres classes sociales.

    Que pour cette élite la mondialisation peut être économique et l’inertie du système capitaliste y pousse inexorablement, mais est un interdit sur le plan social. L’UE en est pourtant un exemple type. Car le seul argument pour justifier de leur position et obtenir la soumission volontaire et zélé des autres classes sociales se fonde uniquement sur la menace extérieure contre laquelle il faut des chefs de guerre, tant sur le plan militaire que économique. Sans cela, ils n’ont plus aucune justification pour obtenir toujours plus de la population.

    Alors, tant que tu parles d’intérêts de la souveraineté française, tu sera toujours un idiot utile de ceux que tu prétend combattre, car tu maintient ceux dont tu veux éveiller la conscience dans l’obscurité, dans une injonction contradictoire dont on ne peut pas sortir.

    Les classes sociales ne se définissent pas par rapport à sa nationalité.


    • Seth 13 juin 14:48

      L’aide sociale est une fausse bonne idée. Elle a pour but de nourrir, certes mais elle a aussi pour résultat de maintenir dans leur situation sans leur en faire prendre conscience une sorte de Lumpenproletariat. De la bouffe sans éducation politique.

      Je ne les approuve nullement. Ca a autrefois été le rôle de la charité, je me demande comment ça peut encore exister.

      De plus je n’ai pas souvenir d’avoir vu leurs panneaux ou leurs calicots dans des manifs. Pas plus que leurs « clients » d’ailleurs...

      Un ramassis de 3ème âge qui s’ennuie à la retraite (qu’ils ont confortable) et se donne bonne conscience sans s’attaquer au principal : le capital.

      Pour les préoccupations marginales, à la mode mais somme toute secondaires de tout une gauche bobo « aux idées larges » qui ne pense pas non plus à voir le rôle réel de la bourgeoisie dont elle est partie intégrante, c’est une autre question. Mais encore une fois, on s’écharpe là dessus entre soi, on s’éparpille et pendant ce temps...

      Mais c’est tout ce que nous avons en rayon de gauche en ce moment, mon bon monsieur. smiley

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Robert GIL

Robert GIL
Voir ses articles



Publicité




Palmarès



Publicité