• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Ah Dieux ! que ma guerre est jolie !

Ah Dieux ! que ma guerre est jolie !

La guerre ne produit pas que des héros, elle engendre aussi des cons et des gueules cassées. Pauvre Apollinaire ! En 1909, il publiait La chanson du mal aimé. En 1915, il en était réduit à chanter :

Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Avec ses chants ses longs loisirs

 

Mais il avait l’excuse d’avoir donné son sang, lui, contrairement à tous ces fauteurs de guerre qui empestent les médias et sont si généreux avec le sang des autres.

 

Ukraine et Russie / Israël et Palestine

C’est une banalité de dire que ce sont les Etats-Unis qui ont la clé de ces deux conflits, mais dans la poche de qui ? Celle de Biden qui peine à savoir jusqu’à quel point il peut plaire à son électorat juif sans déplaire à son électorat musulman, et inversement ? Sauf en 1956, lors de l’affaire de Suez, le soutien inconditionnel des USA à Israël ne s’est pas démenti. Mais la nouveauté qui annonce peut-être un tournant dans cette politique, Sylvain Cypel la formule en quelques mots : « Ces Juifs américains qui tournent le dos à Israël ».[i]

Le choix du soutien à l’Ukraine est plus récent : c’est plutôt la volonté d’en découdre avec une Russie, supposée affaiblie et prenable après la chute de l’URSS. La constante de la politique étatsunienne a été, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, l’endiguement (« containment ») de la zone d’influence soviétique, puis (après la parenthèse Eltsine) de la zone d’influence russe. La politique de l’UE s’est alignée globalement sur celle de l’OTAN (sauf en 2003, lors la deuxième guerre d’Irak), surtout depuis l’adhésion des Etats issus de la sphère soviétique.

Dès 1997, alors que Boris Eltsine n’a pas encore démissionné, Zbigniew Brzezinski annonçait le programme : « La Russie, est-il besoin de le préciser, reste un joueur de premier plan. Et ce, malgré l’affaiblissement de l’État et le malaise prolongé du pays. Sa seule existence exerce une influence majeure sur les nouveaux États indépendants de l’ex-Union soviétique. »[ii]

Dans un article de 2023,intitulé Pourquoi les grandes puissances se font la guerre, John Mearsheimer considère [iii] que « lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, le point de vue occidental dominant sur la guerre revient à suggérer que la Russie se comporte en Europe comme la Chine le fait en Asie. (...)

Abondamment reprise, cette version relève cependant du mythe. Rien ne démontre que le président russe aimerait s’emparer de la totalité de l’Ukraine ni qu’il entendrait conquérir d’autres États en Europe de l’Est. Le souhaiterait-il, d’ailleurs, qu’il n’aurait pas les moyens militaires de réaliser un objectif aussi ambitieux. »

Igor Delanoe le résumait en septembre 2022 dans un article intitulé Ukraine, la guerre à tout prix, : « Tandis que la Maison Blanche laissait entendre, avant d’être reprise par le département d’État, qu’il s’agissait de provoquer un changement de régime en Russie, le Pentagone explique qu’il souhaite voir la puissance russe consumée sur le champ de bataille ukrainien. »[iv]

On peut dire que le but est atteint, mais la Russie semble avoir trouvé de nouvelles ressources.

 

Qui est tombé dans le piège de qui ?

Igor Delanoe termine son article en écrivant : « les Européens de l’Ouest, au premier rang desquels la France, ont manqué de vision et de courage politique pour bloquer les initiatives les plus provocatrices de Washington et proposer un cadre institutionnel inclusif permettant d’éviter la réapparition de lignes de fracture sur le continent. Résultat de ce suivisme atlantiste, Français et Européens sont malmenés par les États-Unis. »

Emmanuel Todd considère, au contraire, « que les performances militaires de l’Ukraine ont, paradoxalement, entraîné les États-Unis dans un piège ». Il le répète plusieurs fois dans son dernier livre, jusqu’à intituler sa conclusion : « Comment les États-Unis sont tombés dans le piège ukrainien (1990-2022) ».[v]

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est intervenue trop tard ou trop tôt. Trop tôt pour l’Ukraine qui n’avait pas reçu assez d’armes des États-Unis . Mais trop tard pour la Russie car l’Ukraine en avait suffisamment pour lui résister un an ou deux, peut-être trois.

 

La même question se pose aussi pour le conflit entre l’Israël et la Palestine. L’agression du Hamas est-elle due à une faille du système de sécurité israélien ou a-t-elle été un prétexte pour une opération spéciale dans la bande de Gaza pour éradiquer toute opposition ?

 Ce qui est remarquable lorsque l’on considère les deux conflits, ce sont l’indignation et les sanctions à géographie variable. La république française n’a pas peur du ridicule. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 contraint Hollande à ne pas honorer une livraison de deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie. Dix ans plus tard, Macron n’a toujours pas décidé la fin des livraisons d’armes à Israël. Pourtant, le nombre des victimes est sans commune mesure (deux combattants perdent la vie le 18 mars 2014 : un pro-Ukrainien et un pro-Russe).

La raison en serait la démocratie qui règnerait en Israël, mais pas en Russie.

 

De la démocratie en Occident

On aurait pu imaginer qu’avec la disparition de l’URSS et du « bloc soviétique » la démocratie s’imposerait « naturellement » par la « simple » libération du marché et de la concurrence sur toute la planète. Les choses ne sont pas passées exactement comme ça, notamment en ex-URSS.

Les dirigeants des Etats-Unis se sont petit à petit, puis brutalement, persuadés qu’il était dans leur mission d’exporter partout « les valeurs démocratiques », comme l’URSS prétendait naguère diffuser « l’idéologie communiste ».

Dominique de Villepin le résume en 2024 dans son article La guerre n’est pas le plus court chemin vers la paix. : « les puissances occidentales (...) se sont affranchies de leurs propres règles, agissant hors du cadre légal international, au Kosovo en 1999, en Irak en 2003, sans garde-fous, comme en Libye en 2011, et sans perspective politique, comme au Sahel depuis 2013. »[vi]

Et John Mearsheimer dénonce « la croyance, largement partagée en Occident, selon laquelle les démocraties libérales se comporteraient différemment des États autoritaires ».[vii]

Quant à Guy Debord, il décrivait en 1988 une nouvelle forme de domination, le spectaculaire intégré (caractérisé) par l’effet combiné de cinq traits principaux, qui sont : le renouvellement technologique incessant ; la fusion économico-étatique ; le secret généralisé ; le faux sans réplique ; un présent perpétuel. (...)

« La société qui s’annonce démocratique, quand elle est parvenue au stade du spectaculaire intégré, semble être admise partout comme étant la réalisation d’une perfection fragile. De sorte qu’elle ne doit plus être exposée à des attaques, puisqu’elle est fragile ; et du reste n’est plus attaquable, puisque parfaite comme jamais société ne fut. C’est une société fragile parce qu’elle a grand mal à maîtriser sa dangereuse expansion technologique. »[viii]

 

Debord n’avait pas prévu comme Todd la chute de l’URSS, mais il devinait ce qu’il allait advenir, le spectaculaire intégré triomphant en Occident et le spectaculaire concentré se conservant en Chine et en Corée du nord, se rétablissant en Russie (sans aucune idéologie « communiste ») et se répandant dans ce qu’on appelle aujourd’hui très curieusement « le Sud global » (et même un peu en Occident : Trump, Orban...).

Ce que l’Occident appelle le « totalitarisme », c’est le spectaculaire concentré ; et ce qu’il appelle la « démocratie », c’est le spectaculaire intégré.

 

Antisémite toi même

L’antisémitisme est une invention européenne, une « laïcisation » de la haine antijuive multiséculaire, une caution « scientifique » à l’antisémitisme chrétien fondé sur le dogme du « peuple déicide ». C’est une coproduction franco-allemande, initiée par Ernest Renan et développée par Wilhelm Marr.

Deux mots font leur apparition dans la « science » occidentale :

- sémite, qu’invente un linguiste allemand, August Ludwig Schlözer, en 1781 et que reprend en 1878[ix], avec enthousiasme, Ernest Renan, grand amoureux de l’Allemagne ;

- antisémite, car c’est la réponse que fit à Renan un intellectuel juif autrichien, Moritz Steinschneider, lui reprochant des « préjugés antisémites ».

Puis le journaliste allemand Wilhelm Marr s’empare du mot et invente véritablement le terme « Antisemitismus » pour « nommer (...) (revendiquer) un nouveau type d’hostilité contre les Juifs : une hostilité raciale, raciste », ainsi que le soutient Gilles Karmasyn [x]. Il se réfère d’emblée à l’Encyclopédie Universalis qui définit le mot Antisemitisme comme « une attitude d’hostilité à l’égard des minorités juives, quel que soit, d’ailleurs, le motif de cette hostilité ».

C’est en effet l’opinion dominante dans la presse, les dictionnaires et les encyclopédies. Mais elle n’est pas sans conséquences douteuses. Si l’emploi du mot s’est bien restreint, dans le langage courant à « l’hostilité » à l’égard des Juifs exclusivement, il s’est aussi étendu, d’une part, à l’ensemble de l’histoire quadri-millénaire, avérée ou non, du « peuple hébreu » ; et, d’autre part, à toute hostilité à l’égard de l’Etat d’Israël.

 

Ainsi Hannah Arendt a été soupçonnée d’antisémitisme au point que Le Nouvel Observateur du 26 octobre 1966 a pu se permettre d’intituler une rubrique « Courrier » : « Hannah Arendt est-elle nazie ? ».[xi]

 

Un spécialiste de l’antisémitisme, Joël Kotek distingue « trois types d’antisémitismes qui alimenteraient cette surenchère anti-israélienne : une judéophobie traditionnelle héritée du catholicisme, une culpabilité historique liée à la déportation importante de juifs durant la Seconde Guerre mondiale (particulièrement en Flandre) et un clientélisme politique visant la communauté musulmane ».

https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/joel-kotek-la-belgique-un-laboratoire-si-les-theses-de-melenchon-lemportaient-chez-vous-G6OMXZSQ6VERNN2Q7X4BFX6N5Q/

C’est une façon de voir les choses. La « culpabilité historique liée à la déportation importante de juifs » serait plus vraisemblablement la raison de l’alignement systématique des occidentaux, et particulièrement des élites allemandes et françaises sur la politique israélienne : une façon de payer une dette de sang.

En revanche, plutôt que distinguer « trois types d’antisémitismes », il faudrait considérer trois moments historiques : conserver le terme d’antisémitisme pour l’idéologie « racialiste » franco-allemande des XIXè et XXè siècles ; rétablir le terme de judéophobie pour l’oppression religieuse d’un peuple prétendument « déicide » ; et utiliser anti-israélisme pour la période contemporaine. Ce sont en définitive trois formes successives de racisme.

Mais dans cette Palestine qu’on appelait « mandataire », deux racismes se font face. Parlant de celui de son peuple, Sylvain Cypel constate : « le racisme colonial est assumé : la déshumanisation du Palestinien devient le seul moyen de préserver l’estime de soi. »

 

Vu de France

Macron est banquier d’affaires et force est reconnaître qu’il a été le commis méritant de la classe dominante naturellement [xii] néolibérale. Il a fait sans vergogne les contre réformes sociales pour les lesquelles il a été choisi. Mais, deuxième président issu de la banque, il n’a jamais eu la rondeur de Pompidou. Il pense sans rire s’être fait tout seul et ne rien devoir à personne. Aussi il apparaît aux yeux de la population peu sensible à sa pensée complexe comme un adolescent qui adore jouer à la guerre. Déjà pendant la crise du covid, il déclarait sans rire : « Nous sommes en guerre ».

https://www.youtube.com/watch?v=5wYyJckGrdc

En 2022, il a été réélu en jouant sur le risque de guerre en Ukraine, après avoir tenté de « raisonner » Poutine. Depuis le 7 octobre 2023, il a déclaré son soutien inconditionnel à Israël, demandant seulement à Netanyahou d’être plus gentil dans son opération spéciale. Il est vraisemblable que les deux chefs de guerre méprisent cet apprenti Napoléon. Il pense tout haut et parle d’envoyer des troupes en Ukraine, tout cela en préparant fiévreusement des jeux Olympiques à Paris. Et pour couronner le tout, il déclenche une guerre civile en Nouvelle Calédonie. C’est sans doute tout ça, « l’ambiguïté stratégique » dont se réclame le petit mari de Brigitte. Il avait commencé en 2017 en invitant Poutine à Versailles, pour faire plus fort que Sarkozy recevant Kadhafi. André Larané lui consacrait un article assez flatteur titré : « Chapeau l’artiste ».[xiii]

Mais au delà des caprices du petit prince, il y a les particularités de la France avec ces deux Etats, la Russie et l’Israël, tout(e)s deux pourvu(e)s de l’arme nucléaire. De Gaulle est connu pour quelques formules : « la Russie de toujours » et « un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ».Pour cette seconde formule, il fut aussi, comme le rappelle Alain Gresh, accusé d’antisémitisme[xiv].

A l’époque, l’opinion française était largement pro-israélienne, et comme le souligne Alain Gresh dans le texte cité : « À la peur d’un nouveau génocide s’ajoute un racisme anti-arabe à peine voilé chez certains, cinq ans après l’indépendance algérienne. »[xv] Et enfin, elle était majoritairement anticommuniste, mais se gardait de chatouiller les moustaches de l’ours soviétique.

 

Aujourd’hui, l’opinion française est divisée sur ces deux conflits « aux portes de l’Europe ». Trois partis pris tranchés peuvent rendre compte de cette division : le soutien à l’Ukraine et à l’Israël, le soutien à l’Ukraine et à la Palestine et l’appel au cessez le feu et à la paix.

- le soutien à l’Ukraine et à l’Israël est quasiment unanime dans les médias et largement dominant chez les prétendues élites. Depuis l’invasion de l’Ukraine, LCI consacre presque tout son temps d’antenne à l’Ukraine et à la façon dont on va bouter le Russe. Le « service public » et BFM partagent leur temps d’antenne entre ces deux causes, mais, le temps passant, il sont forcés de s’intéresser aux victimes du massacre à Gaza, mais qu’ils appellent encore souvent « guerre à Gaza » ou « guerre entre Israël et le Hamas ». CNews privilégie la dénonciation de l’islamisme et le soupçon d’antisémitisme chez tous les soutiens des Palestiniens.

Sur l’éventail politique, ce soutien inconditionnel est défendu par les « anciens partis de gouvernement » qui rappellent toujours « le droit d’Israël à se défendre ; et qui, considérant la Russie comme une Union Soviétique affaiblie, trépignent d’y intervenir pour l’écraser. Cependant, l’aggravation du massacre à Gaza a contraint le Parti Socialiste à contrebalancer son soutien à Israël par des appels au cessez-le feu et la reconnaissance de d’un Etat palestinien, comme l’a fait le parti espagnol[xvi].

Dans le parti présidentiel, ce soutien varie selon l’humeur du chef. Le soutien à l’Ukraine a pu évoluer jusqu’à inspirer à Zélensky l’invention d’un nouveau verbe « macroner » Il est résumé par l’expression « pas de tabou » (de « ne pas humilier la Russie » à « la possibilité d'envoyer des troupes occidentales au sol en Ukraine ». Le soutien à Israël est plus constant et plus ancien. Mais il s’est dit « indigné » par les frappes israéliennes qui « doivent cesser »[xvii]. Ca devrait finir par arriver, en effet.

Quant à la reconnaissance d’un Etat palestinien, ce n’est « pas un tabou », non plus, mais pas dans « l’émotion »[xviii], ni « sur la base d'une indignation »[xix].

Les extrêmes-droite ont des sympathies divergentes : parfois pour le président russe en qui elles ont pu voir un modèle ; parfois pour l’Ukraine en qui elles voient un modèle d’anticommunisme et de collaboration avec les nazis.

- le soutien à l’Ukraine et à la Palestine, beaucoup plus marginal, existe dans certaines franges socialistes, écologistes et gauchistes.

- l’appel au cessez le feu et à la paix est dans la tradition de ce qu’on appelle la « gauche non socialiste ».

 

On ne sait pas à ce jour l’opinion des classes populaires.

 

Parfois, il faut une guerre pour prendre conscience de ce qu’on a laissé faire :

On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels, écrivait Anatole France dans L’Humanité 1922) [xx]

Plus près de nous, mais un peu plus à l’ouest, le barde Glenmor proclamait en 1973 :Princes, entendez bien. Vous condamnez toute guerre sauf la vôtre que vous dites juste[xxi].

Conclusion comme toujours provisoire

« L’ennemi est bête : il croit que l’ennemi, c’est nous, alors que l’ennemi, c’est lui »

Pierre Desproges

https://www.youtube.com/watch?v=rYq76xHBhY0&t=6s

 

Il est remarquable de voir comment certains mots ont des sens à géographie variable. Ainsi « ingérence » et « patriote ».

Le droit, puis le devoir d’ingérence, nés à la fin du siècle dernier, ont été disqualifiés depuis les interventions étatsunienne en Irak en 2003, puis franco-britannique en Libye en 2008. Désormais, c’est le danger de l’ingérence étrangère que dénoncent en chœur les « démocraties ». Elles dénoncent principalement et bruyamment la Chine et la Russie, mais tombent de l’armoire lorsque qu’il s’avère que des « démocraties » espionnent et tentent d’influencer d’autres « démocraties » 

Quant à « patriote », (c’est aussi, le nom d’un missile), c’est une qualité qui devient un grave problème pour des artistes ou athlètes russes qui devraient se désolidariser de leur pays pour exercer leur talent en Occident. Le patriotisme serait-il devenu ce qu’en disait Darien dans La belle France : « le dernier refuge des coquins » ?

 

Il est indécent de mettre en balance les agressions antisémites en France avec les victimes de l’opération spéciale d’Israël à Gaza. C’est là qu’a lieu depuis le 8 octobre le véritable « pogrom »[xxii]. Michel Wieviorka peut déplorer que « notre pays souffre d'un manque de bienveillance à l'égard du monde juif »[xxiii] et Bernard-Henri Lévy s’alarmer d’un « retournement contre Israël qui est suicidaire pour l'occident ».

Il existe peut-être des raisons à cette situation. Il ne faut pas se contenter des affirmations du CRIF et lire aussi ce que publient l’Union Juive Française pour la Paix[xxiv] (née, comme le CRIF, en 1994) et la revue Orient XXI. Bien sûr, le CRIF et le gouvernement s’emploient à faire taire ces voix discordantes, à invisibiliser toute opposition en la soupçonnant de « traitrise », voire d’« antisémitisme ».

 

Si les opinions publiques de l’Occident, du « nord global », s’offusquent tant du massacre à Gaza, c’est que l’Israël se présente comme une « démocratie » et est présentée comme telle par la plupart de leurs gouvernements. Ajoutons que n’est plus un petit Etat fragile, mais une puissance militaire dotée de l’arme nucléaire.

En revanche, si Israël apparaît comme un modèle à la droite plurielle de France, c’est que la gauche y a été réduite à quatre députés.

Il est criminel de ne pas peser pour faire taire les armes à Gaza. C’est le minimum que l’on puisse faire. Tout en sachant que seuls les Etats Unis peuvent réellement tordre le bras à l’Israël. Et au moment où de jeunes ukrainiens renâclent à l’idée de mourir pour l’idée qu’on se fait de la « la démocratie », il est tout aussi criminel de ne pas appeler à un cessez-le-feu et à des négociations.

 

[i] Sylvain Cypel, L’Etat d’Israël contre les Juifs (2020), chapitre 9 : « Il n’est pas nécessaire ni sain de se taire » Crise au sein du judaïsme américain.

[ii] Cité dans le livre de David Teurtrie Russie. Le retour de la puissance. Zbigniew Brzezinski est un ancien conseiller de Carter puis de Bush 1er. Son est intitulé The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives  et a été traduit en français sous le titre très évocateur : Le Grand Échiquier : l'Amérique et le reste du monde.

[iii] Professeur de science politique à l’université de Chicago. Intégralité du paragraphe : « Lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, le point de vue occidental dominant sur la guerre revient à suggérer que la Russie se comporte en Europe comme la Chine le fait en Asie. Le président Vladimir Poutine serait mû par des ambitions impériales qui le pousseraient à restaurer une Grande Russie ressemblant à la défunte Union soviétique et à reconquérir l’ancien glacis du pacte de Varsovie, ce qui mettrait en péril la sécurité de toute l’Europe. Selon cette analyse, l’Ukraine ne constituerait qu’un hors-d’œuvre pour l’ogre russe, qui s’en prendrait ensuite à d’autres pays. Le rôle de l’OTAN, en Ukraine, se bornerait donc à contenir le régime de M. Poutine, de la même manière qu’elle a empêché la domination de l’ensemble de l’Europe par l’Union soviétique au cours de la guerre froide. » Le Monde diplomatique, août 2023.

[iv] Le Monde Diplomatique, septembre 2022. Igor Delanoe est chercheur associé à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), auteur de Russie. Le retour de la puissance (2021).

[v] La défaite de l’occident (2024)

[vi] Le Monde diplomatique, juin 2024.

[vii] Dans le Le Monde diplomatique, août 2023, déjà cité. Dans le même paragraphe, il fait les mêmes constatations de Villepin :. « Nation libérale par excellence, les États-Unis ont transgressé le droit international lorsqu’ils ont attaqué la Yougoslavie en 1999 et l’Irak en 2003, après avoir fomenté une guerre civile sanglante au Nicaragua durant les années 1980. Toutes les grandes puissances ignorent les scrupules lorsqu’elles estiment que leurs intérêts vitaux sont en jeu. » Dans le même texte, il écrit : « la géopolitique libérale n’accorde aucune priorité à telle ou telle région du monde. Son objectif proclamé consiste à diffuser la démocratie et le capitalisme le plus largement possible. Bien qu’ils disent abhorrer les horreurs de la guerre, les promoteurs d’une politique étrangère libérale n’hésitent pas y recourir pour satisfaire leur objectif ambitieux. La doctrine Bush, qui prétendait démocratiser le Proche-Orient à la pointe du fusil, illustra parfaitement cette approche. Ce n’est pas un hasard si les tenants du réalisme ont sévèrement critiqué la guerre d’Irak. Elle fut pensée et voulue par les néoconservateurs, très attachés à l’universalisation des « valeurs » de l’Occident, et soutenue par les partisans de l’hégémonie libérale. »

[viii] Commentaires sur la société du spectacle (1988). Dans son livre La société du spectacle (1967), Guy Debord distinguait deux formes de domination : « le spectacle existe sous une forme concentrée ou sous une forme diffuse. » (...) Le spectaculaire concentré appartient essentiellement au capitalisme bureaucratique » (...) « Le spectaculaire diffus accompagne l'abondance des marchandises » [viii]

Il distinguait donc deux formes de domination, celle qui se présentait comme « le monde libre » et, pour faire court, « le monde communiste », représenté alors le « bloc soviétique » et ses concurrents chinois, coréen, yougoslave... Mais il notait cependant que ce spectaculaire concentré pouvait « être importé comme technique du pouvoir étatique sur des économies mixtes plus arriérées, ou dans certains moments de crise de capitalisme avancé ».

Juste avant la disparition de l’URSS et du « bloc soviétique », dans ses Commentaires sur la société du spectacle, il revenait sur cette distinction. Il précisait que ce spectaculaire concentré mettait « en avant l’idéologie résumée autour d’une personnalité dictatoriale, avait accompagné la contre-révolution totalitaire, la nazie aussi bien que la stalinienne ». Et il remarquait que :

Une troisième forme s’est constituée depuis, par la combinaison raisonnée des deux précédentes, et sur la base générale d’une victoire de celle qui s’était montrée la plus forte, la forme diffuse. Il s’agit du spectaculaire intégré, qui désormais tend à s’imposer mondialement.

(...) La société modernisée jusqu’au stade du spectaculaire intégré se caractérise par l’effet combiné de cinq traits principaux, qui sont : le renouvellement technologique incessant ; la fusion économico-étatique ; le secret généralisé ; le faux sans réplique ; un présent perpétuel.

[ix] Histoire générale des langues sémitiques, Paris, Calmann-Lévy, 1878, p. 17.

[x] L’ « antisémitisme » : une hostilité contre les Juifs. Genèse du terme et signification commune.

https://phdn.org/antisem/antisemitismelemot.html

[xi] Michelle Irène Brudny de Launay, Présentation de l’édition française de Eichmann à Jérusalem (1991). Intégralité du passage : « Plus d’un an avant la parution de l’édition française de l'ouvrage de Hannah Arendt, Nahum Goldmann déclarait lors de l’inauguration, le 25 janvier 1965, de l’exposition « Les Juifs dans la lutte contre l’hitlérisme », organisée au Mémorial du martyr juif inconnu, que celle-ci offrait une image fidèle de ce dont Hannah Arendt et d’autres auteurs avaient donné une représentation erronée. La première édition française de Eichmann à Jérusalem, procurée d’après la seconde édition revue de l’original américain, avait d’ailleurs naturellement été précédée d’un Avertissement de l’Éditeur qui présentait les principaux thèmes et les pièces les plus importantes de la controverse. Mais, si l’on excepte, par exemple, la recension de Roger Errera dans La Quinzaine littéraire (1-15 décembre 1966)« Ne nous y trompons pas : il s’agit d'un livre sur le totalitarisme, s’inscrivant à la suite des précédents ouvrages de l’auteur et dépassant, à ce titre, les études magistrales de Hilberg, Reitlinger et Poliakov dont Hannah Arendt fait d’ailleurs amplement usage [...] » —, ce sont les réactions négatives qui semblent avoir dominé, à l'image de la lettre collective publiée par Le Nouvel Observateur du 26 octobre 1966, dans une rubrique « « Courrier » intitulée « Hannah Arendt est-elle nazie ? ».

[xii] Dominique Seux, la grande révérence économique de Radio Paris, le rappelle souvent : le « néolibéralisme », l’« ordolibéralisme », je ne sais pas ce que c’est.

[xiii] « Parions que le nouveau président de la République jouera loyalement la carte européenne sans céder pour autant aux exigences de Bruxelles, Francfort et Berlin. Parions qu'il ne se couchera pas comme avant lui le sémillant Tsipras. Parions enfin qu'il obtiendra de ses partenaires des avancées conformes aux intérêts de tous, et s'il n'y parvient pas, qu'il vire alors de cap comme de Gaulle en 1960 à propos de l'Algérie et Mitterrand en 1983 à propos du socialisme. »

https://www.herodote.net/Macron_Poutine_chapeau_l_artiste_-actualite-359.php

[xiv] Alain Gresh 5 septembre 2017 : « Hubert Beuve-Méry, directeur du Monde (daté du 29 novembre, publié le mardi 28 après-midi) évoque des « relents d’antisémitisme » ; Jean Daniel dénonce dans Le Nouvel Observateur « le fantôme de Maurras » qui hanterait de Gaulle ; Jean-Jacques Servan-Schreiber s’interroge dans son éditorial de L’Express  : « Jusqu’où poussera-t-il l’outrance et la démesure ? » avant de demander, purement et simplement, sa « déposition »

https://orientxxi.info/magazine/de-gaulle-les-juifs-un-peuple-sur-de-lui-meme-et-dominateur,1964

[xv] « À la peur d’un nouveau génocide s’ajoute un racisme anti-arabe à peine voilé chez certains, cinq ans après l’indépendance algérienne. Serge Groussard, grande plume de L’Aurore écrit le 24 mai : « Deux mille (sic !) ans d’incurie musulmane ont transformé ce paradis d’or et de miel (la Palestine) en steppes érodées ». C’est toujours L’Aurore qui parle des Arabes, « gorgés de haine par la plus fanatique des campagnes psychologiques depuis Goebbels, gavés de haschich ou enténébrés d’opium », qui convoitent « les belles richesses nouvelles du peuple hébreu ». Et Le Figaro affirme que les radios arabes promettent les vergers de Galilée, les orangers de Jaffa et les filles de Tel-Aviv aux masses arabes. »

[xvi] Manuel Valls, des anciens leaders, qui a lui aussi quitté le PS semble avoir évolué sur ce sujet depuis 2012.

https://www.politis.fr/articles/2012/11/palestine-la-conversion-de-manuel-valls-20134/

[xx] https://www.lefigaro.fr/.../anatole-france-superstar-de...

Curieux, ce choix du Figaro de faire en 2024 l'éloge d'Anatole France. Certes, en 1912, il faisait dans Les dieux ont soif une critique de la révolution française, ce qui ne peut que plaire aux lectrices et aux lecteurs du journal.

[xxi] https://www.youtube.com/watch?v=4HmQguyCHFU

Un parallèle pourrait être établi en l’Ukraine et la Bretagne, mais ce sera pour une autre fois.

[xxii] « Faire des événements du 7 octobre un “massacre antisémite” conduit à invisibiliser une partie de la réalité du 7 octobre. Vouloir la regarder en face ne revient ni à minimiser, nier, ou légitimer les horreurs qui ont été commises ce jour-là, ni à manquer d’empathie vis-à-vis des victimes qui les ont subies. »

https://ujfp.org/le-7-octobre-un-massacre-antisemite/

[xxiv] « Après des siècles de persécutions européennes, avec comme carburant l’anti-judaïsme chrétien, voilà les minorités juives prises en étau entre l’antisémitisme historique occidental, la fascisation actuelle, et le ressentiment anti-juif provoqué par le colonialisme israélien. »

https://ujfp.org/gaza-victoire-de-la-civilisation-judeo-chretienne/

 

« En Israël, une large partie de l'opinion est sortie de l'humanité comme ça s'est déjà passé dans d'autres sociétés. Ces crimes sont applaudis. Les médias s'amusent de la souffrance palestinienne. La vie de l'autre n'a aucune importance. Le suprémacisme, l'inégalité des droits sont assumés. »

https://ujfp.org/ils-nassassinent-pas-seulement-les-palestinien-nes-ils-tuent-aussi-le-judaisme/

 

« Dans mon éducation juive, le négationnisme est un crime absolu.

On assiste aujourd’hui à un véritable négationnisme vis-à-vis des Palestiniens. »

https://ujfp.org/gaza-le-colonialisme-lapartheid-et-le-supremacisme-a-lorigine-du-carnage/

 


Moyenne des avis sur cet article :  4.37/5   (19 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • Sirius Sirius 8 juin 17:25

    « Tout en sachant que seuls les Etats Unis peuvent réellement tordre le bras à l’Israël. »

    tout en sachant qu’Israël est le bras des Etats-Unis.


    • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 9 juin 10:05

      Vous avez commencé un chapitre avec le titre « Vu de France »

      Moi, j’ai écrit deux articles successifs.

      Le premier vu de Belgique sur avox en préversion et sur mon site vieux de plus de 19 ans avec la titre « Elire par la fiction »

      Le second, en m’élevant au niveau élevé de l’Europe avec « Le D-Day, un ticket pour l’Europe » 

      J’ignore si nous nous retrouveront, car voir les choses à la loupe, à partir d’un petit pays comme le mien est plutôt risqué.

      Je plus tout de même en ajoutant « La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas » écrivait Paul Valery  


      • Seth 9 juin 16:18

        @ l’auteur

        Je ne sais pas si vous avez fait allusion de cela : https://www.youtube.com/watch?v=mufPyc1L3hc


        • Durand Durand 9 juin 20:30

          La racine principale de l’anti sémitisme est d’origine Khazaro-ashkénaze… On ne peut rien comprendre si l’on élude les 7 ou 8 siècles d’existence de l’empire khazar.

          Wiki pour dégrossir :

          https://fr.wikipedia.org/wiki/Khazars

          On note au passage que l’élite khazare, première à se convertir au judaïsme, était en contact étroit avec les marchands radhanites, principaux fournisseurs d’esclaves slaves à El Andalus et au Proche-Orient…

          Les détails :

          https://fr.slideshare.net/slideshow/les-khazars-et-isral-par-jean-leduc/250296510

          ..


          • zygzornifle zygzornifle 10 juin 10:19

            La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas ....

            Des pauvres ouvriers et employés Russes qu’on envoi envahir un pays pour satisfaire les envies d’un Dictateur sacrifiant ainsi toute la jeunesse, l’économie et la force de son pays ....

            Des civils Palestiniens qui ont abrités des terroristes et qui le payent maintenant au prix de leur vie, vivants sous les bombes israéliennes et la brutalité du Hamas. Tout le monde sait que s’il y a une paix possible elle sera précaire et permettra aux fous de Dieu de se réarmer pour continuer leur guerre .  


            • zygzornifle zygzornifle 11 juin 14:39

              Cette chanson est tellement d’actualité ....

              Pierre Perret - Le monsieur qui vend des canons

              https://www.youtube.com/watch?v=mh0pf0k7PoM

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité