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Accueil du site > Tribune Libre > La Nakba, 76 ans de souffrance, de résistance et d’espoir

La Nakba, 76 ans de souffrance, de résistance et d’espoir

En 1948, les palestiniens ont été arrachés à leur terre et contraints à l'exil et au déracinement. Le 15 mai de chaque année, ils commémorent cettte tragédie pour rappeler à Israël et au monde entier qu'ils ne renonceront jamais à leur droit légitime au retour.

Qui peut mieux ressentir cette tragédie collective que les poètes. Mais avec le génocide en cours à Gaza, la poésie et les poètes palestiniens sont en deuil : plus de 35 000 morts et deux poètes assassinés par Israël depuis octobre 2023.

Rifaat Alareer (1979-2023) a refusé de quitter sa Gaza natale pour pouvoir écrire et informer sur la réalité des souffrances des palestiniens. Sa mort restera comme un témoignage à la fois éloquent et tragique des profondes injustices infligées au peuple palestinien. Voici un extrait de son dernier poème :

Si je dois mourir,

tu dois vivre

et raconter mon histoire

vendre mes affaires

acheter un bout de tissu

et quelques morceaux de ficelle,

(fais en sorte qu’il soit blanc avec une longue queue)

pour qu’un enfant, quelque part à Gaza

en regardant droit vers le ciel

alors qu’il attend son papa emporté dans une explosion

sans faire ses adieux à personne

ni à sa chair

ni à lui-même –

pour qu’il voie le cerf-volant, mon cerf-volant, celui que tu as fait, prendre

son envol (1)

Hiba Abou Nada (1991-2023), elle aussi morte sous les bombes israéliennes le 20 octobre 2023, écrivait juste avant sa disparition :

Je t’accorde un refuge

contre le mal et la souffrance.

Avec les mots de l’écriture sacrée

je protège les oranges de la piqûre du phosphore

et les nuages du brouillard

Je vous accorde un refuge en sachant

que la poussière se dissipera,

et que ceux qui sont tombés amoureux et sont morts ensemble

riront un jour (2)

Parmi les poètes palestiniens, Tawfik Zayyad (1929-1994) est peut-être celui qui incarne le mieux la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie et pour le retour sur sa terre  :

Mes bien-aimés

Avec mes paupières je bâtirai la route de votre retour

Avec mes paupières.

Je guérirai votre blessure, balaierai les épines de la route

Avec mes cils

Et de ma chair je construirai le pont du retour

Dans un autre poème il écrivait :

Je vous appelle

Je serre vos mains

J’embrasse la terre sous vos pieds

Et je dis : je vous donne ma vie

Je vous offre la lumière de mes yeux

Et la chaleur de mon coeur

Le drame que je vis est ma part de vos tragédies

Face à mes oppresseurs je me suis dressé
Orphelin, nu, déchaussé

J’ai préservé l’herbe verte sur les tombes de mes ancêtres

Sa poésie se confond même avec cette terre tant aimée de la Palestine :

Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir

Je graverai inlassablement

toutes les saisons de mes douleurs

toutes les saisons de l’infortune

de la graine

à la coupole

sur l’olivier

dans la cour de ma maison

Contre la force et la violence de l'occupant israélien, Zayyad opposait la puissance de sa poésie. Cette poésie simple, émouvante, populaire et tragique a circulé d'abord sous les tentes des camps de réfugiés, dans les prisons avant d'être lue, apprise et chantée dans toute la Palestine et dans tout le monde arabe. La poésie de Zayyad a réussi à briser le cercle étroit, confidentiel et élitiste dans lequel est confinée la poésie en général pour s'emparer des masses opprimées palestiniennes et arabes. La poésie subversive de Zayyad dérangeait. Arrêté, incarcéré et torturé, l'occupant israélien voulait étouffer la voix du poète.

Zayyad n'a pas quitté sa Galilée natale. Il voulait, disait-il, garder l'ombre des orangers et des oliviers de la Palestine

 :Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

Tawfik Zayyad est mort dans un accident de voiture dans des circonstances troubles. Il nous a laissé une moisson abondante de poèmes se transmettant de générations en générations.

Parmi ses recueils on peut citer, J'étreins vos mains, Enterrez vos morts et levez-vous, Paroles de combat, Chants de révolte et de colère, Captifs de la liberté etc.

Son oeuvre n'a toujours pas été traduite en français. Le lecteur francophone est ainsi privé d'une poésie lumineuse à la fois authentiquement palestinienne et universelle.

Mohamed Belaali

Blog M Belaali

----------------------------

(1)https://www.belaali.com/2023/12/mort-d-un-poete-a-gaza.html

(2)https://orientxxi.info/magazine/de-la-nakba-a-gaza-poesie-et-resistance-en-palestine,7054


Moyenne des avis sur cet article :  4.23/5   (22 votes)




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15 réactions à cet article    


  • Gégène Gégène 15 mai 09:19

    Mais alors . . .

    En nous vendant le concept « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », on nous aurait bananés ?

    Je me refuse à le croire smiley


    • Gégène Gégène 15 mai 09:24

      P.S.
      c’est aussi beau que ce poème de Neruda !



    • JPCiron JPCiron 15 mai 12:55

      @Gégène
      on nous aurait bananés >
      Oui, et volontairement.
      Nos politiques Européens (& Français) savaient parfaitement, depuis le tout début, voici un siècle, que le Plan était colonial (en non post-colonial comme prétendu). Et que la contrepartie était de ’’se défaire’’ des indigènes. Ou bien les soumettre.
      Cela avait ’’marché’’ en Amérique et en Australie...

      Les Médias ont suivi les Politiques (ou bien est-ce l’inverse ?)
      https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/l-antisemitisme-mere-porteuse-du-254572


    • Yann Esteveny 15 mai 09:33

      Message à tous,

      Pas un mot dans l’article sur les responsables hier de la Nakba et les les génocidaires aujourd’hui des palestiniens.

      Lorsque l’on veut vous vendre le marxisme comme solution aux problèmes de la terre, les faits et la réalité sont comme les gazaouis supprimés.


      • Gégène Gégène 15 mai 09:50

        @Yann Esteveny

        C’est ben vrai tout ça, aucun rapport entre Gaza et
        le concept des damnés de la Terre smiley


      • Yann Esteveny 15 mai 11:18

        Message à avatar Gégène,

        Ceux qui se damnent sont précisément ceux qui s’entêtent résolument dans leur erreur et répandent le sang des innocents de partout.
        Ils perpétuent le meurtre de l’Innocent il y a deux millénaires par leur révolte contre Dieu.

        Respectueusement


      • amiaplacidus amiaplacidus 15 mai 11:38

        @Yann Esteveny

        Un délire religieux, même répété, ne se transforme pas en quelque chose de sensé.

        Faut-il vous rappeler que l’origine des troubles est religieuse ?

        Des fanatiques revendiquent un territoire qui leur aurait été donné par un dieu hypothétique, alors ils s’en emparent, au nom de la loi de dieu smiley, et en chassent les habitants. Rappelons que ce sont les sionistes qui ont inauguré le terrorisme en Palestine.
        Parmi les habitants chassés, d’autres fanatiques religieux se défendent en commettant également des attentats. Au nom du même dieu d’ailleurs.
        .
        Bref, les religions, et plus spécialement les monothéismes, sont le cancer de l’humanité.


      • Yann Esteveny 15 mai 12:29

        Message à avatar amiaplacidus,

        Le cancer est une production scientiste de l’homme qui croit se faire Dieu lui même par la science et sa pauvre raison. Il faut parler de malheur et non de cancer.

        Le malheur de l’humanité est depuis toujours de précisément se détourner de la volonté de Dieu pour faire la sienne qui n’est pas la bonne. C’est précisément cette religion qui est le « cancer » de l’humanité : celle de l’homme qui se prend pour Dieu et qui est un fanatique de sa propre puissance et qui se complait dans son oeuvre de destruction qu’il prétend création. Il nomme cela la révolution.

        Les sionistes sont dans cette religion où Dieu n’est qu’un élément de leur pauvre calcul pour satisfaire leur ivresse de puissance. Cela finira aussi mal pour eux que pour Judas de Kériot qui rêvait de royaume temporel.

        Respectueusement


      • Yann Esteveny 15 mai 12:42

        Message à tous,

        Les criminels ne sont pas seulement ceux qui tuent sur le terrain pour l’entité criminelle. Ce sont également tous les biens-pensants droits de l’hommistes des fausses démocraties qui soutiennent l’entité criminelle par fanatisme laïciste et haine des humains qui refusent de choir dans leur athéisme matérialiste.
        Ceux qui trahissent Dieu s’entendent ainsi très bien avec ceux qui trahissent tous les hommes et eux-mêmes.


      • DACH 16 mai 11:38

        En 1948, les palestiniens ont été arrachés à leur terre et contraints à l’exil et au déracinement. Le 15 mai de chaque année, ils commémorent cettte tragédie pour rappeler à Israël et au monde entier qu’ils ne renonceront jamais à leur droit légitime au retour.= Qui les a arrachés ? Les états arabes qui ne voulaient pas d’une Palestine état et qui a demandé aux arabes de partir provisoirement le temps de se partager l’ensemble de ce territoire et d’en chasser les Juifs et les Chrétiens. Rappelons que la Palestine a été envahie depuis les Romains par les Musulmans et occupée jusqu’en 1918 ! 

        La Cisjordanie est devenue jordanienne. La majorité juive de Jérusalem a été chassée. ET quand les palestiniens ont menacé la royauté jordanienne, il y a eu septembre noir qui a préfiguré les massacres de palestiniens en Syrie. 

        Alors le droit au retour des exilés de 1948 suppose que les Juifs et les Chrétiens des premiers siècles ont droit aussi à revenir !!!!!

        Les pogroms du futur ont encore de l’avenir.

        Au lieu de ces envies d’extermination de la part des musulmans, que tous s’efforcent de construire ensemble quelque chose d’apaisé comme le voulaient les Juifs en 1948 et que ne voulaient pas les arabes de cette époque. 



        • placide21 16 mai 12:52

          Et ce n’est pas fini : 




            • Mozart Mozart 16 mai 13:10

              Ca part mal vu la première phrase de l’article. Les palestiniens ont refusé la cohabitation et ont vendu leurs terres aux Israéliens. Point barre. Pour le reste et jusqu’à aujourd’hui, les arabes n’ont su que collectionner tôles sur tôles face aux Israéliens et se targuant d’une fausse mythologie

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Mohamed Belaali


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