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ilias 20 avril 17:37

La publication précédente de mon post a été tronquée automatiquement. Je republie le même commentaire, tronquée cette fois par moi-même pour cause de limite de caractères imposée par agoravox. Vous avez cité le boudhisme, le taoisme, etc ; mais malheureusement vous avez omis une autre voie tout aussi importante pour quiconque veut se mettre au courant des expériences humaines du voyage d’éveil à la conscience de la dialectique finitude-infinitude de l’existant.

De quelques Dits du soufi Muhyiddin Ibn Arabi

En réalité nous ne cessons jamais d’être en voyage depuis l’instant de notre constitution originelle et celui de la constitution de nos principes physiques, jusqu’à l’infini. Quand t’apparaît une demeure, tu te dis : voici le terme ; mais à partir d’elle s’ouvre une autre voie dont tu tires un viatique pour un nouveau départ.

L’existence a pour origine le mouvement. Il ne peut donc y avoir d’immobilité en elle, car si elle restait immobile, elle reviendrait à son origine qui est le néant. Le voyage ne cesse donc jamais dans le monde supérieur et inférieur.

De l’amour nous sommes issus,
Selon l’amour nous sommes faits.
C’est vers l’amour que nous tendons.
A l’amour nous nous adonnons.

Que de saints bien-aimés dans les synagogues et les églises !
Que d’ennemis haineux dans les rangs des mosquées !"

Mon cœur est devenu capable d’adopter toutes les formes.

Il est pâturage pour les gazelles

Et abbaye pour les moines

Il est un temple pour les idoles

Et la Ka`ba pour qui en fait le tour

Il est les Tables de la Torah

Et aussi les feuillets du Coran.

La religion que je professe est celle de l’amour

Partout où ses montures se tournent,

L’amour est ma religion et ma foi.

L’homme possède deux aspects de perfection. Par le premier, il accède au degré de la Présence divine et par l’autre, au degré de la présence du monde de la génération (kiyâniyya). D’une part, on dit de lui qu’il est un serviteur du fait qu’il est assujetti (mukallaf), qu’il n’existait pas puis vint à l’existence à l’instar du Cosmos ; d’autre part, on dit de lui qu’il est seigneur (rabb) sous le rapport de la Lieutenance (khalîfa), de la forme (cûra) et de la plus belle constitution (ahsan taqwîm). (cf. Coran 95 : 4). Il est aussi un Isthme (barzakh) entre le Monde et Dieu le Réel, il synthétise (jâmi’) la créature (khalq) et Dieu le Réel (haqq). Il est la ligne de séparation entre le degré de la Présence divine et celui du monde de la génération (kawmiyya), comme la ligne [imaginaire] séparant l’ombre du soleil. Telle est sa réalité.

Celui qui est fixé sur telle adoration particulière ignore nécessairement la vérité intrinsèque d’autre croyances, par cela même que sa croyance en Dieu implique la négation d’autres formes de croyance. S’il connaissait le sens de la parole de Junayd : "La couleur de l’eau, c’est la couleur de son récipient", il admettrait la validité de toute croyance, et il reconnaîtrait Dieu en toute forme et en tout objet de foi.

La Réalité Divine Essentielle (al-Haqîqatu-l-Ilâhiyya) est trop élevée pour être contemplée par l’« œil » qui doit contempler, tant que subsiste une trace de la condition de créature dans l’« œil » du contemplant. Mais lorsque "s’éteint ce qui n’a pas été« - et qui est (par nature) périssant - »et reste ce qui n’a jamais cessé d’être" - ce qui est (par nature) permanent- alors se lève le Soleil de la preuve décisive pour la Vision par soi (al-’lyân). Alors se produit la sublimation absolue (at-tanazzuhu-l-mutlaq) effective dans la Beauté Absolue (al-Jamâlu-l-Mutlaq), et c’est cela l’"Œil de la Synthèse et de la Réalisation par excellence" (’Aynu-l-Jam’i wa-l-Wujûd) et la « Station de la Quiétude et de la Suffisance Immuable » (Maqâmu-sSukûni wa-l-Jumûd). Cet Œil voit alors les Nombres comme étant un « Unique », le nombre « Un » (Wâhid), qui, cependant, voyage dans des degrés numéraux et qui par ce voyage manifeste les entités des Nombres. C’est à cette station contemplative que se produit la glissade de celui qui professe (la doctrine de) l’« unification » (al-ittihâd), Celui-ci, voyant que l’Unique voyage dans des degrés numéraux dont l’existence est purement estimative (wahmiyya), où Il reçoit toutefois des noms qui varient avec les degrés, ne voit pas les Nombres comme étant autre chose que l’Un (al-Ahad) : alors il dit qu’il y a eu « unification », Or (I’Unique, ou l’Un) ne paraît avec son propre nom (ism), en même temps qu’avec son essence (dhât), dans aucun autre degré que dans celui de l’Unité première (al-Wahdâniyya) ; toutes les fois qu’il paraît dans d’autres degrés que celui-là avec son essence, il ne fait pas paraître son propre nom, mais est nommé alors d’après ce que confère la réalité des degrés numéraux respectifs. Ainsi, par son « nom » propre, il produit l’extinction (yufnî) et par son « essence », il produit la permanence : quand tu dis « un » (ou « unique ») (wâhid) s’éteint ce qui est autre que lui, par la vertu de ce nom, et quand tu dis « deux », l’entité du « deux » paraît par la présence de l’essence de l’Un à ce degré numéral, mais évidemment pas en raison du nom de Celui-ci, car ce nom est contradictoire avec l’existence dudit degré numéral, alors que son essence n’y fait aucune opposition.

S’agissant du Christ « historique », le pouvoir dont il s’agit est en relation directe avec la doctrine du shubbiha la-hum de Cor, 4, 157, par laquelle est expliquée en Islam la mort apparente du Christ : cette expression signifie littéralement « il a été fait pour eux une image analogue », ce qui veut dire qu’après la Crucifixion la « nature divine » du Christ s’était retirée de sa forme corporelle pour rejoindre le centre subtil « vital » de son étant individuel ; ou encore, pour reprendre les termes de Jandî, que Jésus avait « transporté avec lui par son action de présence » la forme qu’il avait quittée dans le monde sensible de sorte que c’est une forme analogue à celle du supplicié qui était sortie du tombeau « le troisième jour ».
Une fois de plus, on constante combien les divergences et les querelles théologiques sont factices et artificielles(1). En effet, si la doctrine exposée ici est ignorée des exotéristes musulmans (qui s’imaginent que ce n’est pas le Christ qui a été crucifié mais un sosie au sens habituel du terme) tout autant que des théologiens chrétiens, elle est néanmoins parfaitement connue dans le Tasawwuf et l’on en retrouve aussi de nombreuses traces dans le dogme chrétien. Ainsi, la parole du Christ en croix Eli, Eli, lamma sabaqta-nî : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » est celle que la forme humaine adresse à la nature divine quand celle-ci l’a «  précédée »(2) dans le centre vital en l’abandonnant dans le domaine extérieur et sensible. D’autre part, la victoire du Christ sur la mort ne s’opère pas au moment de la Résurrection, ainsi que le suggère la présentation théologique habituelle, mais à l’instant même où il expire en disant : « Père, je remets mon esprit entre Tes mains ».
On oublie trop aisément que le Symbole de Nicée, entre les mentions « est mort et a été enseveli » et « le troisième jour, est ressuscité d’entre les morts » affirme que le Christ est « descendu aux Enfers », lieu qu’il ne faut pas confondre avec le séjour des damnés puisqu’il correspond en réalité aux Limbes, cette région proche du Paradis où, selon la perspective propre du Christianisme, les Justes attendaient d’être délivrés. C’est en tant qu’il est déjà « vivant » d’une vie nouvelle et vainqueur de la mort que le Christ opère cette délivrance afin de le faire participer à sa Résurrection et à son Ascension dans le Paradis. Enfin, la « forme analogue » assumée par le Christ après sa Résurrection explique les difficultés que ses proches et ses disciples éprouvent à le reconnaître.

Si le Quatrième Ciel est le « centre vital »(10) du monde humain, où brille « la lumière des hommes », c’est aussi le cœur du domaine subtil où se produisent et se situent les rêves, ce qui montre l’unité profonde des développements apparemment sans lien que comporte le présent chapitre.


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