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En réponse à :


Nick Corey 3 mars 2020 22:01

@Kapimo
Votre gene à parler de ceux qui ont animé le courant de pensée égalitariste n’a pas lieu d’etre, et votre dérision sonne faux
De quelle gêne parlez-vous ? J’ai écrit un pavé sur le christianisme juste au-dessus... Et, au dehors de quelques accès d’ironie, je suis très sérieux. 

Ça devient tendu, par ailleurs. Vous ouvrez le bal des hostilités avec la première attaque personnelle. Pas d’insulte, vous restez courtois, mais on sent la tension. Alors je me permets de répondre : le fait que vous ne répondiez pas aux points que je développe me laisse croire que vous ne lisez que rapidement (voire pas vraiment) mes réponses, et que vous n’utilisez cette page que comme une tribune pour diffuser les fables surréalistes crypto-soraliennes.
Néanmoins, je vais répondre. Parce que je trouve sincèrement cette discussion intéressante.

Déjà, j’insiste sur le fait que la valeur d’égalité (en tant que théorisée) est une création chrétienne. Vous qui avez des petites tendances maurassiennes, vous devriez le savoir. Maurras rappelait l’origine juive du christianisme et lui opposait le catholicisme français, christianisme paganisé. Le modèle français des trois Ordres a, pour lui, balayé la valeur d’égalité pour lui substituer un Ordre qui comprend, assimile et régule les inégalités : monarchie, noblesse, corporations des métiers, professions héréditaires...
Maurras a, paradoxalement, une vision latine de la France. Au nord de la France, sa doctrine ne tient plus, puisque la valeur d’égalité chrétienne (théorisée) s’est bien arrangée avec des pratiques égalitaires ancestrales. Aussi, les paysans du nord de la France n’ont-ils jamais adopté la primogéniture, à aucune période que ce soit.

Pour la suite...

Je n’ai eu l’occasion de feuilleter le Véritable Illuminé que deux ou trois fois, il y a déjà longtemps, et le texte n’est pas trouvable sur internet. Je ne peux malheureusement croiser le fer avec vous sur le détail du texte. Je vous invite à citer le texte pour me prouver ce que vous affirmez.
Mais tout de même, on peut dire deux trois trucs sur cet acarien de l’Histoire.
Weishaupt est théologien et empiriste, dans la lignée des anglais. Si l’on en croit ce qu’on trouve sur internet, il est particulièrement anti-kantien. Il est déiste. Il me semble qu’il est un portrait typique de l’anticlérical de l’époque, cynique et un peu comploteur. Finalement sa démarche est proche de celle des révolutionnaires bourgeois français. Il est voltairien comme dirait Guillemin. Si le texte du Véritable prône réellement une abolition de tout gouvernement légal, je tends à douter de sa sincérité. Un comploteur veut le pouvoir, et non l’abolir.

Marx est matérialiste et athée. Il est dans l’héritage de Hegel qui est dans l’héritage de Kant. Il rejette l’empirisme anglais que Weishaupt prône. Marx ne complote pas, et rejette toute forme de complot, qu’il associe à de la fausse conscience, de la décadence de mœurs, du fait lumpenprolétarien. Il ne prône pas l’existence d’une élite. Complot, élite politique, tout ça, c’est léninotrotskiste.
Aussi, à propos de la liste que vous faîtes,
1/ Je récuse l’abolition de la famille. 
Il s’agit d’abolir la famille bourgeoise. Or « Le prolétaire est sans propriété ; ses relations de famille n’ont rien de commun avec celles de la famille bourgeoise. » Pour Marx, le Capital a déjà détruit la famille prolétaire, et la famille paysanne est corrompue par l’Ancien Régime (ce n’est pas faux, mais Marx a une idée assez fausse de la paysannerie)
On va se calmer, Marx n’a pas l’intention de mettre les enfants en commun, comme chez Platon. Il aimait sa famille et il comprenait tout à fait l’attachement filial.
2/Je confirme la création de la Banque Centrale.
Mais il ne s’agit pas d’une banque centrale façon FED, ni Banque européenne, ni Banque de France, façon Napoléon 1er. Dans la mesure où Marx est contre l’élite politique, cela signifie que les décisionnaires de la Banque Centrale sont l’Assemblée des travailleurs, et non une banque de gangsters comme c’est le cas dans les exemples cités. Le pilotage de l’économie par les Banques Centrales, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est un truc qui aurait horrifié Marx. Et qui effraient aussi les néolibéraux, en fait  même si, eux, savent faire avec.
Par ailleurs, Weishaup est toute l’image du sale bourge décadent que Marx déteste et condamne. Il n’y a pas de lien possible.

Pour ce qui concerne la suite de ce que vous dîtes, je suis d’accord avec plusieurs points. Mais pas du tout sur la façon dont vous les présentez.
Même si c’est un peu caricatural ( et une vision centrée sur la France et non sur le monde), il est vrai qu’il y a un dualisme, une dialectique spectaculaire mais creuse, bloquante et assourdissante, qui s’est produite entre libéralisme et marxisme au vingtième siècle, et que l’on peut comparer aujourd’hui au dualisme identitaire gaucho et identitaire facho. J’insiste sur vingtième, puisque, déjà, y a deux siècles, Marx avait deux ans, et que, en 1870 encore, il n’y avait pas beaucoup de marxistes. Mais surtout, cela ne devient du Spectacle qu’à partir de la Guerre Froide.
Et même, on peut nuancer sur le caractère bloquant, puisque c’est grâce à ce dualisme qu’on a pu résister au capitalisme en France.
Mais surtout :
1 le néolibéralisme n’est pas antinational. Hayek est un gros natio. La mondialisation libérale, ce n’est pas l’abolition des frontières, c’est de l’impérialisme à l’anglaise (même si Hayek était autrichien d’origine) : une minorité plus maline domine les autres. Et on se fout royalement, par ailleurs de savoir si ces autres sont égaux entre eux.
2 Vous confondez matérialisme historique et fétichisme de la marchandise. Marx est matérialiste dans un sens précis : c’est sa façon de comprendre l’Histoire. Mais il n’est pas matérialiste au sens libéral, c’est-à-dire qu’il ne dit pas que seules la production matérielle et la consommation compte. Si, pour lui, la culture et le spirituel (comme vous dîtes) contemporains ne sont que les reflets des rapports de production dominée par le Capital, il n’exclut pas l’idée que, une fois libérés des conditions capitalistes, les humains pourraient produire une nouvelle culture. Néanmoins, il ne dit rien sur ce que cela pourrait être.
3 Ainsi, si on peut dire qu’il est pour le travail obligatoire (vous avez oublié « service », non ?), c’est surtout dans l’idée que les bourges vont devoir se mettre à bosser. Marx, qui n’a pas prédit la délocalisation, voit dans l’automatisation le mouvement irrémédiable de la libération du temps de travail : le travailleur aura le temps de se cultiver et de prendre conscience de sa condition. Au contraire de ce que vous semblez dire, il n’est pas pour l’esclavage, et pense que, avec la machine, les humains n’auront plus qu’à bosser quelques heures par jour.

Il me semble que pour critiquer Marx adéquatement, il faut d’abord se fonder sur les textes, et non sur les interprétations approximatives de quelques malheureux. Si je suis d’accord avec Marx sur de nombreux points, je ne suis pas marxiste, et oui : il nie beaucoup trop la dimension spirituelle de l’humain, il n’a pas saisi adéquatement le sens des religions, etc... Mais c’est méconnaître profondément Marx que de le relier à des associations comploteuses. 

D’une façon générale, rechercher les complots de l’Histoire peut être une vraie discipline, mais pour que cela devienne intéressant et utile, il faut être rigoureux dans son travail, et pas simplement associer toutes les figures de l’Histoire qui nous apparaissent détestables (sans généralement les connaître) et se persuader qu’ils se sont ligués rien que pour nous faire peur.


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