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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Mendrisio 1971, le duel Merckx - Gimondi : Veni, Vidi, Vici

Mendrisio 1971, le duel Merckx - Gimondi : Veni, Vidi, Vici

Comme Jules César en Gaule, Eddy Merckx est venu, a vu et a vaincu dans le championnat du monde 1971, organisé en Suisse. Mendrisio sonne la vengeance du Cannibale, après un Tour de France 1971 où la victoire de Merckx souffre d’une ombre terrible, celle de Luis Ocana, son vainqueur à Orcières Merlette, qui a du abandonner un maillot jaune acquis, sous la pluie du col de Menté, dans les Pyrénées. Dans ce championnat du monde sur route, sur le très sélectif circuit tessinois, un seul coureur va résister au carnage annoncé : Felice Gimondi, l’éternel dauphin d’Eddy Merckx ...

Quatre ans après sa victoire à Heerlen en 1967, Eddy Merckx renouvela son bail avec l’arc-en-ciel sur le circuit rugueux de Mendrisio, dans le Tessin suisse. En cette saison 1971, la polémique née de l’échec cuisant d’Orcières-Merlette sur le Tour de France et du drame du col de Menté qui précipita le maillot jaune, le Castillan Luis Ocaña, sur un lit d’hôpital, rongeait le Cannibale de l’intérieur. Si Zoetemelk et Agosintho n’avaient pas percuté Ocaña, ce dernier aurait certainement ramené le maillot jaune à la Cipale. Le vainqueur moral du Tour 71 était Luis Ocaña. La seule idée de ne plus être considéré comme le meilleur coureur du peloton était insupportable à Merckx, qui entendait prouver qu’il avait encore la capacité de gagner où et quand il l’avait décidé, c’est-à-dire partout ! Mais il était hors de question d’attendre le Tour de France 1972 pour cela ! Eddy Merckx n’était plus souverain, il lui fallait reprendre l’ascendant, porter l’estocade à ses rivaux, pour montrer que le trône n’était pas vacant, que la couronne du roi ne vascillait pas ... L’ombre de Luis Ocaña planait sur lui, et cette simple pensée lui était intolérable. Il fallait tuer la rebellion dans l’oeuf, sauvegarder son empire menacé ... Comme Jules César l’avait fait à Vercingétorix à Alésia, après la défaite de Gergovie. Alors, Merckx se rendit à Mendrisio, le dimanche 5 septembre 1971. Veni.

Ces Mondiaux devaient restaurer une hégémonie chahutée et redorer un blason terni par un été laborieux. Et c’est un fauve blessé qui, passant ses adversaires à la guillotine, obtint réparation par la conquête d’un deuxième maillot irisé, avec la manière, s’il vous plaît ! Le Tessin accueilleira trois autres fois les Championnats du monde de cyclisme : en 1953 et 1996 à Lugano (victoires de Coppi et Museeuw), en 2009 à Mendrisio (victoire de Cadel Evans). Mais aucun de ces trois championnats sur le sol tessinois n’atteindra l’intensité de l’édition 1971, qui vit Merckx s’élever au pinacle, montrant ostensiblement la limite entre le talent et le génie. Le virtuose champion belge ne cessa d’éblouir cette course par son génie, course entrée de plain-pied dans la légende du sport cycliste. 

Eddy Merckx apporta une réponse cinglante à ceux que le duel inachevé de thermidor avec Ocaña faisait déjà fantasmer dans la perspective de l’édition 1972 de la Grande Boucle. Le champion belge apporta surtout un démenti concret aux rumeurs de déclin qui pouvaient circuler chez les observateurs les plus proches du peloton.

Le circuit de Mendrisio comprend la redoutable ascension de la Torrazza di Novazzano, une montée de 1,750 km avec des passages à près de 10 % qui mènent à 376 mètres d’altitude. Le panache du coureur bruxellois va éclabousser ce Mondial 1971. Le Cannibale s’apprête à dévorer, avec un appétit digne de Pantagruel, un de ses plus beaux festins ... Vidi.

Le récital de Merckx, ce jour là, ne comporte pas la moindre fausse note. Mais pour ses rivaux, le récital du virtuose prendra des allures de requiem ... Dans la treizième des seize ascensions de la rampe de Novazzano, Merckx imprima une allure telle que cinq coureurs seulement, Felice Gimondi, Giancarlo Polidori, Leif Mortensen, Cyrille Guimard et Georges Pintens, purent conserver son sillage. Deux tours plus loin, au quinzième passage, le triple vainqueur du Tour fit encore monter la pression d’un cran, ne tolérant plus que cette vieille connaissance de Gimondi dans ses parages. La course virait à la démonstration. Le Bergamasque, au bord de l’implosion, ne se berçait d’aucune illusion.

Mais, vaincu pour vaincu, Gimondi accorda à son bourreau les relais francs et loyaux qui les prémunissaient, tous deux, d’un retour toujours possible de l’arrière. Pour la forme, le coureur italien lança le sprint à 300 mètres de l’arrivée, sans la moindre conviction ! Eddy Merckx, souverain, le déborda d’une simple accélération écœurante de facilité, presque insolente. Grand seigneur, Gimondi félicita son vainqueur et reçut en retour un hommage appuyé pour sa vaillance dans le final. Pendant deux semaines, le champion italien aura des douleurs à la mâchoire tellement il se sera accroché dans le sillage de ce monstre nourré par les fées du destin au nectar et à l'ambroisie ...

Il est des deuxièmes places qui valent victoires lorsqu’elles sont infligées par un monstre qu’un orgueil écorché rend tout simplement intouchable ! L'OVNI Eddy Merckx triomphe donc sur la Via Vignalunga, levant les bras dans le ciel de Mendrisio. On saura plus tard que Gimondi, deux ans après la regrettable affaire de Savone (Giro 1969), avait tenté, en vain, de corrompre Merckx ... Mais c’était oublier, du côté du champion bergamasque, que la victoire était le pain quotidien du Cannibale, aucune valise de dollars ou de lires ne saurait le détourner de son obsession, gagner des courses, encore et toujours ! 

Ce jour là, Eddy Merckx, à défaut d’oublier la terrible cicatrice d’Orcières, a vengé ce souvenir et restauré son autorité sur le cyclisme professionnel. La prochaine étape de sa rédemption devrait attendre le mois de juillet 1972, où il gagnerait un quatrième Tour de France face à un Luis Ocaña qui ne fut à cette occasion que l’ombre du coureur majestueux entrevu un an plus tôt.
Plus qu’une victoire formelle sur son rival espagnol, Merckx voulait surtout prouver qu’il gardait les meilleures jambes et les meilleurs poumons du peloton, qu’il restait le plus fort, si tant est qu’un titre aussi subjectif dans l’absolu n’ait jamais été tenté de sortir du domaine de l’objectivité, dont il était désormais prisonnier. En effet, depuis la violente prise de pouvoir de Merckx sur le cyclisme mondial, au printemps 1969, le titre de meilleur coureur du monde lui revenait objectivement, sans aucune contestation possible ... Ce titre avait repris l’éclat de l’or, métal convoité par les empereurs comme César et Merckx, depuis la bataille de Mendrisio, en ce jour de septembre 1971. Vici.


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3 réactions à cet article    


  • mecexav 3 novembre 2018 12:41

    J’exige la liste, des modérateurs complices !

    Bientôt des articles sur la neige et les solde sur agoravox ?


    • nono le simplet 4 novembre 2018 07:37

      pour contrebalancer le commentaire précédent je trouve cette série d’articles sur le sport bien sympathique

      bonne continuation !


      • Axel_Borg Axel_Borg 4 novembre 2018 10:11

        Je tiens personnellement Fausto Coppi pour le GOAT du cyclisme mais parmi les victoires qui font d’Eddy Merckx un coureur hors normes, Mendrisio 1971 est bien entendue très haut classée !

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