L’Hyperprésident n’est pas un monarque mais un acteur
Arrêtez de parler de dérive monarchique ou, au contraire, d’impuissance de la politique sarkozyste, l’hyperprésident est d’abord un acteur qui met en scène le pouvoir plus qu’il ne l’exerce.
Les médias et les intellectuels ne savent toujours pas se positionner par rapport à Sarkozy. Après l’avoir encensé, ils le brûlent. Après avoir craint le monarque incontrôlable, ils le foulent au pied, comme si le président ne représentait déjà plus rien. Quand une tendance s’épuise l’autre reprend le dessus : on lance cette semaine une pétition contre la dérive monarchiste du pouvoir alors que la semaine dernière il n’était question que de décrédibilisation et d’impuissance de la fonction présidentielle. Ces deux attitudes contradictoires n’ont guère favorisé la réflexion de fond sur un phénomène qui manque toujours d’analyses nuancées.
Dans un ouvrage récent (L’Hyperprésident, Armand Colin) le sociologue Eric Maigret apporte quelques clés qui permettent d’y voir plus clair. Il fait de Sarkozy un homme politique convaincu du fait que la « politique à papa » n’est plus possible, celle qui consistait à exercer le pouvoir sans tenir compte quasiment en continu des aspirations du peuple, à une époque où chacun souhaite s’exprimer et s’affirmer (un peu comme sur Agoravox). De ce point de vue, il est hyper-moderne. Il puise dans le registre du Front national avec ses diatribes sur les banlieues à kärcheriser, dans celui de la vieille gauche avec la suppression de la pub sur les antennes du service public, etc. S’il est de droite, il ne croit plus à autre chose qu’à la vérité révélée par les sondages d’opinion, ce qui le conduit à mélanger toutes les options idéologiques. Au fond, la politique n’est pour lui qu’une scène sur laquelle il faut chercher à s’adapter à un public dont il a perçu toute la pluralité et la complexité. L’homme politique est désormais un acteur au service des autres, et cet acteur-là est très doué.
« Il offre une communication politique qui ne l’érige plus en absolu, ce monarque républicain qui n’était pas infaillible, mais qui se voulait à la fois rare et intouchable, et à qui il fallait faire révérence, comme lors de l’allocution présidentielle. Il se présente en héros surpuissant, se soumettant à des épreuves, devant démontrer à tout instant qu’il dispose bien de la force et qu’il la met au service "du bon côté". Ce faisant, il parade sur la scène comme sur un ring, en s’ajustant aux attentes de stylisation des comportements politiques. La politique devient un art ou plus précisément une esthétique, une relation formelle entre des publics et des œuvres, centrée sur le moi. »
La vision de la politique qu’offre Sarkozy est hyper-moderne, tout sauf pyramidale sur le fond. Le problème est alors double. Le personnage est menacé par la diversité qu’il crée : comment s’y reconnaître dans toutes ces attitudes ? Comment rendre crédible celui qui ne se présente plus comme au-dessus de la mêlée (le vieux président à la papa), mais simplement en représentation sur scène ? D’autre part, le caractère du personnage et sa façon de gérer ses vies privée et publique révèlent un autoritarisme incroyable, en contradiction complète avec le côté ouvert idéologiquement, souple du point de vue des décisions politiques.
C’est ce qui explique que Sarko puisse être taxé à la fois de bonapartisme (il décide tout seul, critique ses ministres, impose ses lubies) et de mollesse (il recule devant les taxis, les grévistes, ceux qui protestent, le moindre sondage d’opinion indiquant un mécontentement). L’Hyperprésident aimerait bien tout décider, sait bien qu’il ne le peut pas, et fait semblant de maîtriser la politique alors qu’il ne fait que la jouer.
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