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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Avant que nos venelles ne disparaissent

Avant que nos venelles ne disparaissent

 

Les témoins d'une autre époque.

 

J'ai le bonheur de disposer d'un morceau de venelle qui à lui seul symbolise le sort qui attend toutes ses homologues. La mienne ne dispose pas de patronyme, preuve qu'elle n'a jamais beaucoup compté sans doute ce qui peut expliquer qu'elle fut décapitée sournoisement par des promoteurs sans âme pour qui chaque mètre carré est une promesse de bénéfice. Mais avant d'aller plus loin dans ce curieux réseau sinueux qui à l'instar des veines irriguait jadis nos beaux quartiers des faubourgs de la ville, prenez le temps de parcourir ce petit billet.

Les venelles sont pour nombre d'entre-elles le souvenir des clos vignerons où l'on cultivait le petit gris de Saint Jean de Braye. Les parcelles n'étaient pas bien grandes, une petite sente permettait de passer de l'une à l'autre dans un paysage alors très champêtre. Puis le phylloxera est venu semer le trouble dans les rangs. Les vignes laissèrent la place aux arbres fruitiers, les parcelles se firent un peu plus grandes, ce qui leur fit tendre la joue pour attirer les premiers bâtisseurs.

Des maisons d'habitations parsemèrent alors le réseau, certaines venelles devenant une petite rue peuplée de demeures à l'accès limité, ne donnant pas directement sur une voie de passage. Un esprit s'y développa, particulier en effet, une forme de vie de village au cours même de la grande ville en expansion, un espace préservé avec des jardins et de la convivialité.

L'esprit demeure du reste puisque dans chaque quartier des associations et des animations invitent les gens du coin à se retrouver pour un moment festif. Nos venelles, celles qui résistent encore, deviennent ainsi des îlots de sociabilité dans un océan d'indifférence urbaine. Trouver une maison dans les venelles est fort prisé en dépit des difficultés d'accès qui ne rebutent que les accros de la voiture.

Des années durant je pouvais en partant de ma petite venelle privée de nom, accéder au vaste réseau de l'Îlot Saint-Marc jusqu'à ce qu'un prometteur ne fasse sournoisement l'acquisition d'une maison donnant sur la rue après avoir patiemment fait l'achat des terrains oubliés au cœur des venelles. Le tour était joué, un condominium était né, indifférent au quartier, isolé dans son espace enclos, rêve d’asociabilité organisée.

Ma venelle ne donne plus que sur un grillage, une haie derrière laquelle se dépose tous les reliefs de ceux qui veulent trouver refuge dans cet espace à l'écart de tous les regards. Le condominium tourne le dos à cette petite décharge ou ferme les yeux tandis qu'il m'est désormais impossible de rejoindre les venelles qui résistent encore sans emprunter la rue.

Pourtant je ne baisse pas les bras, je sillonne, je vagabonde, je pérégrine dans cet ultime endroit où le piéton n'a pas à redouter les excités à bicyclette, les dératés en trottinette et les automobilistes irascibles. Il convient d'établir un itinéraire sinueux, ne pas hésiter à revenir sur ses pas, passer dans de petits boyaux borgnes pour retrouver des venelles encore champêtres mais pour combien de temps ?

Voilà un patrimoine qui faute d'être productif et rentable va progressivement être sacrifié pour satisfaire la mégalomanie de nos élus qui ne visent qu'un seul objectif : 300 000 habitants pour conserver le statut de Métropole. La qualité de vie, l'héritage du passé, le poumon vert, ils n'en ont rien à fiche, le béton doit envahir leur paysage pour maintenir leur niveau d'indemnité.

Oublions ces vilains et prenons le temps de remonter le temps dans les venelles à la recherche d'une qualité de vie mais aussi des industries d'antan qui donnèrent parfois leur nom à la venelle : raffinerie, pilonnerie. Je vous invite à me suivre discrètement dans ses voies privées lors d'une déambulation contée intitulée à juste titre « Tournicoti, tournicotons ». Suivez le guide.

À contre-voie.

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10 réactions à cet article    


  • Seth 24 août 2023 14:49

    Dans la ville « médiévale » où je suis né et revenu, dans les années 60 c’était justement dans les venelles que donnaient directement les caguarettes depuis les étages. Y’avait des tas bizarres au pied des murs...

    Valait mieux les éviter et en plus c’était des élevages de mouches bleues en été. smiley

    Maintenant elles sont propres mais beaucoup d’entre elles ont toujours été des culs de sac où on n’avait pas grand chose à faire et où seuls les gamins allaient jouer ce qui n’est plus le cas depuis Uber.


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 août 2023 14:53

      @Seth

      Que des excréments jonchent des culs de sac, il n’y a rien de surprenant


    • Seth 24 août 2023 14:57

      @ C’est Nabum

      Ça marchait partout avant la Loi Malraux, même dans les rues étroites et on avait en prime les poulets à côté de la grande église-cathédrale.

      Et puisqu’on est dans la philosphie, disons le franchement : « Caco ergo sum ».

      Et en plus c’est vrai ! smiley



    • Seth 24 août 2023 16:25

      @C’est Nabum

      J’ai oublié de vous dire que les passages des ancielles venelles ont été murés pour tout un tas de rasions... smiley
      La conservation touristique n’implique pas la conservation réelle.


    • Seth 24 août 2023 16:38

      @C’est Nabum

      Super bien fait !

      Ca me rappelle, je l’avais déjà dit ici, nos voisins quand j’étais mouflet qui en dépit des cagoinsses intérieures allaient religieusement chier par tous les temps dans la guitoune dehoirs en se torchant avec du journal.

      Une fois l’an ils vidaient la fosse pour aller religieusement en répandre le produit précieux dans le champ des légumes qu’ils vendaient au marché avec le parfum que l’on peut imaginer.

      Feu ma mère venant d’une région encore plus pauvre où l’on chiait dans les bois trouvait cela dégoutant et refusait de cuisiner leurs légumes qu’elle jetait quand ils lui en donnait. La merde animale était dans l’ordre des choses mais la merde humaine, beurkk !

      Je pourrais en faire un billet si j’avais votre talent mais je ne l’ai pas je suis tellement flemmard...

      Très amicalement et surtout si ce n’est fait, imprimez ! smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 août 2023 16:42

      @Seth

      Ici elles sont souvent fermées

      La patrimoine aime les interdits


    • Seth 24 août 2023 16:45

      @Seth

      J’ai oublié de vous dire...

      Ne confondez pas la venelle avec la ruelle. Une venelle sépare deux bâtiments et n’est pas une voie de passage. Elle est en fait un lieu privé sur une limite entourées des murs de deux propriétés distinctes.

      C’est pour cela que je vous ai parlé ainsi de ces endroits bizarres et non publics où c’était dégoutant. Certaines se rejoignaient entre elles, c’était des passages peu connus.


    • juluch juluch 27 août 2023 10:36

      Ces toutes petites rues qu’on retrouve dans les vieux quartiers des grandes villes ou les villages.... smiley

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