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Explication et commentaire d’un texte de Claude Tresmontant sur la Morale et la Religion

Claude Tresmontant, Morale et religion

http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2023/02/claude-tresmontant-meme-si-dieu-n-existe-pas-tout-n-est-pas-permis.html

Pour lire le texte et les questions, cliquer sur le lien.

La thèse que développe Claude Tresmontant dans ce texte est que la morale ou l'éthique sont fondées sur l'expérience commune et justifiables rationnellement et non sur une révélation religieuse.

Thèse :

a) Il existe des normes objectives et universelles :

b) L'ensemble de ces normes s'appellent la morale ou l'éthique.

c) Ces normes sont fondées sur la raison naturelle et sur l'expérience et non sur une révélation religieuse qui ne fait que les expliciter.

Arguments :

a) Si l'on enseigne qu'elles ne sont irrationnelles et ne sont pas fondées sur l'expérience, mais qu'elles dépendent de l'arbitraire d'un dieu tyrannique, on fera prendre ce dieu en horreur.

b) Tout n'est pas permis, même si Dieu n'existe pas car certaines choses comme détruire et abîmer l'homme resteront mauvaises.

c) Le fait de faire dépendre la morale de la religion reste un des moteurs les plus efficaces de l'athéisme moderne.

d) Le judaïsme et le christianisme ont formulé clairement et explicitement ces normes morales et éthiques, mais ne les ont pas vraiment "révélées" puisqu'elles existaient déjà dans la "morale naturelle".

e) Si l'on enseigne que les exigences éthiques n'ont pas de fondement dans la réalité objective et qu'elles dépendent de l'arbitraire d'un Dieu sadique, dont l'existence est invérifiable, la conscience moderne "vomira" à la fois cette éthique et ce Dieu.

Tresmontant donne comme exemples à l'appui de ses arguments : la première et la seconde guerre mondiales, la toxicomanie, l'autodestruction biologique et psychologique, la perversion qui relèvent avant tout de la transgression de normes naturelles.

Pour Tresmontant, la morale et l'éthique se définissent comme un ensemble de normes évidentes pour tous que les sciences de l'homme sont en mesure de dégager de mieux en mieux.

Par exemple René Girard a construit sa réflexion à partir d'observations sur le comportement animal et la différence entre le comportement animal qui est régulé par l'instinct et le comportement humain qui ne l'est pas.

Il n'y a pas de régulation instinctive de la violence et la sexualité dans l'espèce humaine. Elle repose sur les rituels (notamment le sacrifice) et les interdits.

Rituels et interdits existent dans toutes les sociétés humaines, sous des aspects différents, à commencer par les "sociétés premières" que l'on appelait jadis "sociétés primitives".

Les normes et les interdits ne sont pas propres à la culture judéo-chrétienne ; ils sont différents d'une culture à l'autre, mais ils sont universels et ils ont tous pour fonction de réguler les effet désastreux de la mimésis d'appropriation qui n'est pas propre à l'espèce humaine et de la rivalité mimétique qui lui est propre.

Même si les normes, les interdits et les rituels relèvent du sacré, ils ont bien été instaurés par les hommes.

Les normes morales sont fondées sur l'expérience et relèvent de l'analyse rationnelle. C'est la première thèse concernant l'origine de la morale.

Note : bien que les intéressés eux-mêmes ne puissent pas toujours justifier de la raison d'être de certains interdits (par exemple pourquoi on ne doit pas mélanger les produits lactés et la viande dans la religion juive), on peut toutefois rendre compte rationnellement de la notion d'interdit elle-même et de sa fonction régulatrice.

La seconde thèse affirme, au contraire que ces normes ne sont ni rationnelles, ni fondées sur l'expérience (pragmatiques), mais qu'elles dépendent de l'arbitraire d'un dieu tyrannique.

C'est cette seconde thèse qui est à l'origine de l'athéisme moderne et qui semble avoir triomphé de nos jours.

"Si Dieu n'existe pas, tout est permis." C'est l'écrivain russe Dostoïevski qui met cette parole dans la bouche du personnage de Kirilov dans Les Possédés : "Si Dieu existe, alors tout est Sa volonté, et je ne peux rien faire en dehors de Sa volonté. S'il n'y a pas de Dieu, alors tout est ma volonté, et je suis obligé d'exprimer ma volonté".

Cette théorie est toutefois réfutée par Dostoïevski à travers le narrateur de Crime et Châtiment. Raskolnikov, le héros tragique du roman de Dostoïevski est incapable de vivre avec lui-même après l’assassinat de l’usurière. Il est fondamentalement incapable d'effacer son sens du bien et le mal, de faire taire sa conscience morale. 

Claude Tresmontant est en désaccord avec l'affirmation de Kirilov. 

Même si Dieu ou les dieux n'existent pas, il reste un monde peuplé d'hommes vivants ; massacrer, opprimer, détruire ou abîmer l'homme qui existe, reste mauvais.

Judaïsme et christianisme ont formulé ces normes que tout le monde peut apercevoir dans la réalité objective : Tresmontant fait allusion aux Dix commandement (en hébreu, les "Dix Paroles") qui figurent dans le Livre de l'Exode. La Bible (Torah) n'a fait qu'expliciter ces normes, elle ne les a pas inventées.

Qu’elles soient formulées comme préceptes négatifs, ou comme commandements positifs, ces « dix paroles » indiquent les conditions d’une vie libérée de l’esclavage. C’est un chemin de vie qui sépare d’une pratique ambiante non éthique. Dans la foi chrétienne, les dix paroles s’articulent autour de l’unique et même commandement de l’amour de Dieu et du prochain.

Loin d’être un système d’interdits qui tombent du Mont Sinaï ou du Vatican, ce qu’on appelle improprement la « morale » selon Tresmontant est inscrit dans le réel et l’expérience : « Il n'est pas du tout nécessaire d'être chrétien pour comprendre que brûler un enfant au napalm est mauvais pour cet enfant. C'est dire que les exigences humanistes de l'ordre politique relèvent en droit de la raison et de l'expérience. Il n'est pas nécessaire de connaître la finalité ultime de la Création pour comprendre qu'il faut laisser vivre l'enfant qui commence d'exister et qu'il convient de consacrer nos efforts et notre intelligence à autre chose qu'à préparer le massacre général de l'humanité. » (« Christianisme et politique », in Problèmes de notre temps, p.232.)

Tresmontant explique que le rejet de Dieu provient d'une erreur infantile, d'une conception demeurée infantile du Dieu du judaïsme et du christianisme venu apporter un ensemble d'interdits qui entravent la liberté de faire ce que nous voulons dans tous les domaines.

Il s'agit donc de changer une conception infantile de Dieu qui nous empêcherait de vivre, contre une conception mûrie et adulte d'un Dieu qui nous indique ce qu'il convient de faire et ce qu'il convient d'éviter dans notre relation à Dieu et à notre prochain pour que la vie soit possible sur cette terre. Les "Dix Paroles" sont des paroles de vie, non de mort ; leur énumération s'achève par "Fais cela et tu vivras".

Tresmontant s’indignait quand on traduisait "Torah" par "Loi" ; le mot reprenait le grec "nomos" alors qu’il fallait revenir à l’original hébraïque qui signifiait "Instruction" ou "Normative".

Tresmontant impute au fidéisme et à l'irrationalisme la responsabilité d'être à l'origine de la crise de conscience moderne et de sa "révolte" contre la judaïsme et le christianisme. 

Note : Le fidéisme, du latin fides : confiance, crédit, loyauté, engagement est une doctrine philosophique qui fonde la certitudes des vérités essentielles (notamment la morale) sur la révélation et sur la foi. Cette doctrine religieuse qui fut condamnée par l'Eglise catholique en 1838 disqualifie le rôle de la raison dans la connaissance au bénéfice de la seule révélation. Selon cette doctrine, la foi dépend du sentiment et non de la raison. Dans le domaine religieux, la raison perd ses droits. 

Le fidéisme est la "bête noire" de Claude Tresmontant, disciple de saint Thomas d'Aquin pour qui la raison humaine est capable à elle seule de découvrir certaines vérités, notamment en matière de morale. Thomas d'Aquin se fait une haute opinion de la raison humaine, Il y a continuité et non hiatus entre la raison et la foi, la foi n'est pas contraire à la raison, bien que la philosophie (il s'agit de la philosophie d'Aristote) doive rester subordonnée à la théologie. 

Note : Thomas d'Aquin a proposé, au XIIIème siècle, une œuvre théologique qui repose sur un essai de synthèse de la raison et de la foi, notamment lorsqu'il tente de concilier la pensée chrétienne et la philosophie d'Aristote, redécouverte par les scolastiques à la suite des traductions latines du XIIème siècle. Il distingue les vérités accessibles à la seule raison, de celles de la foi, définies comme une adhésion inconditionnelle à la Parole de Dieu. Il qualifie la philosophie de servante de la théologie ("philosophia ancilla theologiæ") afin d'exprimer comment les deux disciplines collaborent de manière "subalternée" à la recherche de la connaissance de la vérité, chemin vers la vision béatifique.

Dans une perspective thomiste et non fidéiste, il existe une morale naturelle, partagée par tous les hommes quelle que soit leur nationalité et leur religion, "des normes que tout homme raisonnable peut apercevoir dans la réalité objective puisque précisément elles s'y trouvent, et que tout homme raisonnable peut les y découvrir".

Tresmontant associe ce divorce de la raison et de la foi opérée par le fidéisme avec l'irrationalisme.

Note : L'irrationalisme est une vision du monde ou une attitude qui se fonde sur le refus ou la relativisation de l'usage de la raison. Il accorde un rôle secondaire à la rationalité par rapport à l'intuition, ou se montre hostile au rationalisme. L'irrationalisme est associé à une relativisation des connaissances scientifiques interprétées comme des croyances produites par une société ou une civilisation donnée.

Pour Tresmontant au contraire et pour tout homme doué de raison, les exigences éthiques ont un fondement dans la réalité objective, elles sont induites de l'expérience scientifiquement explorée et leur légitimité et leur excellence est vérifiable expérimentalement par la raison humaine puisque le respect des normes morales et éthiques est la condition de la survie de l'humanité, tandis que leur transgression pourrait aboutir à sa disparition : "Fais cela et tu vivras".

La conscience moderne se fait une idée infantile de Dieu, celle d'un "préfet de police qui s'amuserait à imposer des ukases arbitraires et tyranniques, pour frustrer l'homme qu'il est supposé avoir crée, et le mutiler dans ses instincts et dans sa nature".

Mais comme l'a dit Nicolas Berdiaev : "Dieu comme force, comme toute-puissance et pouvoir, je ne puis absolument l'accepter. Dieu ne possède nulle puissance. Il est moins puissant qu'un agent de police."

 


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28 réactions à cet article    


  • Laconique Laconique 6 février 2023 10:30

    Il n’y a pas de morale naturelle. Les Dix Commandements ne sont pas de la morale mais le code de l’Alliance avec le Seigneur. Détachés du Seigneur et de l’Alliance ils ne signifient plus rien. Je vous renvoie aux écrits de vous savez qui à ce sujet.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 11:03

      @Laconique

      C. Tresmontant développe dans ce texte l’idée que la « morale » n’est que l’ensemble des règles de bon sens qui président à l’épanouissement harmonieux des personnes vivant en société. Il y a donc une morale naturelle, parfaitement indépendante de toute « révélation » religieuse. Tresmontant s’oppose au relativisme, au quiétisme et à l’irrationalisme.
      Selon lui, les normes sont fondés sur le réel et sur l’expérience et la raison peut en rendre compte. Si l’on viole ces normes, Dieu ou un dieu ne viendra pas nous punir, mais nous en subirons les conséquences naturelles. Faire de la morale une suite d’interdits arbitraires imposés par Dieu, c’est pervertir l’essence même de la religion et de la morale. 
      Maintenant, je suis bien d’accord pour dire que les Dix Paroles« ou commandements viennent expliciter et parfaire la morale dominante (le commandement »Tu ne tueras pas« vient s’opposer aux pratiques pré-abrahamiques des sacrifices d’enfant), mais ils n’ont rien d’arbitraire ou de tyranniques.

      Je comprends que l’expression »morale naturelle« vous semble bizarre. Tresmontant entend par »morale naturelle" les normes issus du sens commun.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 11:09

      @Laconique

      Je suis d’accord sur le fait que parmi les dix Paroles, certaines sont révélés (elles concernent la nature divine inconnue jusque là et les devoirs vis-à-vis de Dieu) et certaines (les devoirs vis-à-vis du prochain) ne font qu’expliciter des normes déjà existantes et peuvent donc être reconnues par les non-juifs.


    • Gollum Gollum 6 février 2023 11:25

      @Robin Guilloux

      certaines sont révélés (elles concernent la nature divine inconnue jusque là

      Encore cette propagande à deux balles sur la primauté de la « révélation » juive sur les païens, supposés avoir été dans l’ignorance...

      Or on sait pertinemment aujourd’hui que cela est faux. Le Rg Veda parle du Brahman inconditionné plusieurs siècles avant la Bible.

      Et le polythéisme égyptien fut en fait un monothéisme : http://www.historel.net/egypte/10egypt.htm

      Quant au décalogue il s’agit d’une « morale » assez pauvre en fait comparée à ce qui se faisait ailleurs...

      Hollywood avec Charlton Heston a contribué à popularisé cette escroquerie que nous devons tout à l’abrahamisme, rien n’est plus faux.


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 12:57

      @Robin Guilloux Tu ne commettras pas d’adultère. Et Abra« h »am et Agar.... Fait ce que je dis mais pas ce que je fais...


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 13:41

      @Gollum

      C’est justement cette « propagande à deux balles » que Tresmontant rejette. Les lois morales existaient avant que le Très-Haut les « révèle » à Charlton Heston du haut du Sinaï  smiley et sans doute aussi celle d’un Dieu unique. Il n’est pas nécessaire d’être juif et de croire en la révélation pour reconnaître et respecter les normes morales qui sont en fait les conditions de possibilité de la vie commune sur cette terre. 


    • Gollum Gollum 6 février 2023 15:11

      @Robin Guilloux

      Mouais bon.. vous faites un peu volte face, soit.

      Sinon les Grecs et leur sagesse nous ont montré que la spiritualité n’était pas qu’affaire juive, idem pour l’Egypte et l’Inde..

      Le gros problème étant quand même que la mythologie abrahamique a eu tendance à faire croire que ce n’était pas universel, et cela pendant des siècles..

      Il y en a encore qui fonctionnent ainsi (Jonas sur ce site par exemple)


    • Laconique Laconique 6 février 2023 17:02

      @Robin Guilloux

      Oui, vous faites de la philosophie, c’est très bien, mais inutile de mêler la Bible à cela. Il y a donc une morale naturelle, très bien, mais quel est son contenu ? Est-ce celle de Kant, qui se veut purement rationnelle ? Celle de Mill, qui est le contraire de celle de Kant ? Si cette morale est « naturelle », comment se fait-il qu’on ne soit jamais arrivé à s’accorder dessus ? Il est interdit de tuer, fort bien, mais alors pourquoi certains Etats pratiquent-ils la peine de mort ? Interdit de voler ? Pourtant le vol était encouragé à Sparte. Les Spartiates étaient-ils plus éloignés de la nature que nous ? Je suis étonné que quelqu’un comme vous qui semble avoir des bases en sociologie puisse défendre cette idée un peu puérile d’une morale naturelle universelle, hors de toute détermination sociologique.

       

      Quant au fait de distinguer entre les commandements ceux qui sont « révélés » et ceux qui sont « naturels », qui va faire cette distinction ? Au nom de quoi ? De votre raison ? De votre conscience ? Comme le remarquait J. Ellul à propos précisément de C. Tresmontant, votre conscience est-elle au-dessus de la Parole de Dieu ?


    • Laconique Laconique 6 février 2023 17:03

      @Gollum

      Toutes les morales traditionnelles sont supérieures à la morale juive, pour la simple et bonne raison que les Juifs ne faisaient pas de la morale ! La morale est une notion grecque, notion universelle pour eux, et dont nous avons hérité (y compris les Pères de l’Église). Cela n’a pas grand-chose à voir avec la Loi du Sinaï, qui est relative à un peuple donné, et qui vise bien autre chose que la simple morale. On ne peut pas transposer à cette Loi l’universalité et l’abstraction de la morale grecque, c’est faire un contresens et volatiliser littéralement tout l’objet et toute la visée de cette Loi.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 19:54

      @Laconique

      Je pense que Claude Tresmontant serait d’accord. La morale (ou l’éthique) n’est pas propre au judaïsme. Il y a une morale naturelle, fondée sur la raison, qui n’est pas issue d’une révélation divine.
      Dans le Décalogue, il y a des devoirs vis-à-vis de Dieu qui sont propres à la religion juive, mais il y a des devoirs vis-à-vis du prochain qui sont universels : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas porter de faux témoignage contre son prochain, ne pas convoiter la femme et les biens de son prochain, etc.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 20:33

      @Laconique

      Je ne pense pas que Tresmontant pensait à la morale du devoir de Kant ou à l’utilitarisme de Stuart Mill. Il pensait à quelque chose de plus simple, de plus terre à terre qui sont les normes élémentaires qui font tenir debout une société, qui l’empêchent de se déliter, qui lui permettent de survivre.
      Je suis d’accord pour constater que les interdits moraux sont relatifs, donc sociologiquement déterminés, mais je ne connais aucune société qui ait duré dans le temps où le meurtre au sein de la communauté (je dis bien au sein de la communauté, je ne parle pas des guerres qui sont ponctuelles et limitées) ait été prescrit.
      Une telle société est voué à disparaître à terme ; c’est pourquoi, il y a des interdits dans toutes les sociétés quelles qu’elles soient (y compris les sociétés premières où ces interdits sont particulièrement contraignants). 
      Nous avons l’idée que ces interdits sont relatifs, voire arbitraires, qu’ils varient d’une culture à l’autre, parce que nous vivons dans des sociétés de tolérance (relative) ou le châtiment est proportionné à la faute, ce qui n’est pas le cas partout et parce que notre culte de la liberté nous empêche de comprendre la fonction des interdits, comme en témoigne le slogan de Mai 68 : « il est interdit d’interdire ».
      Les sociétés premières (il n’en reste plus beaucoup comme Claude Lévy-Strauss le déplorait) peuvent autoriser les guerres ponctuelles, mais pas la violence généralisée (le cycle de la vengeance) qu’elles s’efforcent de limiter à tout prix. Que ces sociétés sacralisent les interdits, c’est un fait. Mais les interdits (les rituels et les sacrifices qui sont eux aussi destinés à limiter la violence mimétique) ne viennent pas des dieux, mais des hommes, d’une expérience effrayante de la contagion de la violence mimétique qui s’est produite encore récemment au Ruanda et que nous avons oubliée dans nos sociétés dotées d’un Etat de Droit et d’un solide système judiciaire. 
      J’ai essayé de rendre compte de la pensée de Tresmontant qui est fortement influencée par celle de Thomas d’Aquin et donc d’Aristote.
      Pour Tresmontant, la morale n’est que l’ensemble des règles de bon sens qui permettent aux personnes vivant en société de survivre.
      Si vous faites de la morale une suite d’interdits arbitraires imposés par Dieu, vous pervertissez l’essence même de la religion et de la morale. Tresmontant explique que cette vision de Dieu alimente l’athéisme moderne avec son mythe de la transgression libératrice.
      C’est pourquoi il parle de « morale naturelle », expression discutable, je vous le concède. Il faudrait plutôt parler de morale commune (au sens où Orwell parle de common decency).


    • Laconique Laconique 7 février 2023 10:01

      @Robin Guilloux

      Je vous remercie pour ces précisions.


    • Gollum Gollum 7 février 2023 12:22

      @Laconique

      Je ne suis pas trop d’accord avec votre post. Sinon : 

      Cela n’a pas grand-chose à voir avec la Loi du Sinaï, qui est relative à un peuple donné, et qui vise bien autre chose que la simple morale.

      Et ça vise quoi de façon claire ? 

      Sinon je ne suis pas d’accord avec les Grecs obsédés par la morale. Platon vise bien autre chose que la morale même si elle n’est pas absente.

      Car la morale, au fond, est affaire purement humaine. Et Platon vise le divin. Comme Plotin, plus tard, à sa suite.

      D’ailleurs pour moi ce que vise Plotin est la même chose que ce que vise Jésus. Mais j’imagine que vous n’êtes pas d’accord.. 


    • Laconique Laconique 7 février 2023 15:05

      @Gollum

      Ma foi, si vous ne voyez dans la Loi du Sinaï que de la morale je ne peux pas grand-chose pour vous… La Loi du Sinaï est d’abord le sceau de l’Alliance entre Dieu et son peuple. Et ensuite il y a tout dans cette Loi : un code juridique, les règles du culte, les limites posées par Dieu pour qu’une existence soit possible, des prescriptions d’hygiène et de médecine, tout un mode de vie – tout sauf de la morale. 

       

      Nous avons déjà eu maintes fois cette discussion sur la morale. À partir de Socrate, la vertu – αρετή – joue un rôle majeur dans tout un courant de la philosophie grecque. Aristote a écrit au moins quatre ouvrages sur le sujet, dont les deux fameuses Éthiques, Platon y est revenu tout au long de sa vie, avec des questionnements parfois tout à fait scolastiques du genre « la vertu est-elle une ou quadruple ? », etc. On ne trouve nulle part cette focalisation dans la Bible qui a de tout autres préoccupations. Surtout, la Bible n’est pas un exposé théorique – angle sous lequel vous voyez toujours les choses –, elle est tout entière existentielle ou elle n’est rien. C’est une succession d’écrits de circonstances, faisant référence non à des idées mais à des événements vécus, et qui doivent entrer en résonnance avec la vie du lecteur-auditeur. Les considérer avec un œil froid et sceptique, analytique, c’est déjà les tuer dans l’œuf (cf. les paraboles de la Parole de Dieu, graine qui germe ou ne germe pas selon le terrain sur lequel elle tombe).


    • Gollum Gollum 7 février 2023 15:27

      @Laconique

      Et ensuite il y a tout dans cette Loi : un code juridique, les règles du culte, les limites posées par Dieu pour qu’une existence soit possible, des prescriptions d’hygiène et de médecine, tout un mode de vie

      Passionnant. Tout ceci nous fait une belle jambe... Bref, c’est vide quoi.. Je n’en suis pas étonné.

      Vous parlez d’existentiel, d’événements vécus, etc... sauf que on ne voit rien au bout du discours.

      Au moins le Christ propose quelque chose de plus sérieux (je soupçonne même que le gars fut influencé par des courants extérieurs précisément à cause de ça) à condition de ne pas en faire un « sauveur » nous prenant en charge et faisant le job à notre place comme c’est quasi la règle maintenant dans tous les christianismes de masse..

      Bref..


    • Gollum Gollum 7 février 2023 16:21

      @Laconique & Guilloux

      Nous avons déjà eu maintes fois cette discussion sur la morale. À partir de Socrate, la vertu – αρετή – joue un rôle majeur dans tout un courant de la philosophie grecque. Aristote a écrit au moins quatre ouvrages sur le sujet, dont les deux fameuses Éthiques

      À propos ne pas confondre morale(s), qu’on devrait écrire au pluriel, et qui vise essentiellement la vie en commun et qui a un aspect utilitariste, avec l’éthique qui est individuelle strictement en son for intérieur et a à voir avec la spiritualité. 

      La vertu pour Platon c’est donc du même ordre que le soyez parfaits comme votre père céleste est parfait du Christ.

      Rien à voir avec la morale donc et sa dégradation entropique la moraline pourfendue par Nietzsche.

      Et je pense que Laconique se plante là-dessus et fait un contresens majeur quant aux visées platoniciennes.

      Je suppute que Simone Weil qui voyait en Platon une préfiguration du christianisme serait d’accord avec moi.


    • Laconique Laconique 7 février 2023 17:24

      @Gollum

      Vous faites des raccourcis gigantesques, vous expédiez des œuvres entières en trois lignes...

       

      Bien sûr que S. Weil serait d’accord avec vous. Elle n’est pas la seule. Saint Augustin dans la Cité de Dieu (livre VIII) fait des platoniciens les précurseurs des chrétiens. Dès l’origine on a voulu faire la synthèse (entre Platon et le Christ). Cela revient à placer la vérité intemporelle au-dessus de tout, et à faire de Jésus une des expressions de cette vérité. D’un point de vue biblique c’est inacceptable. On en a déjà discuté, inutile d’insister. Vous appartenez à une famille intellectuelle bien définie, et moi à une autre, ça ne changera pas.


    • Gollum Gollum 7 février 2023 17:58

      @Laconique

      Cela revient à placer la vérité intemporelle au-dessus de tout

      Ben oui... smiley Et c’est grave docteur ?

      D’un point de vue biblique c’est inacceptable.

      Ouch ! Elle est raide celle là...

      On en a déjà discuté, inutile d’insister.

      Bon on va s’arrêter là mais c’est quand même bien vous qui avez été le premier à intervenir sur le texte de Guilloux pour y placer votre vérité... 

      Dès lors dire qu’il ne faut pas insister est assez cocasse non ?

      Vous appartenez à une famille intellectuelle bien définie, et moi à une autre, ça ne changera pas.

      C’est clair.

      vous expédiez des œuvres entières en trois lignes...

      Celles de Ellul ? Il est tout seul le pauvre garçon vous savez... smiley


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 12:30

      Remrquons le jeu des mots qui limitent la jouissance cause de tous les maux sur terre. L’Hubris et la lubricité.... Relire si l’instant vous inspire : Raymond Queneau : Traité des vertus démocratiques. Les anciens avaient conçu le modèle de société idéal : le MAât. Mais des forces contraires et perverses ont toujours mis un point final à l’excercice d’une tentation à la perfection. Vie et et mort. Voilà le résumé de l’histoire de la civilisation. L’athéisme n’a jamais réussi a concevoir une éthique, confrontée au dictat égalitaire droit de l’hommiste. L’humain est suffisamment pervers que pour affiner son auto-desttruction. L’athée ne peut déboucher que sur l’égorisme, l’individualisme et l’esprit de compétition, même s’il nous mène droit dans le mur....


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 12:31

        non pas « mis », mais « mit ». Et Remarquons...


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 12:52

          Dans les dix commandements, je me suis toujours interrogée. Mais pourquoi parents honoreras et rien sur les enfants ? Tu ne tueras points, certes (interdiction de l’avortement). Mais enfants élèvera dans la bonne direction : RIEN, NADA, le néant. Cette absence à mes yeux rend caduque le reste des commandements. Car comment honorer des parents qui eux ne furent pas exemplaires justement parce qu’ils n’ont pas eu cette éducation de l’excellence. 


          • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 13:58

            @Mélusine ou la Robe de Saphir.

            « Tu honoreras ton père et ta mère » ne signifie pas que tu accepteras tous leur défauts et que tu subiras sans rien dire leur tyrannie s’ils en font preuve, au nom d’un devoir d’obéissance inconditionnelle.
            Honorer ne signifie pas obéir aveuglément. Les Paroles sont là pour nous faire penser et donc non pour être niés, mais pour être éventuellement discutés, critiqués. Le commandement (le mot hébreu n’est pas commandement, mais « Parole ») se comprend aussi comme une parole à l’intention des parents : « Montrez-vous dignes d’être honorés par vos enfants. » (c’est une interprétation possible, je ne suis pas rabbin !).
            Il faudrait regarder aussi ce que signifie mot hébreu « honorer » (hadar) : « Tu honoreras ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne. » Honorer ne signifie pas obéir aveuglément. Le texte ne dit pas "tu obéiras aveuglément à ton père et à ta mère). 


          • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 14:10

            @Robin Guilloux

            Je crois qu’honorer en hébreu (hadar) veut dire quelque chose comme rehausser. Tu honoreras dans ce sens veut dire quelque chose comme : « Tu feras comprendre à ton père et à ta mère »qu’ils valent mieux que ce çà" (sous-entendu : que leurs défauts, leur mauvais caractère, leurs démissions ou leurs lacunes éducatives), qu’ils ne sont pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un bon parent, mais qu’il y a quand même de l’espoir qu’ils s’en rendent compte un jour. Donc, je peux m’opposer à eux, les critiquer tout en les respectant en tant que parents, même s’ils ne se conduisent pas bien en tant qu’individus.


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 15:05

            @Robin Guilloux Je ne pense pas que ceux qui transmettent les principes de la religions, font autant de contorsions de de ce que veut signifier : honoreras que vous. :)))))


          • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 février 2023 16:28

            @Mélusine ou la Robe de Saphir.

            Moi non plus, hélas ! smiley


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 6 février 2023 12:54

            Dites Gollum, vous vous prenez pour Lucky Luke qui tirait plus que son ombre.

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