• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Les pommes et leurs trognons

Les pommes et leurs trognons

 

Le pommier rancunier

 

JPEG

Il advint qu'un pommier couvert de fruits écarlates eut la curieuse idée de convier belettes, hermines et fouines à venir rejoindre les merles pour se rassasier de ses pommes. L'arbre avait un contentieux avec le propriétaire du terrain sur lequel il fructifiait tout à loisir. L'homme, d'une rare prétention, prétendait être aussi possesseur de l'arbre et cela coulait sous le sens, selon ce personnage, de ses fruits.

Le pommier était là bien avant lui, ne lui devait rien et n'avait nuls remerciements à devoir à ce jean-foutre qui enfant avait osé mettre une balançoire sur l'une de ses branches. Il en gardait une profonde blessure et un ressentiment irréfragable contre ce personnage. C'est pourquoi, cette année-là, alors que jamais il n'avait produit tant de fruits et d'une si belle qualité, il entendait ne rien laisser à ce cuistre.

Mais faire venir en son ramage des animaux qui pour gourmands qu'ils soient n'ont pas le pied arboricole, ne fut pas une mince affaire. Le poids de ses fruits faisait bien pencher dangereusement ses grosses branches mais pas au point de servir d'escalator pour ses futurs convives. Son sens de l'hospitalité réclamait une solution pratique pour leur permettre de se mettre à table.

L'échelle qu'empruntait le méchant homme était bien posée contre son tronc sans pour autant offrir une rampe d'accès acceptable pour ses petits mammifères. L'espace entre les barreaux était un obstacle infranchissable pour eux. Il fallait envisager une solution ad-hoc comme aurait prétendu un capitaine bien connu.

C'est justement la lecture de « On a marché sur la Lune ! » qui lui instilla dans sa sève l'idée de la sustentation. Si la chose n'est pas évidente pour un esprit humain, ce raisonnement coulait sous le signe du bon sens pour un pommier normand. Le détail est d'importance pour un arbre qui avait toujours été fier du cidre issu de sa production.

L'envol de ses futurs commensaux nécessitait un tremplin, ce qui pouvait se trouver dans le capharnaüm de la cabane du jardin. Il convenait de trouver un point d'appui et surtout un contre poids de nature à projeter en l'air celui qui se trouvait au bout de la planche. Les lois de la physique n’avaient aucun secret pour ce pommier qui n'était pas né de la dernière pluie normande.

Souci de taille pour lui, quoiqu'il fût toujours fier de ses racines, celles-ci consistaient un frein rédhibitoire pour déplacer tout l'attirail indispensable à son projet. Quant à trouver un propulseur pour sauter à pieds joints sur l'autre moitié de la planche, il ne voyait pas à qui confier ce saut éminemment périlleux.

Les gamins de l'école, toujours prompts à venir lui rendre visite en dépit des menaces et des cris du bonhomme, se mirent à son service après qu'il leur eut expliqué son projet. Les enfants mourraient d'envie de jouer eux aussi un vilain tour à ce propriétaire atrabilaire quitte à se priver d'une partie de la récolte. Ils placèrent sous les conseils du pommier qui, ce jour-là, leur donna une belle leçon de mécanique, la planche et son support.

JPEG

Belettes et fouines acceptèrent sans broncher de venir pour ce saut périlleux. L'hermine blanche de peur et ayant le vertige, se refusa à ce vol spectaculaire. Un à un les petits mammifères furent projetés dans les branches par des enfants qui se délectaient d'un tel spectacle. Les voltigeurs se rattrapant tant bien que mal aux branches avant de se mettre à ronger les délicieux fruits.

Ce fut un moment curieux que ces animaux malhabiles en hauteur qui avaient pour mission de donner deux ou trois coups de dents dans chaque pomme de manière à ne présenter dans l'arbre rancunier que des trognons pour montrer son mécontentement, c'est du moins ainsi que le pommier espérait se faire comprendre de son propriétaire.

L'opération effectuée, les gamins rangèrent le matériel non sans avoir récupéré au vol les petits rongeurs rassasiés et heureux, eux aussi du vilain tour qu'ils venaient de jouer à un individu dont les chiens ne cessaient jamais de les tourmenter. Chacun semble-t-il dans le pays avait une dent contre cet homme de fort mauvaise compagnie.

Tous donc guettèrent sa venue dans la prairie où trônait en majesté le pommier. Les gamins derrière la cabane, les animaux au seuil de leurs terriers et l'arbre, bien ancré dans ses racines. Quand l'homme arriva avec à son bras un panier d'osier, ayant l'intention de cueillir quelques pommes, il constata avec étonnement ce qui s'était passé.

Il entra dans une colère noire. Ses cris et ses injures furent pour les témoins de la scène une récompense dont ils se délectèrent un temps. Mais la suite fut bien moins délectable puisque le furieux, dans un mouvement inconsidéré alla quérir dans sa cabane une tronçonneuse pour scier le pommier qui d'après lui avait contracté une maladie.

Les gamins eurent beau surgir de derrière leur cachette, les animaux de leurs terriers pour faire diversion et détourner l'assassin sylvestre, rien ne perturba l'homme dans son projet funeste. L'arbre chut en une longue plainte qui déchira le cœur de tous ceux qui assistèrent à cette exécution capitale. Seul le bûcheron d'occasion se réjouit d'un forfait dont rien ne justifiait hélas sa réalisation.

L'arbre fut débité et ironie du sort, le jardinier qui était quelque peu bricoleur laissa sécher des planches ayant le dessein de faire un portique pour ses petits enfants qui étaient si trognons. Dans son malheur, le pommier pensa amèrement que dans cette histoire, le destin s'était fichu de sa poire.

Puis le temps passa, il se réjouit de son nouvel usage, les petits enfants du méchant homme étant charmants. Seul regret pour lui, il ne fait plus jamais de pommes. Voilà ce qui advint à qui entend se venger sans que du reste, les raisons en soient véritablement valables. Quant à l'auteur de cette sornette, il continue de balancer entre la fable et le conte moral, sur un ordinateur marqué décoré d'une pomme entamée, qui explique sans nul doute, l'origine de cette histoire abracadabrantesque.

Tableaux de Berthe Morisot


Moyenne des avis sur cet article :  4.6/5   (20 votes)




Réagissez à l'article

16 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 16 mai 11:00

    C’est comme les potes et leurs potirons  ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 16 mai 11:03

      @zygzornifle

      Ou bien les mous et les moutons ...

      Bon, je sors


    • zygzornifle zygzornifle 16 mai 11:01

      Les macs et leur Macron ?


      • C'est Nabum C’est Nabum 16 mai 11:04

        @zygzornifle

        Les pattes et les patrons


      • zygzornifle zygzornifle 18 mai 13:28

        @C’est Nabum

         Les couilles et les couillons, bon j’arrête la ....


      • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 19:11

        @zygzornifle

        vous le damez le pion


      • sylviadandrieux 16 mai 21:01

        Les petites bestioles mangent des pommes ? 

        Un conte somme toute, très haut en couleurs. Pauvre pommier, une âme bien en peine.


        • C'est Nabum C’est Nabum 16 mai 21:27

          @sylviadandrieux

          J’ai essayé de prendre le contre pied d’une souche


        • ilias 16 mai 21:19

          Que Nabum me pardonne si, à l’occasion, je m’égare dans des méandres de réflexion qui s’éloignent parfois du texte magnifique qu’il nous a offert pour notre rumination intellectuelle (au sens de Nietzsche).

          Enseignements moraux subtils que j’ai déchiffrés dans le conte de Nabum « Le pommier rancunier » :

          __ La rancune est une arme à double tranchant                             Le pommier, aveuglé par son ressentiment envers le propriétaire, élabore un plan complexe pour lui nuire. Il en tire une satisfaction momentanée, mais sa vengeance ultime aboutit à sa propre destruction. Cette fable nous rappelle que la rancune nous consume et nous conduit souvent vers des actes regrettables.

          __ La communication est essentielle                                       Le manque de communication entre le pommier et le propriétaire est à la source du conflit. Si le pommier avait exprimé son mécontentement de manière constructive, il aurait peut-être trouvé une solution pacifique. Cette histoire nous encourage à privilégier le dialogue et la compréhension mutuelle pour résoudre nos différends.

          __ Les apparences peuvent être trompeuses 

          Le propriétaire, perçu comme un homme désagréable et arrogant, se révèle être un père aimant pour ses enfants. Cette fable nous invite à dépasser les jugements hâtifs et à regarder au-delà des apparences pour découvrir la vérité.

          __ La coopération et l’entraide mènent au succès 

          Les enfants et les animaux s’unissent pour aider le pommier dans son projet, démontrant la puissance de la collaboration. Cette histoire souligne l’importance du travail d’équipe et de l’entraide pour atteindre des objectifs communs.

          __ Le pardon est libérateur 

          Le pommier, malgré sa fin tragique, trouve la paix en acceptant son destin et en se consacrant à son nouveau rôle de portique pour les enfants. Cette fable nous suggère que le pardon, même envers soi-même, peut nous libérer du poids de la colère et nous ouvrir à de nouvelles perspectives.

          __ La vengeance n’est jamais la solution 

          La fable nous met en garde contre les dangers de la vengeance, qui ne fait qu’engendrer plus de souffrance et de destruction. En revanche, elle nous encourage à adopter des solutions pacifiques et constructives pour résoudre nos conflits.

          __ L’importance de l’équilibre entre nature et homme 

          La destruction du pommier par le propriétaire symbolise le déséquilibre entre l’homme et la nature. Cette fable nous rappelle l’importance de respecter l’environnement et de vivre en harmonie avec la nature.

          __ La vie est pleine d’ironie 

          Le pommier, qui avait tant lutté contre le propriétaire, finit par se transformer en un portique pour ses enfants. Cette ironie du sort nous montre que la vie est parfois pleine d’imprévus et que le destin peut prendre des chemins inattendus.

          __ L’importance de la transmission des valeurs 

          L’auteur, en balançant entre la fable et le conte moral, nous transmet des leçons de vie importantes. Cette histoire nous rappelle le rôle crucial de la transmission des valeurs et de la morale aux générations futures.

          __ Le pouvoir de la littérature 

          La fable « Le pommier rancunier », avec sa métaphore riche et son message profond, nous montre le pouvoir de la littérature à nous divertir, nous instruire et nous faire réfléchir sur des sujets importants de la vie.

          En conclusion, cette fable riche en symboles et en leçons de vie nous invite à réfléchir sur les dangers de la rancune, l’importance de la communication et du pardon, et la nécessité de vivre en harmonie avec la nature. Elle nous rappelle également que la vie est pleine d’imprévus et que le destin peut parfois nous surprendre.


          • C'est Nabum C’est Nabum 16 mai 21:29

            @ilias

            Voilà pourquoi j’aime à raconter des sornettes qui permettent de libérer la parole

            On reconnait l’arbre à ses fruits en somme

            Merci


          • sylviadandrieux 16 mai 21:54

            @ilias
            Bonsoir ilias
            Que n’écrivez-vous pas vos propres écrits ? Lire un auteur aussi talentueux est un véritable plaisir. J’aime lire, surtout les belles choses et vous, à n’en pas douter savez le faire. 
            Des histoires mais pas de politique il y en a assez sur agoravox et cela devient lassant. 
             


          • C'est Nabum C’est Nabum 17 mai 06:15

            @sylviadandrieux

            Je partage cet avis

            C’est même de la confiture pour qui écrit tout juste mieux qu’un cochon


          • sylviadandrieux 19 mai 23:32

            JJ’écris à peine mieux qu’un cochon. J’aime la confiture mais pas celle à la fraise. 

            Je demande pardon au cochon qui pourrait avoir des reproches porcins à faire. 


            • C'est Nabum C’est Nabum 20 mai 07:03

              @sylviadandrieux

              Vous êtes pardonnée


            • juluch juluch 20 mai 12:51

              Newton ainsi que Guillaume Tell auraient appréciés !!

              On laissera de coté la méchante Reine....  smiley

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité