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Retour en enfance

 

De la poussette à la trottinette.

 

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Elle s'appelle Virginie, il se prénomme Paul. Deux prénoms qui les prédestinaient à se rencontrer et à s'aimer. Tout avait commencé pour eux à un âge où nul ne pouvait songer que leurs destins devaient être liés. Leurs mères respectives s'étaient croisées sur le chemin de halage. Les bambins étaient sagement assis dans leur poussette…

Une conversation se lia entre les deux femmes tandis que les bambins échangèrent quelques sourires. Qui aurait pu prévoir que ce fut le début d'une histoire qui paradoxalement ne tourna pas comme sur des roulettes ? Ils n'étaient pas en âge de lier conversation. Les regards suffirent à établir une complicité qui jamais ne se démentira…

Plus tard, sans se reconnaître véritablement, ils se croisèrent à nouveau le long de ce canal qui allait servir de décor à leur histoire. Ils étaient tous deux en bicyclette, avec des petites roulettes pour assurer l'équilibre et éviter de verser dans l'eau toute proche. Les pères cette fois se saluèrent tandis que les deux enfants se regardèrent, comme s'ils se reconnaissaient.

Les petites roues disparurent, les géniteurs aussi. Les deux gamins s'enhardirent tandis qu'ils avaient désormais le droit d'aller seul sur ce chemin pourtant plein de pièges. Ils ne craignaient rien d'autant que bien vite, le vélo n'était qu'un prétexte pour se poser dans un coin et discuter sagement. Il y avait entre eux une complicité qui ne s'expliquait pas et qui s'imposait à eux comme une évidence.

Ils grandirent, se perdirent de vue. Paul était élève de l'école communale du village, Virginie allait à la grande ville suivre un enseignement privé. Quoique vivant à proximité l'un de l'autre, ils n'avaient plus l'occasion de se croiser sur le canal. Elle se rendait au cercle hippique, lui jouait au football. Ce n'est que durant les vacances qu'ils se retrouvaient de temps à autre, quand ils allaient en trottinette sur le chemin de halage.

Paul avait celle de sa grande sœur. Une trottinette qui avait bien vécu, brinquebalante et grinçante à souhait. Virginie paradait sur son engin muni d'une pédale pour lui épargner de pousser sur une jambe. Un procédé qui la plaçait au-dessus du lot, lui donnait une supériorité qui n'était pas pour lui déplaire sur ce garçon si prompt à vouloir aller toujours plus vite qu'elle. Parfois, elle le battait froid, feignant de ne pas le voir…

Ils grandirent, le collège puis le lycée les poussèrent vers des destins différents, chacun suivant un parcours qui rendait bien rares leurs rencontres. Il fallut attendre l'acquisition d'une mobylette pour se croiser de temps à autre même si leurs engins n'avaient rien de comparable. Virginie disposait d'une petite Motobécane Cady dont Paul sur sa Malaguti biplace ne cessait de se moquer.

Curieusement, Paul attendait toujours Virginie et laissait filer ses camarades. Il n'avait cure des moqueries de ses camarades. Le garçon prenait plaisir à discuter avec cette jeune fille sans que jamais ils ne se hasardèrent à des caresses ou des baisers maladroits. La timidité ou une distance qui s'imposait à eux ne leur permirent jamais de flirter en dépit d'une attirance commune.

Leurs études mirent fin à ces rencontres. Elle partant à l'étranger, lui choisissant une filière courte. Leurs vies prirent des voies différentes, le chemin de halage n'était plus qu'un lointain souvenir. Paul se maria, Virginie termina ses études avant que de s'installer loin de son canal. La roue avait tourné. Ils ne se revirent plus des années durant.

Ils eurent des enfants et le destin s'autorisa une curieuse pirouette. C'est par un beau week-end ensoleillé que l'un et l'autre, revenant au village, eurent envie de promener le petit dernier le long du canal. C'est derrière la poussette que leurs regards se croisèrent, ils se reconnurent, s'embrassèrent – ce qu'ils n'avaient jamais fait jusqu'alors. Ils échangèrent des numéros de téléphone, évoquèrent des parcours pas aussi satisfaisants qu'ils les auraient espérés. La conversation dura, les petits s'impatientaient, ils se promirent de s'appeler.

Ils le firent régulièrement. Curieusement de ce jour, ils revinrent plus souvent au village pour le plus grand plaisir de leurs vieux parents. Bientôt il n'y eut plus de poussettes pour prétexte tandis que des sentiments bien plus qu'amicaux s'insinuèrent dans leurs cœurs. Il leur fallait un prétexte pour se retrouver parfois sur ce chemin de halage qui scella leur destin...

Mais comment trouver prétexte à l'escapade ? Ni elle ni lui n'étaient des sportifs dans l'âme. Prétendre faire un footing ou bien une longue marche eut été troublant et quelque peu suspect. Ils se souvinrent de leurs rencontres d'autrefois. Paul et Virginie s'achetèrent chacun de leur côté une trottinette électrique…

Virginie cette fois s'assura de prendre le même modèle que celui qu'elle désirait pour amant. Ils se retrouvaient régulièrement se donnant rendez-vous devant la maison éclusière. Il y avait un gîte d'étape. Qui des deux avaient eu accès à la clef de ce merveilleux refuge ? Je ne puis vous le dire. Je les ai surpris un matin, l'un et l'autre sur leur engin, feignant de se croiser par hasard.

Les trottinettes étaient facilement dissimulables tandis que cette sortie matinale pour s'aérer se transformait en une rencontre coquine. Jamais ils ne mirent la pédale douce, leur alibi était d'autant plus commode que nul compteur ne venait les trahir. Curieusement, au retour de l'escapade, chacun éprouvait le besoin après le repas d'une petite sieste pour recharger les batteries. Pourquoi les trottinettes n'eurent jamais besoin de pareil traitement ? Le mystère restera entier pour qui aime à ne pas se poser les bonnes questions.

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14 réactions à cet article    


  • Brutus Brutus 30 mars 09:39

    «  leur alibi était d’autant plus commode que nul compteur ne venait les trahir. »

    ce qui n’est pas le cas du conteur, auteur de ce biellet, qui néanmoins rrespecte l’anonymat qui sied aux amours Illicites, mais il ne faut pas trop rêver :

    "Il peut sembler de tout repos
    De mettre à l’ombre, au fond d’un pot
    De confiture
    La jolie pomme défendue
    Mais elle est cuite, elle a perdu
    Son goût nature "

    lien




    • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 11:15

      @Brutus

      Pourquoi tant de mépris ?


    • Brutus Brutus 30 mars 11:34

      @C’est Nabum

      ce n’est pas du mépris, mais du regret et de la nostalgie


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 11:57

      @Brutus

      Vous m’expliquez un jour lors de mon procès


    • Brutus Brutus 30 mars 14:16

      @C’est Nabum

      je me doutais bien qu’il s’agissait de l’épilogue de votre autobiographie
      le happy endvous disculpe de facto
      mon commentaire portait sur la mienne, de biographie, pasemée d’images aperçues, d’espérances déçues, de bonheurs entrevus, de baisers qui restent à prendre, de fantômes du souvenir, toutes ces belles passantes que je n’ai pas su retenir


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 15:55

      @Brutus

      Je vous dis adieu
      Vous avez le choix des armes


    • zygzornifle zygzornifle 30 mars 10:39

      L’enfance ne résiste pas a l’école qui bien souvent fout en l’air toute une vie ....


      • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 11:15

        @zygzornifle

        C’est un point de vue


      • mosel 30 mars 18:19

        Comme quoi l’Amour gagne toujours.


        • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 23:27

          @mosel

          Il suffit de recharger les batteries


        • juluch juluch 30 mars 19:18

          Que sont devenus mes amourettes scolaires ???

           smiley

          • C'est Nabum C’est Nabum 30 mars 23:27

            @juluch

            Vous en avez eu, ne vous plaignez pas


          • ETTORE ETTORE 31 mars 23:17

            On revient toujours sur les lieux de sa naissance !

            Parfois on tourne autour, parfois on y remets volontairement les pieds, comme pour dire « C’était là ! » .

            Nous ne sommes ni plus , ni moins, que des oiseaux migrateurs, qui reviennent nicher tôt ou tard, sur les lieux des premières envolées, et parfois, parfois....On n’y laisse des plumes, ou...... On y retrouve des sentiments qu’on pensait fanés par les aiguilles du temps, mais qui étaient juste en manque... de remontage, pour rendre son ressort .....A la vie.

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