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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > The Tree of Life : une odyssée cosmique

The Tree of Life : une odyssée cosmique

Film américain de Terrence Malick, avec Brad Pitt, Jessica Chastain et Sean Penn. Le film est en compétition officielle au Festival de Cannes.

Véritable arlésienne du septième art, The Tree of Life figurait parmi les films les plus attendus de l’année. Ou plutôt des dernières années : une première sortie du film était en effet prévue pour la fin de l’année 2009 et celui-ci avait, par la suite, raté le Festival de Cannes 2010 alors que sa présence ne faisait guère de doute. Mais l’incroyable attente atour de The Tree of Life ne relevait pas uniquement de son caractère imprévisible, elle était tout d’abord le signe d’une impatience envers un artiste unanimement reconnu qui, en l’espace de quarante ans et de quatre films, avait réussi à atteindre le statut de cinéaste culte : Terrence Malick fait partie de ces réalisateurs dont la sortie d’un film représente toujours un évènement cinéphilique mondial. Amorcé d’une magnifique bande-annonce, le film jugé chef d’œuvre parmi les chefs d’œuvre est donc enfin sorti.

Une histoire d’existences

Le jeune Jack grandit, avec ses deux frères, entre la gentillesse de sa mère et la dureté de son père méprisant. Jusqu’au jour où un terrible évènement va venir contrarier la tranquille existence de la famille.

Il est étrange de voir en The Tree of Life une version modernisée de 2001, l’Odyssée de l’espace, alors que la notion d’espace-temps devrait disparaitre au profit d’une vision intemporelle du propos filmé – chose que le film de Kubrick était parvenu à assurer avec la plus grande des maitrises. Car l’embronchement de son fil conducteur dans de nombreuses failles temporelles, qui pourraient se décomposer en quatre parties clairement distinctes (la création du monde, les années 50, le monde contemporain, la Fin des temps), lui donne un propos qui parait au premier abord universel : en conceptualisant les idées de Naissance et de Mort, le film dicte un inéluctable paradigme. Néanmoins, l’écrasement de l’individu au bénéfice d’une conception sublimée de l’espace – et plus généralement du ciel et de la hauteur – montre que Terrence Malick dispose d’une perception du monde inévitablement théologique - en plus d’être, de manière assez paradoxale, évolutionniste. Les incessants rappels au Créateur confortent ce drôle de ressenti, alors que la mise à l’épreuve de la famille face à la mort n’est finalement que peu traitée en soi – mais parvient à justifier l’ensemble du film.

Si la création de l’univers donne au film ses plus belles lettres de noblesse – la musique classique qui l'accompagne est grandiose –, l’analogie qui est faite entre celle-ci et l’existence de cette famille américaine parvient à créer un sentiment d’exceptionnelle majesté. Les nombreux effets de style qui en découlent (principalement des rappels visuels) soulignent alors toute la technicité et la capacité créatrice du réalisateur américain qui parait être le seul à pouvoir produire de telles images : comme à son habitude, Terrence Malick a fait de son film une œuvre avant tout sensorielle, où chaque élément occupe une place prédominante dans la composition de l’image. Cette réalisation léchée, qui se présente comme unificatrice, renforce le caractère mystique de l’objet cinématographique que représente The Tree of Life : la musique classique et l’omniprésence de paroles bibliques donnent un sens profondément panthéiste au message du film. En ce sens, et en dépit d’une approche prosaïque, le film ne se veut nullement humaniste.

Ambitieux mais déséquilibré

La naïveté et l’extrême-répétition de propos religieux narrés tout au long du déroulement donnent malheureusement à The Tree of Life un coté faussement moraliste. Cette utilisation extrêmement maladroite et redondante de la voix-off confère en effet au film l’idée qu’il s’agit d’une œuvre pontifiante qui se voudrait une incarnation de la justesse : il en ressort une apologie du mysticisme assez hors de propos. La mise en perspective de l’infiniment grand dans l’infiniment petit – et inversement – parvient néanmoins à établir l’esquisse d’un intelligent propos global qui voudrait que l’existence des hommes soit liée à celle de la Nature.


En se résumant à une vision nihiliste du souvenir humain, les séquences représentant le monde contemporain – celles où Jack est adulte – paraissent particulièrement ratées. Ces dernières ne s’apparentent en effet qu’à une obsession d’images à la matière moderne et à la symbolique simpliste. La décomposition de l’espace en divers niveaux de splendeur, associée à la maladresse d’un propos hautement abstrait, casse l’équilibre dont jouissait ce véritable poème cosmique en lui donnant l’impression de souffrir d’un manque flagrant de véracité. Surement victime d’un montage inévitable (la version originale du film durait plus de 3h30), Sean Penn souffre de sa présence lourde, instable et peu évidente.

Cette dernière partie – qui se retrouve aussi au début – souligne alors de la plus évidente des manières la surcharge de thèmes dont souffre The Tree of Life. En traitant avec un éloignement fatal d’une multitude de sujets (le rapport au Bien et au Mal, de l’Homme à Dieu, le sens de l’existence, la rédemption, le pardon, la relation enfant-adulte, l’environnement de l’Homme, la violence, la quête identitaire, etc.), Malick est tombé dans le piège du film polymorphe incontrôlé : son film est un melting-pot prétentieux d’idées à la fraicheur clairement dépassée.

Il est probable que la grâce dont jouit le film n’atteigne son apogée qu’avec les années. Tout comme il parait évident que les têtes d’affiche que sont Sean Penn et Brad Pitt vont attirer un public qui n’est pas celui du film. Mais on ne peut nier que The Tree of Life, film courageux et ambitieux, souffre d’une grandiloquence nettement trop assumée pour réellement convaincre.

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