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#53 des Tendances

Sans reprise ni emprunt

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Saltimbanque sans nul doute.

 

Le saltimbanque va sur la route à la rencontre d'un public qui ne l'attend pas. C'est là sa gloire tout autant que la difficulté d'une tâche qui se confronte au manque d'appétence des spectateurs pour ce qu'ils ne connaissent pas. Il est si simple de se remplir les oreilles de certitudes, de succès connus de tous qui n'ont plus besoin de toucher les âmes. La reprise est à ce titre le bâton de maréchal pour qui entend récolter les usufruits semés par d'autres.

Le saltimbanque ne fait que passer sans pourtant se réclamer de la cohorte des étoiles filantes, ces produits marketing fabriqués de toutes pièces par des faiseurs d'illusions pour presser comme un citron une recette qui ne marche qu'un temps. Il entend s'inscrire dans la durée avec ses propres créations, son style qui n'est pas une judicieuse copie d'un modèle qui a fait ses preuves. Avec lui, le risque est dans sa nature et il se produit toujours sans filet.

Il se veut créateur, non pas imitateur, emprunteur ou bien pasticheur. Il parcourt son propre chemin, empruntant des sentiers de traverse, des voies qui ne sont pas toutes tracées. Il réclame votre attention et cet effort qu'impose une découverte. Alors quand on vient lui réclamer un standard, un succès du temps jadis, il détourne la tête et feint de ne pas entendre.

Il accepte l'insuccès car son désir n'est pas de flatter mais d'entraîner ailleurs, de proposer un spectacle qui ne ressemble à aucun autre. Il ne se rangera jamais dans la vaste cohorte des clones qui de toute manière ne seront jamais à l'égal de leur référent. Avec lui, il n'y a pas de certitude ni de connivence. Il dérange, intrigue, agace, perturbe sans jamais reproduire à l'identique le vieux tube d'autrefois.

Le saltimbanque se passe aisément de la course aux décibels. En acoustique ou bien légèrement amplifié, il n'a d'autres soucis que d'être entendu et compris. La musique se met au service d'une émotion qui se glisse dans l'âme d'un texte. Il se contente de simplicité, sans avoir recours à cette alchimie électronique qui tourne en boucle pour créer l'illusion de la complexité.

Le dénuement est son royaume, la ligne claire qu'il emprunte ne rentre pas dans ce son à outrance que les sonos servent aux ânes. Il joue d'un instrument tout en nuance, il donne sa chance à toutes les notes sans les fracasser à une rythmique qui s'impose avec véhémence. Vos oreilles ne sont pas en souffrance tandis que votre cœur ne bat pas à un rythme fixé par des basses.

Il peut essuyer des échecs mais jamais ne se satisfera de recueillir un succès illusoire par le truchement d'autres qui sont passés avant lui. Si ce qu'il a composé ou écrit ne trouve pas écho, il remettra cent fois son ouvrage sur le métier sans aller quérir des recettes illusoires dans des vieux tubes dénaturés. Accordez-lui au moins cette exigence de ne jamais vous leurrer ni vous tromper.

Le saltimbanque se satisfait bien souvent de cette offrande que vous faites à son chapeau, forme insidieuse du denier de l'inculte, dans lequel vous jetez négligemment une petite pièce qui relève plus de la charité que de la reconnaissance réelle d'un travail et d'une production artistique. Il ne fait pourtant pas l’aumône, il est là pour partager une passion, une véritable création.

Hélas, il se voit mêler à trop de pasticheurs qui savent avec adresse et roublardise vous flatter et vous séduire sans rien vous faire découvrir. Pensez donc aux heures de réflexion, de travail, de répétition, de doute, de création qui se cachent derrière ce numéro qu'il propose à votre inattention déplaisante. Faites-lui au moins cadeau d'une écoute attentive, d'un peu de considération et de quelques sourires ; il ne demande que ça !

Le saltimbanque se remettra ensuite en route sans faire sauter la banque ni le standard. Sans reprise ni emprunt, il ne vous devra jamais rien et un jour peut-être, vous découvriez qu'il avait du talent.

Photographies de

Christian Boucher


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2 réactions à cet article    


  • juluch juluch 28 juin 12:19

    Dire que le mot saltimbanque viens de l’Italien....il a un banc avec lui ??

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