Prix Goncourt des lycéens 2020 : le désenchantement des lecteurs de Djaili Amadou Amal
La littérature africaine et camerounaise en particulier a été marquée ces dernières semaines de l'année 2020 par le sacre de l'écrivaine camerounaise Djaili Amadou Amal, heureuse gagnante du prix Goncourt des lycéens, avec son roman intitulé Les impatientes.
Un prix littéraire un peu trop célébré peut engendrer des lecteurs un peu trop exigeants
Rarement un prix littéraire a été autant célébré. Tous les médias de l'espace francophone et notamment français ont battu du tam-tam en l'honneur de la lauréate. Cerise sur le gâteau, Djaili Amadou Amal a été reçue par la première dame, Chantal Biya. Une grande fierté pour un écrivain, reçu à ce titre au palais présidentiel sous l'ère Biya. Il était temps.
Passé le temps des célébrations, les lecteurs se sont précipités sur le livre, l'appétit bien aiguisé, pour découvrir cette perle rare. Heureusement, ou malheureusement, c'est selon, la version numérique se trouvait déjà en ligne, à la portée de tous, en veux-tu, en voilà.
Au vu des premières réactions, sur les forums de discussion, au Cameroun, les avis sont mitigés. Les lecteurs s'attendaient à la crème de la crème, ils découvrent un ouvrage ordinaire, indigeste pour certains ; le roman de Djaili Amadou Amal n'accroche pas, et on a de la peine à le lire jusqu'au bout. « Comment on fait pour lire en entier un roman qui vous tombe des mains avant la fin du premier chapitre ? », s'interroge un lecteur dans un groupe WhatsApp.
Les partisans de Djaili Amadou Amal font valoir la noblesse du message et la bonne cause défendue dans son livre, qui peut avoir contribué à convaincre le Jury. La réplique du camp des lecteurs insatisfaits ne se fait pas attendre :
« Est-ce qu'il suffirait aujourd'hui d'écrire un roman sur une cause pour mériter un prix littéraire ? Les ONG s'en occupent, de rendre hommage aux défenseurs de bonnes causes. Prix Nobel de la paix etc. Pour un prix littéraire, il faut beaucoup plus que se contenter de défendre simplement une cause dans un livre. »
Conséquence prévisible, on se demande sur quels critères le Jury du Goncourt se serait appuyé, d'abord pour que le livre de Djaili Amadou Amal soit maintenu jusqu'à la dernière sélection du prix Goncourt 2020, puis que le livre soit primé par le prix Goncourt des lycéens.
« Merci pour le prix, mais nous ne sommes pas dupes »
Diverses hypothèses fusent, sur les réseaux sociaux dont une plus récurrente que les autres, exposée dans les deux textes rapportés ci-dessous :
« Si ça c'est pas du matraquage... Et chacun une fois le livre ouvert se rend compte de l'arnaque. Il ne s'agissait pas tant que ça de célébrer le génie ou la bonne littérature, mais plutôt d'utiliser l'originalité identitaire d'une dame respectable dans sa condition (mais pas pour autant douée en matière d'écriture) pour faire accepter et même imposer un prix littéraire boudé en Afrique parce que justement ce prix ostracise les livres publiés sur le Continent. Merci pour le prix, mais nous ne sommes pas dupes. »
« En voulant trop généraliser, nous perdons de vue l'essentiel. J'ose croire que nous n'avons pas besoin d'un cours sur les genres, et notamment le genre romanesque. Il est question ici de savoir si le livre dont on parle est attrayant ou non, a-t-il les qualités requises pour mériter un prix supposé récompenser la bonne écriture, pour ne pas dire le génie. On a, au nom de la discrimination positive, mais aussi pour faire un matraquage publicitaire d'un prix littéraire français en Afrique, alors même que ce prix refuse d'accueillir les ouvrages publiés en Afrique, couronné un livre quelconque... »
Munyal ! Munyal !
Dur, dur d'être un écrivain de nos jours. On ne peut pas non plus demander l'impossible. La plus belle femme ne peut donner que ce qu'elle a. On a vu des gens réclamer Éric Mendi dans un roman de Djaili Amadou Amal ("Ça ne vaut pas un bon Éric Mendi''). Est-ce que ce n'est pas de la magie noire ? Éric Mendi, génie incontestable et incontesté (rassurez-vous), a son style à lui, Djaili Amadou Amal a le sien, chacun son couloir. Sachons nous montrer indulgents. Du reste, la perfection n'est pas de ce monde. Munyal !
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