« Perturbation » de Thomas Bernhard offre Lupa à La Colline
- PERTURBATION
- photo © Theothea.com
Lire nombre de critiques à la suite de leurs expériences de près de cinq heures au Théâtre de La Colline, entrecoupées de deux entractes dont un de seulement cinq minutes, c’est comme entrer dans la genèse d’un monde où chacun verrait midi à sa porte ou plus exactement entendrait, distinctement, un brouhaha dont il se sentirait le devoir d’en expliquer ou non la cohérence rationnelle, a posteriori.
A vrai dire, il est fort probable que, du siège où chacun est installé au Théâtre de la Colline, la vision et l’audition soient partiellement altérées, à moins que de se trouver dans les premiers rangs au centre des gradins, encore que, même à cette place, la schizophrénie perceptive soit de mise !
A ce point de difficultés, il est aisé de comprendre que la mise en scène ne serait point étrangère à ce ressenti, a priori, défavorable à l’égard d’une appréciation positive et c’est donc délibérément en cet état que Krystian Lupa souhaiterait que soit perçue son approche de l’œuvre de Thomas Bernhard.
Et pourquoi pas ? En effet, en endossant la responsabilité de cet inconfort sensoriel, le metteur en scène polonais dédouane, de fait, l’auteur autrichien des affres de l’incompréhension viscérale dont ses concitoyens l’ont traditionnellement taxé et le rende, par effet de boomerang, attractif et empathique.
Ainsi, dans cette perspective, le spectateur n’aura d’autre alternative pragmatique que de s’abandonner au feeling et à l’intuition sensitive. De fait, en situation réceptive et même compassionnelle, c’est l’ensemble du travail scénographique intériorisé qui lui parviendra à travers tous les pores de sa peau.
C’est donc bel et bien le texte de Thomas Bernhard interprété par l’imaginaire de Krystian Lupa qui devient, en temps réel, ce matériau dont les acteurs s’emparent pour en restituer l’impressionnisme tragi-comique dans un décalage incessant des mots s’entrechoquant au rythme du désordre ambiant et consubstantiel à la nature humaine.
En tant que démiurge inspiré autant que génial, Thierry Bosc prend alors les rênes de cet attelage subliminal où comédiens et spectateurs n’auront d’autre langage commun qu’un sixième sens en gestation que certains saisiront et identifieront sous le vocable conceptuel d’humour, au énième degré.
En égérie post-moderne, stylisée manière « Lady Gaga », Mélanie Richard prend la tête d’un quatuor au féminin, autant sœurs que filles, afin de s’enivrer au diapason d’une sensualité latente, exacerbée mais se gardant bien d’être révélée à la conscience prosaïque !
Et Valérie Dréville, Anne Sée et Lola Riccaboni lui répondent alors en écho logorrhéique et cacophonique, du plus bel effet stroboscopique !
Le médecin (Jean-Charles Dumay) s’illusionne à jouer de la pédagogie constructive sur son fils (Matthieu Sampeur) pendant que John Arnold, Pierre-François Garel, et Grégoire Tachnakian contemplent, médusés, le soliloque du vieux fou solitaire et néanmoins Prince de son état… trop humain pour échapper, lui-même, à l’image dépressive qu’il se fait de ses congénères !
Nous voilà, comme dans une sorte d’approche, par touches successives, vers le constat d’échec généralisé à toute l’espèce humaine… au sein d’une grande parodie de fous rires à retardements… à l’adresse des plus avisés d’entre nous !
photo © Theothea.com
photo © Elisabeth Carecchio
PERTURBATION - **** Theothea.com - de Thomas Bernhard - Mise en scène Krystian Lupa - avec John Arnold, Thierry Bosc, Valérie Dréville, Jean-Charles Dumay, Pierre-François Garel, Lola Riccaboni, Mélodie Richard, Matthieu Sampeur, Anne Sée & Grégoire Tachnakian - Théâtre de La Colline
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON