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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Modiano à la télévision

Modiano à la télévision

Des gens qui passent – et si l’essentiel ne passait pas ?

Le monde se divise en deux : il y a les fans de Patrick Modiano, et les autres, ceux pour qui ses romans, dès les premières pages, suintent un ennui profond. Me situant résolument dans la première catégorie, j’ai cru comprendre que ceux de la deuxième reprochaient à l’auteur non pas tant son écriture, ni même les thèmes récurrents, mais l’imprécision de l’histoire, comme s’il manquait les indices permettant de savoir qui fait quoi, et comment cela se termine.

De toute évidence dans l’adaptation télévisée d’Un cirque passe (Gallimard, 1992), réintitulée Des gens qui passent (Alain Nahum, 2009) et diffusée vendredi 20 novembre sur France 2, on a essayé de réconcilier les deux groupes.

Pour résumer cette histoire tragique : On est en 1961 - un très jeune homme et une jeune fille au passé trouble, tous deux surveillés par la police et environnés de personnages louches, tentent de quitter Paris pour (re)faire leur vie à Rome. Le jour du départ, la mort de la jeune femme met fin au rêve.

On ne peut que saluer les qualités de ce film. Tout d’abord, le choix des interprètes. Laura Smet est la parfaite héroïne modianesque, suffisamment passe-muraille dans son imperméable ajusté pour habiter le discret Paris des beaux quartiers des années ’60 (sauf qu’il n’y avait pas de fard à paupières à l’époque...), assez piquante pour jouer les femmes fatales, vulnérable et décisive en même temps, dissimulant jalousement un passé que l’on suppose vénal, tournant quelques phrases bien ciselées et naturelles en même temps avec juste l’émotion qu’il faut. Plus spectaculaire encore, la prestation du jeune Théo Frilet. Les héros de Modiano conjuguent timidité, maladresse et un entêtement qui peut les entraîner aux marges du danger et parfois, en un ultime sursaut, les en sortir. Un courage qui n’est bien souvent que l’inconscience de l’adolescence, d’autant plus émouvant que ce type de garçon récurrent est abandonné de ses parents, et singulièrement de son père, dans un monde d’escrocs et de petits truands qui lui témoignent une certaine bienveillance.

Quant aux lieux, d’une importance capitale dans ces récits qui imposent aux protagonistes des errances dans les quartiers cossus mais fanés du Paris 1960, c’est une réussite. Pour tout fan de Modiano, aimant à se rendre sur les lieux consacrés par tant de petits événements à travers son oeuvre, reconnaître l’immeuble du quai de Conti, balayé par les feux des bâteaux-mouches, où vécut (et est né) le jeune Modiano, ou bien le Cirque d’Hiver à côté duquel se trouve le café de l’ami de Pierre Ansart dans Un cirque passe, est jubilatoire.

C’est bien pour cela que la déception est à la mesure de toutes ces qualités. Des gens qui passent se présente comme un polar. L’associé du père du héros, Grabley (excellent Hippolyte Girardot), se suicide ; les « amis » truands de l’héroïne, Pierre Ansart et Jacques de Bavière, se servent du jeune héros pour enlever brutalement le client d’un restaurant. La police qui rôde, elle non plus, n’inspire pas confiance. On est à l’époque des barbouzes, de l’OAS : politique, affaires, prostitution, les dangers qui guettent le couple sont nombreux. Et quand Marie périt dans l’explosion de sa voiture, le spectateur, pour peiné qu’il soit, n’est pas vraiment surpris, même s’il n’apprendra jamais qui, des anciens ’protecteurs’ de Marie, de son mari, des ennemis du père du héros, ou même de la police, en est responsable. Le harcèlement par coups de fil incessants, les coups sur les portes, les ombres menaçantes, tout nous prépare à l’issue tragique.

C’est trop vague, cependant, pour un polar ; en revanche, c’est trop explicite, trop convenu, pour une fidèle adaptation d’Un cirque passe. Et c’est dommage, car sous les détails modifiés à dessein par le scénariste se cache le sens profond du roman.

Alors que progresse le récit, au gré des mystérieux déplacements de l’héroïne (Gisèle dans le roman, Marie dans le film) on s’interroge, en effet, sur les truands qu’elle fréquente, n’osant espérer qu’ils la laisseront partir en Italie en compagnie de son « frère » (son jeune amant Lucien/Jean). Quant à celui-ci, on sait que la police s’intéresse à lui, qu’il est mineur, que son père et Grabley sont mêlés à de sombres trafics. Et qu’il s’offre le luxe d’envoyer promener le flic qui l’informe du passé sulfureux et de la véritable identité de Gisèle/Marie.

A la grande surpise, au soulagement incrédule du lecteur d’Un cirque passe, on comprend, fugitivement, que les deux amoureux n’intéressent pas suffisamment petits truands et flics pour que ceux-çi se donnent la peine de les arrêter. C’est le hasard, bête et méchant, un accident de la route, qui brise leur rêve (dans le film, Marie emporte la carte de l’hôtel où elle a trouvé refuge avec Jean, sans que cela ne serve à rien ; dans le livre, c’est cette carte qui permet de prévenir le jeune homme de la mort de son amie, à l’issue de longues heures d’attente). Certes, rien dans le livre – dont la perspective est exclusivement celle du narrateur – n’exclut que la voiture ait été piégée. Rompant avec cette subjectivité, le film nous donne à voir une séquence de rue avec deux passants qui jettent quelque chose dans le coffre. Mais nous savions déjà, dans le livre, que Gisèle était une conductrice imprudente.

A mon sens, cette absurdité, le banal accident de la route, comme ceux qui ont coûté la vie, à la même époque, à Camus et son éditeur, à Roger Nimier et sa blonde Sunsiaré de Larcône, bête et tragique comme la (vraie) vie, est bien plus efficace que l’intervention de méchants non-identifiés, que tous les spectateurs (et lecteurs) redoutent depuis le début.

On peut s’interroger aussi sur le parti-pris de forcer le trait dans le sens d’une plus grande brutalité. Jacques de Bavière se comporte en proxénète jaloux vis-à-vis de Marie (dans le livre, il est lisse, (trop) sympathique) ; Marie a un mari brutal (dans le livre il est absent, parti en tournée avec le cirque) ; l’enlèvement à Neuilly est violent (et illogique, car il se déroule devant un restaurant ; dans le livre, la victime entre de son plein gré dans la voiture ) ; la DS pilotée par Marie explose dans la rue, à quelques mètres de l’hôtel (dans le livre, l’accident a lieu près du pont de Puteaux). Mais les spécificités de l’écriture cinématographique, surtout en matière de polar, imposaient sans doute des contrastes plus tranchés.

Discutable aussi, la modification apportée à la visite que le jeune homme effectue, peu avant l’issue tragique, dans le café de la rue Amelot. Il doit demander des nouvelles de Pierre Ansart au patron et celui-ci, élégant, d’une « voix juvénile qui me rappelait celle de l’acteur Jean Marais », l’éconduit poliment en lui opposant un sourire lisse et la phrase « Ils sont partis mais ils vont certainement revenir ». Dix ans plus tard, le narrateur retourne dans ce café ; le patron vieilli et négligé (tel qu’on le voit dans le film) est prêt à tout raconter sur Ansart, sur la « jeune fille »que le narrateur reconnaît sur une photo accrochée au mur en compagnie de tout le personnel du Cirque. Les années ont passé, les « affaires » d’antan aussi. Mais quand le patron lui demande, innocemment, s’il voit encore la jeune fille, le narrateur s’enfuit du café en sanglotant « bêtement ». Sur le coup, en apprenant la nouvelle de sa mort, il avait surtout ressenti, dans la rue, que « tout était léger, clair, indifférent, comme le ciel de janvier quand il est bleu ». Il me semble que la scène du café, avec ce chagrin différé, dix ans après, telle qu’elle figure dans le livre, eût été plus efficace que la dernière séquence du film.

La mort de Gisèle, dans Un cirque passe, est comme la chute d’Icare dans le célèbre tableau de Brueghel, la tragédie des uns est une affaire sans importance pour le ciel, la terre, les autres.

Malgré les libertés que le scénariste, Jacques Santamaria, a prises avec le texte, Modiano aurait apprécié cette adaptation. Il est un fait que l’étoffement du personnage de Grabley, le choix de la vieille caméra Super 8 pour rendre compte des obsessionnels souvenirs d’enfance du héros et témoigner du père absent sont des innovations efficaces. C’est un beau téléfilm, et l’atmosphère si particulière de l’univers de Modiano est rendue comme jamais auparavant.

Mais on a perdu au passage le vrai message de cette histoire bouleversante – l’absurdité tragique de tant d’existences au lieu que le téléfilm se contente d’illustrer un fait-divers criminel. Mais à contenter les fans de Modiano ne risquait-on pas de désespérer les autres ?


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9 réactions à cet article    


  • Gazi BORAT 24 novembre 2009 13:23

    @ ARMAND

    Je compte parmi les grands amateurs de cet écrivain, dont je relis régulièrement les ouvrages avec toujours le même plaisir.

    Au delà de la qualité de l’écriture , on ne peut que sentir que ces écrits se situent dans quelque chose d’autre qu’une simple prouesse littéraire.

    Les récurrences : ces personnages fantômatiques aux noms curieusement bricolés « Pacheco dit de Merode », « La Petite Bijou ».. renvoyaient de façon curieuse à un passé dont l’auteur était le légataire et auquel il n’avait pas participé.

    Ce n’est que des années après être devenu un inconditionnel de l’écrivain que j’ai découvert le poids de son histoire de famille : un pêre qui l’avait abandonné mais qui réapparaissait de temps à autres et l’histoire de celui-ci : un Juif parisien qui avait traversé l’Occupation dans les zones troubles du marché noir et des bureaux d’achats allemands.. Un univers que n’avait jusque là abordé qu’un autre excellent écrivain, Maurice Sachs, in « La chasse à courre », livre dont le pêre d’un narrateur d’un de ses livres confiera à son fils en lui disant :

    « Lis ça, tu comprendras ce que j’ai vécu.. »

    Sous la menace continuelle d’être dénoncés par ceux avec lesquels il était obligé de traiter : les sinistres voyous des diverses officines de la Gestapo Française, il réussit à survivre, pour ne plus être après la guerre qu’un personnage apparaissant sporadiquement sous des identités sans cesse renouvelées..

    C’est dans ces milieux qu’il trouva la plupart des partronymes des figurants de ses romans, aux titres de noblesse baroque comme les aimait tant l’insouciante avant-guerre : Rudy de Merode, jeune homme dévoyé, chef de bande de la « Gestapo de Neuilly »,

    La Petite Bijou, héroïne d’un film de 1943 « Le Loup des Malveneurs », où apparait furtivement sa mêre, la comtesse Olinska,

    http://images.chapitre.com/ima0/big1/231/6740231.jpg

    une morphinomane, indicatrice de la police allemande.. et qui rêva de faire de sa fille la Shirley Temple du cinéma d’outre Rhin, avant de disparaitre, probablement assassinée par ses complices..

    On y croise aussi l’ombre de Corinne Luchaire,

    http://programmes.france3.fr/documentaires/IMG/arton437.jpg

    ...actrice déchue et qui traversa cette époque en insouciante de la jet set, sans jamais ne rien voir de tragique dans les amis de son pêre et son entourage immédiat..


    On doit aussi à Modiano le scenario de Lacombe Lucien, premier film « grand public » à avoir abordé sans manichéisme cette époque..

    Merci pour cet article..

    gAZi bORAt


    • Gazi BORAT 24 novembre 2009 16:19

      Bon..

      Ca ne se bouscule pas trop sous l’article Modiano..

      Les usagers d’Agoravox doivent appartenir à la deuxième catégorie.

      Je continue donc.. Cetr article me donnant envie de me replonger dans l’oeuvre et, étant éloigné de ma bibliothèque, je consulte l’excellent site : http://pagesperso-orange.fr/reseau-modiano/uncirquepasse.htm

      .. et découvre que le livre que j’ai cité + haut erst mentionné dans le roma « Un cirque passe »

      J’en profite donc pour recommander la lecture d’un des écrivains les plus curieux des années quarante : Maurice Sachs.

      « La Chasse à Courre », son oeuvre la plus proche de l’univers de Patrick Modiano et « Le sabbat » - Tous deux autobiographiques..

      Sur ce dernier, il assuma le rôle du « traître absolu ».. Curieuse tendance à l’autodestruction d’un être brillant mais qui souffrait d’être dépourvu du moindre sentiment de culpabilité.

      Ce qu’en dit l’Encyclopedia Universalis :

      Crapule misérable ou archange maléfique, Maurice Sachs laisse sur une époque troublée un témoignage irremplaçable.

      Les étapes de son itinéraire singulier, on les suit à travers des œuvres autobiographiques, inégales mais qui ne laissent jamais d’étonner : Alias (1935), Le Sabbat (1946), La Chasse à courre (1948), ou encore une correspondance partiellement accessible.

      Suivre sa vie, c’est aller de surprise en indignation et passer sans répit du cocasse à l’horrible. Traître et escroc, il est l’homme de toutes les contradictions : amoureux des deux sexes, vrai juif et (faux ?) chrétien, jouisseur et mystique, il peut à la fois écrire un livre sur Maurice Thorez et se compromettre quelques années plus tard avec les milieux troubles de la collaboration.

      Dans sa jeunesse, il a fréquenté Cocteau et le tout-Paris, Gide et Max Jacob, également Violette Leduc. Le couple Maritain l’amène à la conversion catholique, puis au séminaire, qu’il quitte bientôt.

      Marié aux États-Unis, il revient en Europe avec un ami homosexuel et abandonne aux quakers l’orphelin qu’il avait adopté. Il fait du marché noir pendant la guerre ; engagé dans le S.T.O., il dénonce les antinazis sur les chantiers de Hambourg"

      Fin de citation

      gAZi bORAt


      • armand armand 24 novembre 2009 19:10

        Gazi,

        Merci beaucoup de vos interventions et du luxe de détails érudits, cocasses, foisonnants que vous apportez : à coup sûr j’essaierai de trouver du Maurice Sachs.
        Je ne suis pas trop surpris du peu d’intérêt que suscite mon billet pour le moment - à vrai dire je vois deux ou trois autres posteurs (vous aurez deviné lesquels) qui ne devraient pas tarder à nous rejoindre.
        Mais la grande et heureuse surprise c’est que vous fassiez partie des fans - même si je ne suis pas étonné.
        Outre les personnages étranges, pitoyables, émouvants (c’est bien cela qui ne ’passe pas’ à l’écran - les trafiquants, petits truands et autres sont de vrais-faux méchants - en tout cas le garçon qui représente toujours Modiano lui-même leur inspire tout au plus une vague sympathie bienveillante, en souvenir de leur propre jeunesse) je suis fasciné par la précision apportée aux lieux. Il m’arrive parfois de me faire une promenade spécifiquement Modiano à travers Paris - sans oublier que j’ai traîné dans nombre de ses rues de prédilection quand j’étais moi-même adolescent.

        C’est par la mémoire des lieux qu’il a cherché à reconstituer la vie de Dora Bruder.

        C’est fascinan,t sa manière de réécrire inlassablement la vie de son père qui échappe aux classements univoques - Juif menacé par les rafles, qui doit composer et trafiquer avec ses éventuels bourreaux. Dans un roman (je ne me souviens plus duquel) le narrateur venge les humiliations de son père en étranglant un des anciens gestapistes en pleine forêt.
        Quant à la « seconde catégorie », tous mes proches, hélas, en font partie : leur jugement est sans appel, le roman était ch...nt, le téléfilm aussi, malgré les « améliorations ». J’aurais bien auimé inclure une photo du film, cela aurait au moins attiré le regard sur l’étrange beauté de Laura Smet, mais il y a le problème des droits...

        Bien cordialement


        • Gazi BORAT 25 novembre 2009 08:06

          @ ARMAND

          Modiano serait-il un écrivain maudit ?

          Ses livres sont d’une lecture aisée mais s’il fallait leur attribuer une couleur, ce serait le gris.. A l’instar de ces « zones grises » qu’il évoque de temps en temps et qui sont ces endroits de Paris où un être déambulant sans but finit toujours par se retrouver.

          Il ne se passe pas grand’chose dans ses livres ?

          Peut être.. Car il se situe après les évènements. Ces personnages, dont certains sont célèbres : on y croise le Roi Farouk (qui n’est pas nommé) en exil, regardant inlassablement un film dans lequel il apparait du temps de sa splendeur et qui se fait plumer par une poule.. Sessue Hayakawa, caché urant lm’occupation pour ne pas être enrôlé par son pays dans ses guerres asiatiques et qui, ne tournat plus, tombera peu à peu dans l’oubli.

          Ces gens aux noms étranges qui sont souvent les fantômes de la période de l’occupation et qui, derrière des occupations des plus banales, cachent un passé plutôt violent.

          Sur « La Petite Bijou », une chaine cablée (Ciné FX) diffuse deux ou trois fois par semaine « Le Loup des Malveneurs », cette version française du « Wolfman » qu’immortalisa Lon Chaney.. Ceci hors programme, entre neuf et treize heures, pour combler leur trou dans la grille. On y trouve aussi Madeleine Sologne, moins figée et plus naturelle.. sans le « Blond extrème » Elizabeth Swartzkopf« que lui imposa le producteur allemand, comme à Jean Marais, pour faire revivre le mythe de Tristan et Isolde dans »L’Eternel Retour« ..

          On peut ainsi y voir cette petite fille que Modiano fera vivre dans le roman éponyme quelques années plus tard.. et l’on y voit aussi, au début du film, sa mêre, au regard étrangement vide.. et dont la toxicomanie est plus que flagrante..

          Sur ce monde trouble, un ouvrage incontournable et étonnant : »Les Comtesses de la Gestapo« de Cyril Eider

          http://www.lefigaro.fr/livres/2007/02/01/03005-20070201ARTFIG90223-elles_dansent_avec_les_loups.php

          On y croise même la mêre de Mourousi... D’après des recherches personnelles, je suis aujourd’hui persuadé que l’homme qui sauva le père de Modiano fut Eddy Pagnon, le chauffeur personnel de Lafont, ancien champion cycliste et ami d’André Pousse.. On le retrouve dans »Lacombe Lucien« , dans le rôle de celui que Lucien reconnait lorsqu’il arrive à la villa des gestapistes et s’exclame »Vous n’êtes pas... le champion cycliste«  ?

          Croiser le livre d’Eider avec : »Mon père l’inspecteur Bonny«  

          http://affaire.classee.free.fr/Seznec/Bonny/bonny.jpg

          Ecrit par le père du comparse de Lafont, qui apparait dans Lacombe Lucien dans le rôle de »celui qui fut avant guerre un très grand policier« 

           »L’étrange Monsieur Joseph« de Boudard...

          http://blog.lefigaro.fr/bd/L%27%C3%A9trange%20monsieur%20Joseph.jpg

          ....sur Joseph Joanovici, plus grosse fortune de cette époque, empereur des ferrailleurs de St Ouen.. Et qui habilla la »Légion arabe« de Lafont ..
           
          http://a10.idata.over-blog.com/299x197/1/48/52/62/histoire/Tulle.jpg

          ...mais fournit aussi en arme le réseau de résistance »Honneur de la Police« qui le protégea au moment de l’épuration..

          Et aussi, mais on rejoint là l’histoire du Milieu français, la biographie d’Abel Danos, second couteau de la rue Lauriston, immortalisé par Claude Sautet dans »Classe tout risque« sous le nom transparent d’Abel Davos

          http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9782213627274.jpg

          Seul personnage positif de ces eaux troubles : Brahim, dit »Jo« Attia.. qui choisit, lui, la Résistance...

          http://www.affaires-criminelles.com/images/livres/677.jpg

          .. et que connut mon grand-pêre.

          Peut-être Modiano n’a-t-il pas bénéficié pour ce téléfilm, d’un réalisateur capable de faire vivre son oeuvre... »Lacombe Lucien" bénéficia, lui, de Louis Malle et reste un chef d’oeuvre inégalé dans la production française de cette époque..

          Sinon, Dora Brüder est un livre extraordinairement émouvant... et sur la précision des lieux, je vous rejoins.. Je m’étais amusé un dimanche à parcourir à Nice tous les lieux décrits par Modiano dans un de ses livres qu’il avait situé à Nice. Tout y était, minutieusement décrit.

          Une scène d’un de ses ouvrages collerait avec l’actualité et nos actuels problèmes d’identité.

          Celle où des personnages indéterminés sont à la recherche d’une propriété dans la campagne française, la voulant aussi typique que possible, traversent un village, sont pris de paranoïa parce qu’un caillou atterit sur le pare brise de leur DS... et aboutissent à une sorte de fantaisie asiatique bâtie en place du moulin rêvé par un ancien colonial nostalgique de l’Indochine française.. Ou l’impossible quête de l’ intégration par la propriété rurale.. et l’impossible enracinement dans la France profonde..

          Il y a beaucoup à trouver sous l’apparente simplicité des romans de Patrick Modiano.. encore faut-il avoir le goût de cehercher..

          gAZi bORAt



        • sisyphe sisyphe 25 novembre 2009 08:29

          Désolé de ne pas pouvoir participer à cette discussion de façon constructive, n’étant pas en France, et donc n’ayant pas vu le téléfilm, mais je suis aussi un « fan » de Modiano, sa musique triste si particulière, pour les quelques livres que j’ai lus de lui : Les Boulevards de ceinture, Villa triste, Rue des boutiques obscures, et le dernier sur sa mère : « Dans le café de la jeunesse perdue », très beau. (j’ai évidemment vu aussi le film de Malle)

          Je ne connaissais pas précisément son histoire, à la lumière de laquelle je comprends mieux ses troubles dans la quête d’une reconstruction douloureuse d’une identité familiale.

          Mais j’ai eu peur, en lisant, sous la plume d’Armand : « Modiano aurait aimé le film », qu’il ait disparu ; il semble bien qu’il n’en est rien ; pourquoi ce conditionnel ?

          Par ailleurs, j’aime aussi beaucoup Laura Smet, chez qui on ressent une profondeur sensible, ambiguë, un peu proche de la douleur ; pour tout dire, un personnage très « modianien »..

          En tout cas, merci pour l’article, et à Gazi pour sa participation ; je tacherai de rouver les livres de Maurice Sachs..


          • armand armand 25 novembre 2009 09:49

            Bonjour Sisyphe,

            Rassurez-vous - Modiano est bien vivant ! J’ai utilisé le conditionnel car je ne savais pas si Modiano avait vraiment approuvé cette adaptation, ou s’était contenté de la « tolérer », laissant apparaître son nom au générique.

            Merci encore à Gazi pour son luxe de détails - en fait, c’est à lui qu’aurait dû revenir la rédaction de cet article !
            Le roman qui se déroule a Nice, si je me souviens bien, comporte une de ces disparitions qui bouleversent les « modianistes » comme moi et exaspèrent les autres - le garçon qui laisse son amie dans la voiture en compagnie des « faux consuls » américains, et quand il ressort du tabac, plus de voiture. Il ne reverra plus jamais la jeune femme. Jamais aucun texte ne m’a asséné à ce point le choc d’une disparition soudaine, sans explication. En fait, si je me souviens bien, la jeune femme avait volé un collier en diamants - on pouvait s’attendre à tout moment à ce qu’on vienne la rechercher. Il n’empêche.

            Concernant la rue Lauriston, c’est là qu’habitait cette délicieuse femme de lettres d’origine azérie, Banine, dans un petit deux-pièces où elle reçut à plusieurs reprises l’écrivain allemand Ernst Jünger durant la guerre, quand celui-ci était logé au« Raphaël ». Au début son âme de résistante fut choquée d’apercevoir sur son palier cet individu sanglé dans son uniforme, mais elle se rendit vite à l’évidence qui’il résistait, lui aussi, à sa façon.
            Des années après j’ai eu le privilège de prendre le café chez Banine - et me suis aperçu que tout, l’heure, les gâteaux, le lieu bien sûr, rappelait ces visites de Jünger, 45 ans plus tôt.

            L’une des clés de l’extraordinaire foisonnement de noms de personnages, aventuriers, vrais et faux diplomates, mondains, truands, chez Modiano serait sa consultation d’innombrables bottins mondains et d’annuaires.


            • Gazi BORAT 25 novembre 2009 11:40

              @ ARMAND

              Tout à fait d’accord pour la consultation des bottins mondains par PM..

              Et sinon, pour des détails concernant les protagonistes des années sombres.. sa précision, bien avant la publication du livre d’Eider, laisse à penser qu’il a consulté la presse de l’époque et les compte rendu des procès de l’Epuration.

              Ceux concernant les second rôles féminins se sont tenus pour la plupart en 1947-48 et beaucoup ont écopé (la justice était devenue plus clémente) de non-lieu ou de peines pour « recel » annulées par la préventive.

              J’ai retrouvé des citations qui concordaient avec des articles du journal « Qui ? Détective » de ces années là..

              Pour cette histoire de disparition « en allant acheter des cigarettes », le tabac cité dans l’histoire se trouve au rez de chaussée de la maison où naquit Guiseppe Garibaldi.
               
              Une curiosité, quelques mêtres plus loin : une curieuse petite fontaine en fonte, hors d’usage, d’un style victorien inhabituel dans le mobilier urbain français fin XIX°..

              En l’examinant, on peut y lire le nom du fabricant : une fonderie de New York. Don d’un riche mécène ?

              Sur Jünger... Bien lire son journal de guerre « parisien »..

              gAZi bORAt


            • Gazi BORAT 25 novembre 2009 11:55

              @ ARMAND

              « Disparition » (suite).

              Un thème important chez Modiano.

              Sur celle que vous citez, on trouve comme souvent un narrateur étranger à l’intrigue, dont on nous livre que quelques bribes.. Tel l’auteur en quète de l’histoire de son pêre..

              Sur une autre disparition, celle de Dora Brüder.. On trouve un narrateur, étranger à l’histoire centrale, condamné à en rechercher les traces et à recoller les morceaux manquants dans les informations dont il dispose..

              C’est incontestablement une oeuvre « habitée ».

              Dora Brüder me fait penser au travail de Christian Boltanski sur les traces..

              Sur cette page,


              http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://images.artnet.com/artwork_images_614_183764_christian-boltanski.jpg&imgrefurl=http://pedagogie.ac-amiens.fr/philosophie/PAF/boltanski-periotbled.html&h=452&w=640&sz=50&tbnid=l8z-nq6XLW3rqM :&tbnh=97&tbnw=137&prev=/images%3Fq%3Dboltanski%2Bchristian&hl=fr&usg=__k7xdNdiug7K9XcUd6bi6LDOHH-w=&ei=rgsNS_r3GpOD4Qbw7eWBBA&sa=X&oi=image_result&resnum=3&ct=image&ved=0CA4Q9QEwAg

              une photographie représentant des visages de jeunes filles souriantes : les élèves d’une école située derrière l’Alexanderplatz en 1937.. Dont on peut supposer que les 3/4 ont péri dans les années qui ont immédiatement suivi la prise de vue.

              Et aussi ses exposition de vêtements, avec à chaque fois la date, les initiales et l’âge de celui ou celle qui les a confiés à l’artiste..

              Un autre écrivain habité par une histoire de famille sombre : James Ellroy et son obsession pour le Los Angeles de l’après guerre et les crimes célèbres de l’époque. On sait aujourd’hui que l’assassin de sa mêre fut le complice de celui qui tua Elizabeth Short, le fameux « Dahlia Noir » dont Brian De Palma tira un très mauvais film..

              gAZi bORAt


            • jack mandon jack mandon 30 novembre 2009 10:02

              @ Armand et Gazi

              Auteur humble et désarmé, qui s’adresse à nous par l’intermédiaire de ses héros tendres et égarés dans un monde brutal. Une difficulté d’adaptation de l’auteur au monde clinquant de la réalité, le fait s’intérioriser dans le monde symbolique et abstrait de son imaginaire.
              Observateur en retrait, éloigné des feux de la compétition...je pense aussi à M. Proust.
              Des êtres introvertis et introspectifs à l’opposé des pugilistes de premier plan.

              Merci pour cette évocation avec l’appui éclairé de Gazi

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