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Le sanctuaire des contes

 

Un chrysanthème en bandoulière

 

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Une magnifique médiathèque de province, un espace dédié aux livres et semble-t-il à la culture, il n'est pas plus bel endroit pour venir y raconter des histoires, inviter un public habitué à aimer la langue, à venir goûter les élucubrations d'un faiseur d'histoires. Une spectatrice bienveillante, trouvant sans doute de l'intérêt à ce que raconte ce drôle de personnage éprouva le désir d'en faire profiter ses concitoyens.

La démarche est noble, il faut bien en convenir et fut accueillie avec cette courtoisie qui sied en un établissement qui se voue au partage et à l'emprunt. La responsable de la programmation, soucieuse de ne pas induire ses abonnées en erreur, réclamait seulement un « teaser » pour se faire une idée sur pièce. L'image prenant ainsi le pas sur les nombreux écrits de ce personnage.

L'affaire eut pu en rester là et la proposition devenir lettre morte, aventure peu banale dans ce qui jadis se nommait Bibliothèque. Il se trouve que par un hasard fortuit – n'ayons pas peur du pléonasme – le sus-dit raconteur vint à passer en ce sanctuaire de la culture écrite. Il croisa la dame qui renouvela sa demande de teaser.

L'autre alors de s'interroger sur le sens d'un terme qui n'était ni du bas berrichon ni du haut solognot. La dame de ne point saisir l'ironie d'un défenseur de la langue française auprès de celle qui était censée la servir. Pour sortir de l'impasse, il fallut alors pousser un peu plus loin l'investigation sur ce que proposait cet individu qui n'éprouve pas le besoin de se filmer pour se vendre.

Quand la professionnelle de la langue en conserve découvrit, crime impardonnable, qu'il écrivait ses propres contes, elle émit immédiatement et catégoriquement une fin de non recevoir. « Ici, monsieur, nous ne recevons que des conteurs qui reprennent les récits des glorieux anciens, des écrivains ayant notoriété acquise ! »

Ainsi, quoique notre ami ne fut point en la circonstance quémandeur ou solliciteur, il découvrit éberlué qu'en ce lieu, pour y avoir droit de cité, il lui faudrait se grimer en Perrault ou bien pérorer à la manière des frères Grimm pour trouver grâce aux oreilles de cette conservatrice de l'oralité sous cellophane. Point de créateurs ici, le conte contemporain n'a pas sa place en ce sanctuaire des belles lettres estampillées par la renommée.

Notre écriveur de contes en fut fort marri, se disant que cette fois, il n'aura jamais tribune en ce lieu glaçant. La volonté de la maison de ne garder dans son jus que l'héritage du passé est louable. On ne sait jamais quoi penser des auteurs contemporains. Leurs intentions ne sont sans doute pas louables, ils risquent à tout moment d'offusquer les donneurs d'ordre, de persifler à bon compte ou bien encore d'user de perfidie et de pensées impies.

Avec nos glorieux anciens, ceux qui ont passé l'épreuve du temps et de la gloire, il n'est plus rien à craindre. Il suffit de dérouler un tapis rouge à ceux-là qui n'ont que pour seule ambition de servir des contes connus de tous. Le sanctuaire dresse ainsi des couronnes à de nobles serviteurs du patrimoine tout en repoussant d'un revers de main méprisant les aventuriers de la nouveauté.

Il faut bien admettre que cette rencontre fut dure à avaler pour celui qui se targue de ne jamais laisser dans l'ombre un affront fait à une langue qui se veut vivante. La dame récolte ici le fruit de son indigne posture. Il suffit de mettre de côté ce pamphlet dans quelques micro-fiches obscures et de le lui ressortir quand le contemporain aura cessé d'être de son temps. C'est sans doute ce qu'on appelle rester lettres mortes.

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39 réactions à cet article    


  • Decouz 1er novembre 2023 10:50

    Plutôt étonnant il y a heureusement des exemples contraires.

    Par ici j’ai entendu divers poètes ou autres intervenants, connus ou non, et une fois Annie Ernaux invitée, s’est retrouvée toute seule à la fin malgré sa célébrité.


    • C'est Nabum C’est Nabum 1er novembre 2023 11:05

      @Decouz

      Et dire que cette ville est candidat au titre de Capitale européenne de la Culture


    • juluch juluch 1er novembre 2023 12:31

      La culture....oui, du moment que l’on ne sort pas des clous

      Meme là il y a le wokisme et l’écriture inclusive !!


      • C'est Nabum C’est Nabum 1er novembre 2023 13:30

        @juluch

        Le pire est toujours certain


      • Vivre est un village Vivre est un village 1er novembre 2023 17:30

        rester lettres mortes ???

        Peut être le secret de la longévité des écrits qui peuvent être « redécouverts »...

        A bientôt.

        Amitié.


        • C'est Nabum C’est Nabum 1er novembre 2023 17:45

          @Vivre est un village

          Je crains que ma langue ne doivent être morte pour que ce haut lieu de la Culture m’ouvre ses portes


        • Vivre est un village Vivre est un village 2 novembre 2023 08:24

          @C’est Nabum

          Tes enfants seront fiers de toi car, eux, trouveront la porte ouverte...par ailleurs, 100% des gagnants ont tenté leur chance...

          A bientôt.
          Amitié.


        • C'est Nabum C’est Nabum 2 novembre 2023 09:03

          @Vivre est un village

          Je n’y crois guère


        • Décroissant 2 novembre 2023 17:12

          La liberté a un prix : si vous n’avez pas montré patte blanche pour obtenir l’onction de la DRAC et autres tutelles, en vous soumettant aux fourches caudines discrétionnaires, vous ne pouvez prétendre intégrer les temples du savoir, tenez-vous le pour dit !

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