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« La Conspiration du Caire » : un polar palpitant, au cœur de la mosquée Al-Azhar

Après The Nile Hilton Incident, Tarik Saleh signe La conspiration du Caire, fabuleux thriller politique et spirituel.

En 2017, il débarquait sur les écrans avec The Nile Hilton Incident (Le Caire confidentiel), génial polar nocturne où brillait l’ultra-charismatique acteur libanais Fares Fares en flic démuni face à la corruption. Si les ­carrières du cinéaste et du comédien dépassent aujourd’hui les frontières (de père égyptien, Tarik vit à Stockholm et Fares Fares s’affiche de Rogue One aux séries scandinaves), ces deux-là font à nouveau équipe dans cet extraordinaire polar. En raison des fortes connotations politiques présentées, ce long métrage s’est vu sélectionné pour le ‘‘festival international du film politique’’ ainsi qu'au très prisé "festival de Cannes". On y suit Adam (touchant Tawfeek Barhom), jeune pêcheur égyptien accepté à l’Université al-Azhar, phare actuel de l’islam sunnite, qui va devenir la cible des Frères musulmans autant que de la sûreté d’État. Mêlant rigueur et humour et la psalmodie à la dramaturgie, Tarik Saleh signe un grand film politique sur l’ambiguïté du pouvoir et la force du dialogue philosophique.

Je suis un exilé qui porte ses ancêtres peut-être encore plus que si je ne l’étais pas. Mon grand-père est allé à al-Azhar, c’était le premier du village à avoir accès au savoir. Je suis parti de ce point de vue pour raconter l’histoire d’un jeune homme humble qui défie le système”, nous a confié le cinéaste au dernier Festival de Gand. Interdit de séjour en Égypte depuis 2015, Tarik Saleh a écrit depuis l’exil et reconstitué la ville du Caire à Istanbul, recréant un fabuleux territoire de fiction : “J’ai dû capturer l’esprit de la ville pour la remettre en scène. Comme New York, Le Caire est une ville énorme, que l’on ne peut pas contrôler. Même au temps des pharaons si la ville ne t’accepte pas, tu n’existes pas. Au Caire, c’est la rue qui décide”, poursuit-il.

Face à Adam l’innocent, relié à Dieu par la force des humbles (ce Boy From Heaven du titre anglais), Tarik Saleh filme les luttes intestines (et parfois cocasses) qui minent al-Azhar, et précise la part politique de son œuvre. “Ce qui est subversif dans le film, ça n’est pas le religieux mais le politique. Dans le Coran, Dieu est abstrait. Le fait de montrer un imam corrompu ne pose pas de problème car dans le monde musulman on sait que seul Dieu est grand. Ce qui reste tabou en Égypte, c’est la relation entre la religion et l’État, là on touche à des choses sensibles. J’assume cette part de provocation”, poursuit Tarik Saleh. Et la grande beauté de son film réside bien dans ce regard éclairé qu’il porte sur l’islam et dont il nous restitue la part spirituelle et secrète, au cœur même des ténèbres.

Dans une interview, le réalisateur explique que ce film est un hommage direct, une adaptation même du Nom de la Rose d’Umberto Eco, dont Tarik Saleh a replacé l’intrigue dans l’Islam d’aujourd’hui, en déplaçant l’action d’un monastère provençal à l’Université islamique d’Al-Azhar.

Le thriller (interdit aux moins de 16 ans) 


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9 réactions à cet article    


  • the clone the clone 27 novembre 2022 08:46

    La constipation au Caire n’est que l’ombre de celle de l’Elysée ....



    • jacques 27 novembre 2022 11:43

      @the clone
      ce qui signifie ?


    • velosolex velosolex 28 novembre 2022 10:05

      Très bon film, le meilleur que j’ai vu cette année. Multiforme, propice à de multiples interprétations. Film initiatique, parlant de la rencontre d’un novice avec une vérité qui n’est pas religieuse, de la raison d’état, qui vont le faire évoluer, dans cet univers clos, où pourtant sont présentes toutes les dimensions du pouvoir Egyptien, et des luttes intestines entre différents clans.. Les images et les plans sont puissants, en disent autant parfois que les dialogues.

      Si j’ai pensé dernièrement au roman « Le nom de la rose », c’est en lisant un livre de ce vieux Van Gulick, qu bien avant Eco, avait écrit « le monastère hanté » : L’histoire de la visite d’un juge chinois plongeant dans les méandres labyrinthiques du pouvoir religieux, au sein d’un monastère de l’époque des Tang, et découvrant d’étranges passages secrets. Alors ou ce film peut aussi faire penser à ces histoires qui se contiennent elles aussi les unes dans les autres. Si l’univers de Le Carré ; et le cynisme du pouvoir et des services du renseignements sont ominiprésents , on pense aussi au monde d’Orwell, avec cette terreur sourde qu’on ressent en lisant 1984, où sans cesse la question de confiance se pose au héros, dans un monde totalitaire où la surveillance est omniprésente. 


      • Laurent Masure Laurent Masure 28 novembre 2022 10:42

        @velosolex Merci pour ce commentaire très juste.


      • mursili mursili 28 novembre 2022 13:37

        @velosolex
        Je n’ai pas vu le film mais les rapprochements que vous faites avec Van Gulik et Le Carré sont intéressants.
        Petite remarque sur le titre arabe Sabiun min al Janna (ou Walid min al Janna) traduit en anglais « Boy from Heaven » qu’on peut traduire par « Le garçon du paradis » ou encore « Le garçon qui venait du paradis »
        Ce qui nous rappelle le titre d’un célèbre roman de Le Carré.


      • velosolex velosolex 28 novembre 2022 14:20

        @mursili
        « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe. »
        C’est un flim aussi qui place de la rhétorique sur la première marche. La scène finale où le jeune homme doit convaincre ce vieux chef religieux aveugle, par sa science du coran, et sa capacité d’éloquence, ressemble à une partie d’échecs savante. 
        Ce n’est pas souvent qu’un flim promotionne de telles valeurs, liées à l’étude, et à l’apprentissage de la maitrise. Il faudrait que les jeunes gens le visionnnent. Il nous dit que la puissance est en effet dans le verbe, et la capacité de déméler les sophismes. 
        La naration du film, et en particulier ce concours de récitation de textes coraniques, où les récitants se succedent, m’a rappelé un autre chef d’oeuvre. Dans « Wadjda »", un film saoudien, de Haifaa Al Mansourhttps://bit.ly/3F6hPZ8

        une fillette se rebelle contre la tradition interdissant aux filles de pratiquer la bicyclette. Elle va s’imposer dans un concours de récitation de textes issus du coran, qui lui permettra d’acheter enfin l’objet de son désir. La distance entre cette élaboration et la satisfaction, c’est l’objet du film. Et là aussi il est construit sur les qualités de la personne, sachant composer à la fois avec le réel, le temps, l’apprentissage, pour parvenir à ses fins, et triompher. 


      • velosolex velosolex 28 novembre 2022 14:22

        @velosolex
        Le lien pour la bande annonce du film Wadjda ne fonctionnant pas, « dans les nimbes », je le remet. https://bit.ly/3OHb3Mp


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 novembre 2022 14:29

        Vu les références données par vous et Vélo , ça donne envie ... Enfin du bon cinoche ?


        • velosolex velosolex 28 novembre 2022 14:45

          @Aita Pea Pea
          Salut...
          Le vélo au cinema m’a toujours inspiré, et wadjda a un coeur gros comme ça. J’avais fait un article sous le nom de mon autre pseudo, aux temps anciens de l’avant covid, sur ce film et sur d’autres, que je me permet de remettre à l’écran. 
          Le velo au cinema, au delà de celui de Taubira ; https://bit.ly/3gBhWCF

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Laurent Masure

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