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L’institut Benjamenta

L’autre Compagnie, mise en scène de Frédéric Garbe avec Guillaume Mika ; scénographie de Pauline Léonet, musique de Vincent Hours, vidéos de Michael Varlet

Festival d’Avignon : au Théâtre Transversal à 19h45, jusqu'à 25 juillet 2023

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L’autre Compagnie, qui s’est souvent emparé de textes littéraires difficiles, a choisi ce texte d’une douce intensité, douce intensité comme douce folie, de Robert Walzer.

C’est un texte magnifique, qui raconte une aventure irréelle dans un institut impossible. Il faut prendre institut dans un sens ancien d’école avec internat. C’est une école où l’on apprend rien, les cours sont faits de rien ou de la répétition de préceptes, de règlements. On veut y former des serviteurs, vivant dans le sentiment qu’ils ne sont rien, hormis le service qu’ils rendent, à des gens qui sont tout. Mais même dans ce vide admirable, proche de la perfection, la sentimentalité s’en mêle, l’affect organise une vie souterraine, aussi passionnante que partout ailleurs. Les camarades, le directeur Benjamenta… qui devient un objet d’opposition à l’autorité, faible dans un tel contexte mais avec des éclats de violence excessive. Et bien sûr, la fille du directeur, qui donne quelques cours, passe la tête par la porte en disant « que faites-vous les garçons ? » s’esquivant aussitôt.

Robert Walzer est un écrivain suisse de langue allemande qui déroule avec brio des situations absurdes et assez vides, de prime abord. On peut voir là, dans l’absence du suspens narratif, dans le retrait de l’attente de la suite, un ennui mortel ou, au contraire, l’espace d’une grande liberté pour la littérature et la poésie. Des mots, surtout des mots, pas de psychologie, pas de scénario. On peut voir aussi dans l’absurdité de cette école où l’on apprend rien un miroir inversé de notre monde et de cette école où « on veut nous apprendre des choses qu’on ne sait pas » (Ah ! Ernesto, de Duras).

Ce texte mystère est mis en scène dans un principe esthétisant qui amplifie les sensations, impressions et réflexions que donne le texte. Des rideaux de tulle définissent des bandes de jeu étroites, empilées dans la profondeur, comme les strates de la psyché de Jacob, le pensionnaire narrateur ou celles de l’institut. S’y projettent toute sorte d’éléments, l’écriture manuscrite assez incroyable de Walzer, des ombres, la tête énorme de M Benjamenta, qui parle quelquefois… Les personnages deviennent parfois des marionnettes incandescentes, brulant de l’intérieur à certains moments. Le comédien est parfait dans ce Jacob qui évoque ce drôle de roman de formation. La musique donne des attaques de violoncelle, raclant intentionnellement une demi habanera qui finit en folie…

Un spectacle intimiste, à la renverse des apprentissages-formatages de l’école et du fonctionnement social, qui sans avoir l’air d’y toucher porte une subversion radicale.


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