Jean Zay, l’homme complet
Jean Zay, l’homme complet, d’après « Souvenirs et solitude » de Jean Zay, adaptation, jeu de Xavier Béja, mise en scène de Michel Cochet. Vidéo Dominique Aru, lumières Charlie Thicot, création sonore Alvaro Bello, collaboration artistique Sylvie Gravagna et Philippe Varache. ; Compagnie Théâtre en fusion ; Avignon, Théâtre Épiscène à 11h40 (relâche le 24 juillet).
D’entrée de jeu, on est dans le pire de la vie de Jean Zay, dans un cachot. Froid, humidité, peu de lumière, il doit tenir dans ces conditions physiques à la limite du supportable. Il sait s’en débrouiller : dans sa petite cour, il gratte la terre tassée par des générations de prisonniers marchant pour se dégourdir les jambes et fait pousser quelques végétations, comme un petit jardin.
Il va revisiter sa vie, comme on dit que cela se fait tout seul pour les mourants. La pièce puise beaucoup dans le journal personnel de Jean Zay, Souvenirs et solitude, écrit pendant cette détention. Un témoignage historique de grande valeur, magnifiquement écrit par un homme courageux au faîte de sa puissance intellectuelle et morale.
Socialiste dans l’âme, travailleur, il veut l’égalité en actes. Il se remémore sa participation au gouvernement de Léon Blum, comme ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts et l’ampleur de la tâche qu’il y accomplit : création de l’ENA, du CNRS, d’une médecine préventive et d’un Comité des Œuvres sociales pour les étudiants… Soucieux de contrer le déterminisme social de la naissance par le mérite, il prolonge la scolarité obligatoire jusqu’à quatorze ans au lieu de douze, limite les classes à trente-cinq élèves, fait entrer l’éducation physique dans les programmes… Il raconte qu’un jour le maréchal Pétain s’extasie devant des sorties scolaires, ne sachant pas que c’est dans les programmes de Jean Zay… Côté Beaux-Arts, il jette les bases du Musée d’Art Moderne… commence un statut du cinéma français et prépare le premier festival de Cannes, qui n’aura pas lieu, en septembre 39, du fait de la déclaration de guerre.
Jean Zay se trouve pris dans une ruse de Pétain, un fait très important peu connu : sur le Massilia, vingt-six parlementaires s’embarquent pour continuer en Afrique française le gouvernement de la France. Après quoi, Pétain les déclare fuyards et déserteurs. Jean Zay est arrêté au Maroc et, traduit en France devant un conseil de guerre, est condamné à la détention à perpétuité. En juin 44, juste avant la victoire des alliés, la milice viendra le chercher pour l’assassiner dans un bois de Cusset. On retrouvera son corps deux ans plus tard.
Avec les créations visuelles de Dominique Aru qui dessinent toute sorte d’espaces ouverts, comme des représentations mentales de Jean Zay, et l’expressive bande-son d’Alvaro Bello, la mise en scène de Michel Cochet est d’une grande sobriété, d’une grande économie de moyens, d’une grande justesse, dont l’efficace fait un écrin pour la performance du comédien Xavier Beja. Ce dernier incarne avec subtilité la grandeur, la droiture, la modestie, la lucidité et la sensibilité de Jean Zay. On est embarqués.
Un spectacle dans lequel tout concourt dans l’unité au portrait de ce grand homme un peu trop oublié.
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