Combattre la misère et le mépris
C'est le titre du premier livre écrit par Smina Kernoua, militante de la solidarité .
Arrivée en France à l'âge de 4 ans, elle a vécu son enfance à Fontainebleau dans une grande fratrie de douze enfants.
Sa famille a connu la pauvreté mais en même temps l'affection des parents et une éducation rigoureuse et stricte. Rien n'est facile pour les enfants pauvres, même à l'école publique. Elle se rappelle avec tristesse de s’être retrouvée punie dans le couloir parce que ses parents n'avaient pas pu lui acheter la flûte exigée pour les cours de musique. Heureusement, elle est tombée plus tard sur un instituteur à l'écoute qui l'a aidée dans sa scolarisation.
Comme d'autres femmes, elle a connu la violence conjugale qu'elle a combattue tout en protégeant ses enfants. Comme elle-même, tous ses frères et sœurs ont trouvé un travail et se sont forgés un avenir.
Ses parents lui ont inculqué les valeurs d'entraide et de solidarité envers les voisins et tous ceux qui souffrent. Elle a appris à aimer la République, à respecter ses règles.
Son énergie d'aujourd'hui découle en grande partie des épreuves subies.
Aujourd'hui, encore elle ne supporte pas les aprioris de sur les pauvres et les familles nombreuses, souvent mal jugées, à tort, par ceux qui ne les connaissent pas.
Gare aux dérives ! Beaucoup de pauvres, hier comme aujourd'hui, se préoccupent de l’avenir de leurs enfants. Je connais des parents de six enfants qui veillent attentivement à leur éducation.
« Chez nous, même à 16 ans ou plus, on demande l'autorisation de sortir et on dit où on va »
C'est cela aussi l'éducation donnée par des parents de cité à leurs enfants. Dans mes permanences à Melun, j'ai côtoyé de telles mères de familles.
Je me rappellerai toujours cette aide maternelle qui s'est inquiétée parce que de jeunes trafiquants gênaient son travail en squattant le couloir. Un jour, avec des voisines, elle leur a ordonné de partir… Ils sont partis !
Comme Smina je ne dis pas que tout est rose, je ne nie pas les graves problèmes existants mais je demande que l'on évite les amalgames.
Dans ce livre qui m'a beaucoup ému, j'ai retrouvé la Smina adulte de maintenant, intransigeante et refusant toute compromission. Dans le cadre de son action de solidarité, elle n'a pas pu obtenir de la part des villes d'Avon et de Fontainebleau, le prêt d'une salle pour accueillir les familles et les écouter....Tant pis, elle les reçoit dans un café !
Souvent des commentateurs plus ou moins avisés en quête de gaspillage de l'argent public prétendent que les associations cherchent et trouvent facilement des subventions.... Ce n’est hélas ! pas toujours le cas.
A ce jour, les colibris solidaires d'Avon Fontainebleau et du Sud 77 – qui interviennent sur tous les fronts depuis deux ans – n'ont reçu aucun euro de subvention.Ce qu'ils demandent c'est un lieu pour que les familles en difficultés puissent disposer d'une écoute sécurisée... Il est difficile de se raconter quand on est écouté par de nombreuses oreilles étrangères.
Il ne faut pas sortir de Saint Cyr ou de l’ENA pour réussir. Smina n'a pas de fortune ; elle a été façonnée par l'éducation parentale et son expérience de terrain.
Son livre mérite plus que le détour, il raconte comment s'est construite une fille du peuple.
Jean-François Chalot
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