Celtes ou Gaulois ? Celtes et Gaulois ? Le malentendu de Bibracte. L’aveuglement des archéologues.Taisey
S'inscrivant dans la suite des ouvrages de M.Christian Goudineau, ancien professeur au Collège de France, qui avait déclaré qu'avant César, la Gaule ce n'était rien, les archéologues nuancent aujourd'hui son propos mais en imaginant, toujours au mont Beuvray, une Bibracte monumentale construite en bois avant l'arrivée des Romains. Vincent Guichard y voit des "murus gallicus" de pierres empilées, et corrigeant superbement César, Matthieu Poux affirme que sa division de la Gaule en trois parties - Acquitaine, Celtique et Gaule belge - est une invention de sa part (le nouveau visage des Gaulois, émission récente de la 5).
Décidemment, les archéologues ne s'en sortent pas à vouloir toujours corriger César ou à lui faire dire ce qu'il ne dit pas ! Si ses contemporains reconnaissent en effet que, parfois, le général romain a "arrangé" certaines de ses actions pour les présenter à son avantage, aucun n'a mis en doute les descriptions précises qu'il nous a données de la Gaule.
Dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, César, en bon militaire qu'il est, expose une situation à ses lecteurs, celle que les Éduens lui ont expliquée quand il est arrivé chez eux, une explication qui s'accorde avec d'autres textes, comme je vais le montrer.
L'affaire est sérieuse, il faut choisir : ou bien une Gaule en bois, disparue, à l'intérêt relatif, ou bien une Bibracte proche de la Saône et une Gaule de monuments en pierre toujours existants, antérieurs à l'arrivée des Romains, et donc, riche d'histoire et de potentiel touristique.
Qui étaient les Celtes, qui étaient les Gaulois ?
Au Ier siècle avant J.C., s'inspirant d'auteurs antérieurs, Diodore de Sicile écrit dans sa Bibliothèque historique, tome I, V, XXIV, que dans les temps antiques régnait sur la Celtique un roi dont la fille refusait tous les prétendants. Héraclès passant par là au cours de sa course errante, s'y arrêta et fonda Alésia. Admirant sa valeur et sa haute taille, la fille du roi s'abandonna à lui. De leur union naquit un fils qui prit le nom de Galatès. Ce dernier donna le nom de Galates à tous les peuples qui se placèrent sous son autorité. Ensuite, ce nom s'étendit à toute la Galatie (la Celtique). En I,V,XIX, il précise qu'un grand nombre d'indigènes vinrent s'y établir, et comme ils étaient plus nombreux que les autres habitants, il arriva que toute la population adopta les moeurs des Barbares. Cette ville est, jusqu'à nos jours, en honneur parmi les Celtes qui la regardent comme le foyer et la métropole de toute la Celtique.
Il est bien évident que cet Héraclès n'est pas un personnage ordinaire mais le nom d'une colonie "herculéenne" qui "épousa" la population indigène qui se trouvait là. De là à penser que les colons sont les Celtes et les barbares, les Gaulois, cela paraît logique. Comme cela se fit plus tard pour les Francs, les descendants des Celtes se sont très probablement perpétués dans la classe dominante, celle des chevaliers armés et à cheval dont parle César, les Gaulois étant le peuple ordinaire, tout au moins dans un premier temps, au temps des grands princes celtes. Lorsque Litavic et ses frères d'armes entraînèrent à leur suite 10 000 fantassins du pagus chalonnais, c'est cette image de la Gaule qu'il aurait fallu montrer dans le documentaire de la 5 et non une foule disparate et mélangée.
La logique militaire veut également que l'Alésia dont parle Diodore ne soit pas une Alise-Saint-Reine excentrée, mais une Alésia centrale, au carrefour des voies de l'étain.
La ville de Chalon-sur-Saône n'ayant été fondée qu'au III ème siècle, j'ai proposé d'identifier cette Alésia centrale à l'actuelle petite ville de Taisey qui se dresse sur la hauteur voisine, position idéale sur le plan miltaire.
Au VI ème siècle avant J.C., Hécatée de Millet, historien et géographe grec, évoquant notre région "barbare", ne cite que trois villes : Narbonne, Marseille qu'il situe en Ligurie et, au-delà de Marseille, Nuerax, habitée par les Celtes. Il s'agit de la première mention connue des Celtes. En désignant la ville de Nuerax par rapport à Marseille, Hécatée de Millet établit manifestement entre les deux localités un lien géographique, mieux, un lien de communication qui les rapproche. En revanche, en précisant que Nuerax se trouve "au-delà" de Marseille, il pense, de toute évidence à une distance géographique qui les éloigne l'une de l'autre. En outre, il faut noter que s'il considère les habitants de Marseille comme étant des Grecs, il donne aux habitants de Nuerax le nom jusque-là jamais cité de "Celtes".
L'identification de Nuerax à la ville de Noreia, en Autriche orientale, ne répond pas à la première condition. En revanche, les deux conditions sont remplies si nous plaçons Nuerax à l'extrémité du grand couloir de circulation qu'est la vallée du Rhône prolongée par celle de la Saône, jusqu'à l'endroit où ce fleuve n'était plus navigable, c'est-à-dire dans la région de Chalon-sur-Saône... à Taisey, position idéale sur le plan militaire qui témoigne, en outre, par la présence d'une ancienne forteresse.
Avant d'être supplantés par les Grecs, les navires phéniciens ont sillonné nos mers et, quoi qu'on dise, nos fleuves. Si le Massaliote Pythéas s'est donné la peine de parcourir, vers le IV ème siècle, les côtes atlantiques jusqu'à la mer du Nord, cela signifie qu'il pouvait remonter sans difficulté le cours du Rhône, et celui de la Saône. Et on ne voit pas pourquoi les Phéniciens ne l'auraient pas fait, eux aussi.
Sachant, d'une part, que la présence des Phéniciens sur le littoral méditerranéen est attestée, et par les textes, et par l'archéologie, bien avant l'arrivée des Grecs - Carthage étant fondée, si l'on se fie aux annales de Tyr, en l'an 814 avant J.C. , sachant d'autre part que les Phocéens grecs ne les ont supplantés, à Marseille, qu'au VI ème siècle avant notre ère, on ne peut éluder pour Nuerax la probabilité d'une naissance "phénicienne", autrement dit cananéenne, les deux termes étant synonymes.
Il y a dans le mot "Nuerax", deux syllabes "Nue" et "Ax". Or "Nue" est une abréviation attestée, en particulier dans la carte de Peutinger en ce qui concerne des noms de villes, qui signifie "nouveau". C'est ainsi que Noviodunum - le nouvel oppidum - s'est transformé, à l'usage, en Nuedionum. On en déduit aussitôt qu'Ax est une abréviation de arx, la forteresse. Nuerax serait donc, pour les Phéniciens/Cananéens fondateurs, la nouvelle forteresse.
Au Vème siècle avant J.C., Hérodote semble écrire ceci (les traductions divergent en raison de l'obscurité du passage) : Au-delà des colonnes d'Hercule (donc, en abordant la Gaule par la côte atlantique après avoir franchi le détroit de Gibraltar), on trouve les Kinèsioi, qui sont, à l'Occident, le dernier peuple d'Europe. Tout de suite après eux (donc à l'est) se trouvent les Celtes... Le Danube prend sa source au pays des Celtes, près de la ville de Pyrènè, puis traverse toute l'Europe qu'il coupe en deux.
La vision qu'Hérodote a de notre territoire est réductrice et superficielle. Il ne voit que deux peuples, les Kinèsioi à l'ouest - mot très proche de la Kinneret cananéenne (?) - et les Celtes à l'est. L'expression "ville de Pyréné" est litigieuse. Au lieu de "ville de Pyréné", il faut lire "monts Rhippées", autrement dit "près des Alpes et du Jura".
Ce texte d'Hérodote ne dit pas que les Celtes étaient les habitants d'un pays qui s'étendait des Pyrénées aux sources du Danube, comme certains historiens le pensent. Il nous dit seulement qu'ils étaient les habitants d'une cité qui se trouvait sur un itinéraire qui menait aux sources du Danube. Cette cité, c'est Cabillodunum/Taisey. Ce texte nous apprend, en outre, qu'à l'ouest, se trouvait une autre cité dont les habitants ne se disaient pas Celtes. Cette autre cité, c'est Gergovie que je situe sur la hauteur du Crest.
Au Vème siècle également, le poète Pindare évoque ces montagnes neigeuses du Nord d'où descend Borée, le vent du nord (il ne s'agit évidemment pas de l'Antarctique, mais des Alpes et du Jura). Il les appelle "monts Rhippées", confirmation de ce que j'ai écrit plus haut. Il ajoute que l'Istros (le Danube) y prend sa source chez les Hyperboréens et que le fleuve leur appartient comme le Nil appartient aux Ethiopiens. Il donne à ce peuple un passé millénaire. "Hyperboréen", mot poétique pour désigner les Celtes de Nuerax/Alésia/Taisey !
Au IVème siècle avant J.C., Ephore considère ces Celtes comme l'une des quatre plus puissantes peuplades du monde barbare (barbare = étranger au monde grec). Ephore veut-il parler des Celtes, habitants de la cité de Nuerax/Alésia/Taisey, ou de l'ensemble des habitants sur lesquels la cité exerçait alors sa domination ?
Au IIIème siècle avant J.C., Polybe écrit qu'une grande partie du cours du Rhône suit une vallée profonde au nord de laquelle vivent les Celtes ardyens. La vallée profonde dont parle Polybe ne peut s'appliquer qu'au cours supérieur du Rhône. Il n'y a pas de doute ; Polybe nous désigne bien les habitants de Nuerax/Alésia/Taisey mais il est possible qu'il nous désigne aussi les habitants sur lesquels la cité exerçait sa domination, au nord du cours supérieur du Rhône : habitants des Dombes, de la Bresse, de la vallée de la Saône, du Mâconnais et du Chalonnais.
Au Ier siècle avant J.C., Denys D'Halicarnasse écrit qu'Héraclès, au cours de sa course errante, se serait uni à l'atlantide Astéropè. Deux fils seraient nés de cette union, Ibéros (les Ibères d'Espagne) et Keltos (les Celtes de la Gaule). Cette atlantide Astéropè, c'est Gergovie sur la hauteur du Crest, cité arverne dont l'autorité s'est étendue, d'après Strabon, des Pyrénées jusqu'au Rhin.
Au Ier siècle avant J.C., Tite-Live, historien romain, évoque les vagues successives des grandes invasions celtes qui déferlèrent sur l'Italie et dans la vallée du Danube. Les peuples qu'il cite sont issus du centre de la Gaule. Je les fait partir de l'oppidum de Taisey où je situe le peuple biturige avec son roi Ambicat, chef tout-puissant de la Celtique. Accompagnant les Bituriges, il y avait les Arvernes dont la capitale était Gergovie, sur la hauteur du Crest, avec leurs voisins Carnutes. Il y avait les Eduens dont la capitale était alors Bibracte, au Mont-Saint-Vincent, avec leurs voisins, Ambarres du Revermont et Aulerques de Brancion et de Blanot. Il y avait les Lingons dont la capitale était le Mont-Lassois. Il y avait enfin les Senons dont la capitale se trouvait à Château-Landon. Cela ne représente qu'un territoire "celte", modeste par rapport à ce qu'il sera plus tard.
Ce témoignage est riche d'enseignements. Il nous révèle, à l'évidence, que le pays de Nuerax a été la plate-forme - phénicienne au départ - à partir de laquelle l'expansion coloniale celte s'est faite, soit par essaimage naturel de colonies, soit par expéditions guerrières. Ainsi s'expliquent les très riches vestiges archéologiques que les armées gauloises conquérantes ont semés sur leur passage, en Italie et en Centre-Europe. Ainsi s'explique "le monde devenu celte".
Au Ier siècle avant J.C., avant la conquête de César, le savant grec Posidonios nous a brossé le plus beau tableau dont on puisse rêver des Espagnes et de la Gaule indépendante de son temps. Malheureusement, ses histoires ne nous sont parvenues que très partiellement. Nous ne pouvons redécouvrir celles qui intéressent notre région qu'au travers des textes de Strabon qui, parfois, les réactualise mais pas toujours. Strabon, ou plutôt Posidonios, ne daigne citer du pays éduen que deux localités : une cité, Cabillodunum (Taisey) et une forteresse, Bibracte (le Mont-Saint-Vincent). Il situe le pays éduen entre la Saône et la Dheune, ce qui exclut le mont Beuvray du pays éduen. Ainsi défini, ce pays éduen correspond à ce que sera plus tard le comté de Chalon. Il correspond aussi, très probablement, à ce que fut le premier pagus "celte" de notre pays, à savoir : une région cultivée autour de Taisey et une forteresse/refuge au Mont-Saint-Vincent. Ce pagus, à vocation initiale principalement agricole, exportait son précieux grain par le port de Marseille, vers la Grèce. C'est ce système qui devrait dorénavant guider les archéologues dans leurs recherches.
Au Ier siècle après J.C., Pline écrit que l'étamage des métaux était une invention gauloise et que l'application à chaud de l'argent sur les harnais des chevaux et sur les attelages des chars de parade fut réalisée, pour la première fois, à Alésia. Il fallait évidemment comprendre que l'alésia en question n'était pas Alise-Sainte-Reine, mais Nuerax/Alésia/Taisey. Pline ajoute que cette invention fut la gloire des Bituriges. Cette information va dans mon hypothèse qui voit les Bituriges à Taisey, avant les Eduens.
En 52 avant J.C. les Commentaires de César nous confirment l'emplacement des grandes capitales celtes, Bibracte à Mont-Saint-Vincent, Gergovie au Crest, Cabillodunum à Taisey, et éclairent, non seulement les textes de Strabon, mais tous les témoignages antérieurs. Contrairement à tout ce qu'on a dit, la Gaule était une mosaïque de cités parmi les plus florissantes du monde antique.
D'après César, cette Gaule celte, la Celtique, s'étendait de la Garonne au sud, à la Seine et à la Marne au nord. Par contre, Strabon et Posidonios auraient tendance à intégrer la Gaule belge dans le monde celte.
Faut-il prendre à la lettre de telles limites territoriales ? Je ne sais pas ! Contemporain de César, Parthénios de Nicée prétend que Keltos était fils d'Héracklès et de Keltinè, fille de Brétannos, roi de Bretagne, ce qui étend le monde celte à toute la Grande-Bretagne. Enfin, les recherches archéologiques et historiques ont montré l'étendue, à travers toute l'Europe, de la culture des Celtes... des colonnes d'Hercule à la Volga. Cependant,...
... ENTRE DEUX THÈSES, IL FAUT CHOISIR.
Pour la thèse officielle, les Celtes ne sont pas, à l'origine, les habitants d'une cité ou d'une ville, mais les habitants d'une région relativement vaste, située dans l'ouest de l'Europe centrale, de la Bourgogne à l'Autriche en passant par le haut Danube. C'est dans cette région que serait née, d'une façon plus ou moins clairsemée, une civilisation dite celtique. Les foyers de cette civilisation se retrouveraient sur le terrain, là où les vestiges archéologiques sont les plus conséquents, à Hallstatt pour le premier âge du fer, à La Tène pour le second. De même, c'est l'étendue des plateaux fortifiés, appelés oppidum par les archéologues, et leur répartition qui indiqueraient les centres les plus celtisés, ainsi que les tombes, en particulier celles des princes, petits rois locaux.
Pour moi, les Celtes sont, à l'origine, les habitants de Nuerax, alias Taisey, cité fondée par des colons venus de Tyr. Cette cité est devenue, au VIème siècle, l'une des plus puissantes peuplades du monde barbare, probablement grâce à toute une population des bords de Saône et de la région Bourgogne sur laquelle elle a étendu progressivement son autorité. On a là l'image d'une vaste opération de conquête, depuis Nuerax/Cabillodunum/Taisey, principalement en direction du cours supérieur du Danube, fleuve stratégique conduisant au vieux monde. Cette opération de conquête est menée par des troupes de combattants accompagnés de leur famille, bivouaquant ou cantonnant sur des "oppidum-camps" et encadrés par des chefs, à la fois princes et héros, qui se font enterrer avec leurs riches ornements guerriers. Dans cette opération de longue haleine, il était important de disposer au plus près de mines de fer et de sel, les premières pour le renouvellement de l'armement, les secondes pour constituer des réserves de nourriture, ce qui explique les grandes exploitations dont on a retrouvé la trace.
Pour moi, il ne fait pas de doute : l'origine des Celtes, c'est à Cabillodunum/Taisey, à Bibracte/Mont-Saint-Vincent et à Gergovie/Le Crest qu'il faut la situer. C'est d'ailleurs ce que confirme l'excellent historien romain Ammien Marcellin. S'inspirant des écrits du Grec Timagène du Ier siècle avant J.C., il dit que le mot celte venait des premiers rois de notre pays qui portèrent ce nom.
En se revêtant du nom de Celtillos, le père de Vercingétorix savait parfaitement qu'il se remettait dans la lignée de ses lointains ancêtres.
Gallia comata !
Ta lance perce les cuirasses les plus dures tandis que celle de tes adversaires s'émousse sur ton casque d'airain. Sur ton bouclier frappé aux deux blasons, j'ai vu surgir le lion de Bibracte et la Gorgone de Gergovie.
Char d'apparat décoré d'ivoire, musée metropolitan de New York, travail arverne dans le style du cratère de Vix.
Emile Mourey, 1er mai 2018
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