Mieux que du gâteau
Tirer au "flan(c)".
Le langage parfois se joue de nous et ouvre des interprétations qui nous laissent sur notre faim. À l'heure où les boulangeries sont encore prises d'assaut pour une galette souvent insipide qui permet de tirer les rois dans notre belle monarchie, je viens m'élever contre une formule fort injuste pour un joyau de la pâtisserie.
J'entends ici, non pas tirer au flanc ou à la ligne, mais tout au contraire, faire l'éloge d'une friandise, souvent mal traitée par les faux pâtissiers. Tout d'abord, il convient de régler le petit détail orthographique qui m'impose de retirer une lettre. Je n'entends pas rester sur le flanc tel un soldat de la prose qui esquive son service quotidien mais bien faire étalage de toute mon admiration pour ceux qui savent encore rendre grâce à ce merveilleux délice.
Son histoire débute au XIII° siècle ce qui le place dans la grande tradition culinaire. Nommé alors la Dariole, il nous vient de la région d'Amiens. Sa composition a évolué au fil des époques et des découvertes maritimes puisque de doctes spécialistes précisent qu’il est composé de farine de maïs, d'œufs, de sucre, de lait et de vanille, à une époque où deux éléments sont introuvables.
Mais qu'importe, on ne prête qu'aux riches et notre Dariole était dégusté au temps des rois sans la moindre fève. Nous apprenons ainsi que pour le couronnement d'Henri IV, le gâteau était de la fête. Après vérification plus sérieuse, la toile ayant en la matière, des libéralités qui poussent à la confusion, Amiens serait en Angleterre et plus précisément c'est en 1399 que ce fameux flan couronna un autre Henry IV, anglais celui-ci.
Si le flou demeure sur ses origines, son nom vient de sa forme. Là encore c'est la samaritaine de l’étymologie. De gâteau plat fladon ou flaon, il penche du côté de l'église et de la Germanie pour se faire Flado et devenir une offrande cultuelle, une sorte d'hostie goûteuse. Il prend alors un accent nordique pour devenir Vlade, une belle galette qui devient vlà la crème dessert.
Au fil des siècles il se fait flan pâtissier pour prendre des lettres de noblesse et échapper par anticipation à ce qui va lui advenir dans nos pâtisseries contemporaines. Si l'œuf demeure sa clef de voûte, certaines officines, lasses de les casser, se contentent d'une poudre infâme pour constituer un ersatz de crème qui donne dans l'insipide, le flasque, le fade, le médiocre. Malheureusement, il trouve alors moyen de briller pour jeter de la poudre aux yeux.
Pour faire passer la pilule, il se gorge de chocolat ou d'autres parfums, férocement artificiels pour ne pas mettre la main à la pâte. Quant à la croûte qui entoure ce genre d'escroquerie à avaler, elle s'émiette, se disperse, ne tient pas le trottoir et finit par s'effondrer lamentablement. C'est là le déshonneur de cette noble profession qui a vécu de plein fouet l’avènement de la grande distribution.
Pour sauver la face de notre grande tradition gastronomique, allez donc à la quête d'un véritable flan à l'ancienne : onctueux, goûteux, consistant, délicieux. Il est encore des artisans qui défendent cette qualité, qui ne tire ni au flanc ni à la facilité. Je ne puis que vous évoquer celui qui fait mon délice : le flan des 2 Boulangers à Saint Jean De Braye. C'est une pure merveille, un plat de roi qui fera honneur à votre table et délectera vos convives.
Pas besoin de fève ni de couronne pour attirer le chaland. Dans sa petite rondelle de bois, il est fort élégant. N'hésitez pas un seul instant, c'est un plat de fête qui se passe de la moindre célébration oiseuse. Indiquez-moi si vous le voulez bien les autres adresses dignes de ce nom qui font honneur à la véritable crème pâtissière loin d'un Flamby de sinistre mémoire, tête jadis couronnée qui sut mieux que quiconque, tirer au flanc.
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