Autrement pour ceux qui ont un
peu de temps, quelques réflexions incontournables pour qui se croit un peu plus
que de la pâte à modeler sondagière et de moins en moins le toutou de ceux qui
rêvent de le voir saliver devant son sucre habituel.
→ Immigration : les
politiques pris par l’ivresse des sondages.
Le
point de vue de Louis Maurin, directeur de l’observatoire des inégalités,
extrait d’une tribune parue dans le journal Le Monde. (7/09/23)
« Le débat médiatique et politique prend
pour acquise la xénophobie des Français, alors que celle-ci est en recul
constant. Cet état de fait devrait inciter le personnel politique à se détacher
des sondages d’opinion et à s’intéresser aux autres motifs du vote d’extrême
droite.
.
En France, 45 % de la population estime qu’« il y a trop
d’immigrés », selon une enquête Kantar (ex-Sofres) de décembre 2022.
L’affaire semble entendue : l’« opinion » rejette les immigrés.
Ce chiffre, médiatisé à outrance, est un élément d’explication de la xénophobie
ambiante d’une partie du personnel politique, notamment l’alignement du
discours du parti Les Républicains sur celui du Rassemblement national. C’est
aussi en partie pour cela que le gouvernement propose une énième loi sur
l’immigration.
.
En fait, « tout à fait d’accord » 20%, « plutôt d’accord »
25%.Parmi ces derniers, une bonne partie suit le sens du débat médiatique et
pense peut-être : « Après tout, puisqu’on nous le dit, c’est sans
doute vrai… », ou estime que, dans certains quartiers, la ségrégation
est trop grande. Résumer l’« opinion » à une seule question a peu de
sens. Ainsi, en même temps, plus de 60 % des Français trouvent que
« l’immigration est une source d’enrichissement culturel », selon les
enquêtes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
.
De plus, les commentateurs des sondages ne soulignent jamais que le pourcentage
de ceux qui estiment qu’il y a « trop » d’immigrés est en forte
baisse depuis plusieurs années. Il était de 63 % en 2005 et même de
74 % en 1995… La part des « tout à fait d’accord » était de
45 % en 1994, plus de deux fois supérieure au niveau d’aujourd’hui. La
part de ceux qui pensent que « l’immigration est une source
d’enrichissement culturel » n’était que de 45 % au début des années
1990.
Les sondages ne valent que pour ce qu’ils
sont : un clic sur Internet au milieu de dizaines de questions sans
rapport les unes avec les autres. Une réponse à une question qu’on ne se posait
pas forcément, du moins pas en ces termes. Le clic sur le « oui » au
« trop d’immigrés » est la conséquence de l’amplification à outrance
de la parole xénophobe (que l’on pourrait qualifier de
« xénophobisme »).Il traduit aussi un ras-le-bol des classes
populaires et moyennes. Les niveaux de vie des catégories populaires stagnent
depuis le début des années 2000. Répondre à un sondeur qu’il y a
« plutôt » trop d’immigrés, c’est une manière de dire son sentiment
de ne pas être écouté face à la violence de la précarité croissante du travail,
des pertes de pouvoir d’achat et des inégalités scolaires, pour ne citer que
quelques exemples. Pour les classes moyennes, c’est aussi l’impression d’être
le dindon de la farce de politiques qui se concentrent sur les plus pauvres et
nourrissent l’épargne des riches à force de baisses d’impôts.... »
https://www.inegalites.fr/Immigration-les-politiques-pris-par-l-ivresse-des-sondages