LA RUSSIE EN 1839, Astolphe
de Custine, Paris, Amyot, 1843
« Cette nation,
essentiellement conquérante, avide à force de privations, expie d’avance, chez
elle, par une soumission avilissante, l’espoir d’exercer la tyrannie chez les
autres : la gloire, la richesse, qu’elle attend, la distraient de la honte
qu’elle subit, et, pour se laver du sacrifice, de toute liberté publique et
personnelle, l’esclave, à genoux, rêve de domination du monde. »
« L’Empire russe est un
camp disciplinaire au lieu d’un système étatique, c’est une société en
perpétuel état de siège considéré comme état normal d’une société. »
« Leur armée, qui brille
dans les parades avec une discipline et une tenue excellentes, se compose, à
l’exception de quelques unités choisies, de gens qui sont présentés au public
dans de beaux uniformes, mais maintenus dans la boue derrière les murs de la
caserne. Le teint pâle et le visage émacié des soldats trahissent leur
souffrance et leur faim car les fournisseurs volent ces malheureux, et ils
reçoivent de trop maigres salaires pour satisfaire leurs besoins et s’acheter
une meilleure nourriture. »
« L’Histoire est propriété
de l’État en Russie, c’est la propriété morale du porteur de la couronne ; elle
est conservée dans les caves du palais, avec les trésors de la dynastie impériale,
et on ne montre aux gens que ce qu’Il juge nécessaire. Le souvenir de ce qui
s’est fait hier est la propriété de l’empereur ; à sa discrétion, il corrige
les annales du pays, délivre chaque jour au peuple seulement cette vérité
historique qui s’accorde avec les imaginaires d’aujourd’hui. »