Victor Fabius est directeur associé de
McKinsey & Company.
Qui est le mystérieux cabinet
McKinsey, qui accompagne Emmanuel Macron de la création d’En marche
à la vaccination contre le Covid-19 ?
Le puissant cabinet de conseil
américain McKinsey accompagne Emmanuel Macron depuis sa campagne
électorale pour l’élection présidentielle jusqu’à la mise en
place de la vaccination contre le Covid-19. Le Monde détaille ce
partenariat dans une longue enquête.
C’est une société qui n’aime pas la
lumière des projecteurs. Installé sur les Champs-Elysées au-dessus
d’une galerie commerciale, avec une vue imprenable sur Paris, le
cabinet de conseil américain McKinsey est surnommé « la Firme ».
Une société qui cultive le secret, 100 ans après sa création aux
Etats-Unis. Son métier : du conseil en stratégie pour les patrons
du Cac 40, les chefs d’Etat ou les ministres. Sur son site internet,
la société se dit "engagée dans les transformations décisives
de ses clients".
Dernière mission en date du cabinet
McKinsey : la logistique de la vaccination contre le Covid-19 en
France. Le rôle de la société a été révélé cet hiver par Le
Canard Enchaîné et le site Politico. Pourquoi donc l’Etat fait-il
appel à un cabinet de conseil pour cette mission alors qu’il dispose
de nombreuses administrations dans le domaine de la santé ? Pressé
de questions devant la commission des Affaires sociales de
l’Assemblée le 12 janvier 2021, le ministre de la Santé Olivier
Véran se contentera de répondre : "Il est tout à fait
classique et cohérent de s’appuyer sur l’expertise du secteur
privé". Sans intervenir dans les choix médicaux ou politiques.
Selon le long article publié par Le
Monde, enquêter sur le cabinet McKinsey s’est fait non sans
difficultés car les portes et les bouches se ferment quand il
s’agit d’évoquer « la Firme ». Être consultant, c’est un
métier de l’ombre.
Première rencontre Emmanuel
Macron-McKinsey en 2007
Les liens entre Emmanuel Macron et le
cabinet McKinsey remontent à 2007. Emmanuel Macron, alors inspecteur
des finances, a 29 ans. Il devient rapporteur général adjoint de la
commission Attali, dont le rôle était de proposer des réformes
économiques au président Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron
impressionne l’assistance. Parmi les membres présents : Eric Labaye,
alors dirigeant de McKinsey en France.
"On se réunissait le soir jusqu’à
minuit dans une salle du Sénat avec Attali et Macron, raconte un
ancien membre de la commission au Monde. Dans les sièges du public,
il y avait trois ou quatre jeunes de McKinsey. Ils faisaient des
simulations sur Excel. Leur chef était si brillant qu’on l’écoutait
comme s’il était membre à part entière". Ce chef s’appelle
Karim Tadjeddine. Il est passé par les prestigieuses écoles
d’ingénieur françaises Polytechnique et les Ponts et
Chaussées. Le cabinet McKinsey intervient gratuitement. Une mission
appelée « pro bono » dans le milieu ("pour le bien
public« ) ou »reputation building« ( »construction
de réputation") au sein du cabinet.
Été 2016 : Emmanuel Macron prépare
sa candidature
Alors ministre de l’Economie de
François Hollande, Emmanuel Macron ambitionne de devenir président
de la République. En avril 2016, il crée En marche. Au cours de
l’été, des groupes de travail sont déjà sur pied. Une dizaine de
salariés de McKinsey réfléchissent à des propositions sur
l’économie ou les grands dossiers régaliens, raconte Le Monde.
Dans le même temps, Emmanuel Macron organise une "grande
marche" en France pour recueillir les doléances des Français.
Un ex de McKinsey, Guillaume Liegey, est chargé de collecter et de
traiter les data. McKinsey a ensuite mis en forme le rapport. La
candidature officielle d’Emmanuel Macron à la présidentielle sera
annoncée le 16 novembre 2016.
Les salariés de McKinsey sont-ils
intervenus sur le temps libre ou à titre bénévole ? La société
n’a pas répondu au Monde. Aucune trace ne figure, en tout cas, dans
les factures du candidat Macron déposées à la Commission nationale
des comptes de campagne et des financements politiques.
De McKinsey aux ministères
Une fois Emmanuel Macron élu en 2017,
de jeunes consultants de McKinsey rejoignent le pouvoir : directeur
adjoint du cabinet du secrétaire d’Etat au Numérique, chef du "pôle
projets" de la République en Marche, directeur général de la
République en Marche.
Éric Labaye, le dirigeant de McKinsey
qu’Emmanuel Macron avait rencontré en 2007, a été nommé président
de Polytechnique par Emmanuel Macron en août 2018.
De son côté, l’ancien patron des
Jeunes avec Macron, Martin Bohmert, a rejoint le cabinet McKinsey en
2020.
Les appels d’offres centralisés
Avant l’élection d’Emmanuel Macron,
chaque ministère passait ses appels d’offres de son côté. Les
règles ont changé depuis 2017. Emmanuel Macron lance sa réforme de
l’Etat et créé une direction interministérielle à la
transformation publique (DITP). Son rôle : superviser toutes les
missions commandées par l’Etat aux cabinets privés afin d’empêcher
toute position dominante d’un cabinet de conseil. C’est dans ce cadre
que le marché de la logistique du plan de vaccination a été
attribué. L’interlocuteur de la DITP chez McKinsey ? Karim
Tadjeddine, le chef qui avait impressionné à la commission Attali.
Combien coûtent ces prestations ?
Impossible à savoir révèle l’enquête du Monde. Un accord-cadre
dispense l’Etat de publier les détails de chaque commande, ministère
par ministère. La DITP dispose d’un budget de 100 millions d’euros
sur le quinquennat. 30,2 millions ont déjà été dépensés au
profit des consultants privés. Selon le Point, McKinsey facturerait
ses prestations à l’Etat sur la conduite du plan de vaccination 2
millions d’euros par mois.
Le siège social français ... aux
Etats-Unis
Les comptes de McKinsey peuvent-ils
permettre d’en savoir plus ? Impossible. La filiale française ne
dépose pas ses comptes au tribunal de commerce.
Le chiffre d’affaires est néanmoins
estimé à 300 millions d’euros en 2019, selon le Guide des
cabinets de conseil en management. D’ailleurs, le siège social de
McKinsey & Company France Inc. n’est pas à Paris mais ... aux
Etats-Unis.
Il mène à une boîte aux lettres
implantée dans un immeuble le long d’une route en pleine campagne à
Wilmington dans l’Etat du Deleware, l’Etat de Joe Biden, le nouveau
président des Etats-Unis, révèle Le Monde. Là-bas, McKinsey doit
régler un forfait fiscal symbolique de 175 dollars. L’autorité de
tutelle de la DITP a pourtant assuré que McKinsey est en règle avec
l’administration fiscale française.
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