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Commentaire de Adèle Coupechoux

sur De l'expression de la liberté à la liberté d'expression


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Adèle Coupechoux 13 novembre 2020 17:44

@troletbuse

Suite 

Jean-Michel, sors de ce corps !

  Le rapprochement s’impose avec les atteintes sans précédent contre l’autonomie des enseignant.es, de la part du ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer. En particulier, l’article 1 de la loi « pour l’école de la confiance » de 2019, a instauré un devoir d’ « exemplarité » pour les enseignant.es. La généralisation des évaluations standardisées, le contrôle des méthodes pédagogiques dans les classes de CP-CE1 « dédoublées » des dispositifs d’éducation prioritaire (REP), la répression acharnée contre les syndicalistes opposé.es à la réforme du lycée, sont également des attaques profondes.


  C’est ce même Blanquer qui a sonné la charge contre la liberté des universitaires le mois dernier, par ses propos abjects sur les prétendus « ravages de l’islamo-gauchisme » dans les universités.(***)

Vous avez le droit de garder le silence… ou pas !

  Puisque ceci est un billet syndical, profitons-en pour faire un rappel de notre droit d’expression, en tant que personnels, titulaires ou contractuels, de la Fonction Publique : BIATSS ou ITA, chercheur-es, enseignant-es ou enseignant-es-chercheur-es.

  Le « devoir de réserve des fonctionnaires », évoqué souvent à tort, n’existe pas dans les textes de loi, mais seulement dans la jurisprudence (décisions de justice précédentes, considérées comme référence pour juger de nouveaux cas). Il ne concerne en pratique que les fonctionnaires responsables d’une administration : par exemple, les préfet.es, recteurs/rectrices d’académie, directeurs/directrices de cabinet au Ministère sont tenus au devoir de réserve. En revanche, les enseignant.es, chercheurs/chercheuses, bibliothécaires, membres du personnel administratif, etc., peuvent, comme tout citoyen, s’exprimer librement, y compris à propos de leur propre administration, par voie de presse, pétition, réunion, etc. Ces droits sont garantis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. ».


  Pour les personnels titulaires de la Fonction Publique, il existe des restrictions spécifiques (voir ci-dessous), mais avant tout, la liberté d’opinion des fonctionnaires est explicitement protégée par la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (dite loi Le Pors), article 6 : « La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. [...] »

  Il existe évidemment des obligations en matière d’expression :

  • Pour les personnels titulaires, l’obligation de neutralité des fonctionnaires (article 25 de la loi le Pors) : « Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. ».

  • Pour tous les personnels, comme pour tout particulier, le respect de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et du Code pénal en matière de diffamation et d’injures publiques et non-publiques. Voir : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079.

Quelles libertés académiques, pour quelle société ?

  Instrumentalisant l’émotion suscitée par le drame de Conflans-Saint-Honorine et agitant avec opportunisme l’épouvantail de « l’islamo-gauchisme », le gouvernement et ses soutiens parlementaires se proposent d’instaurer un contrôle des libertés académiques. Si nous l’acceptons, nous aurons bientôt à renoncer plus largement à la pluralité des expressions dans le débat public et au principe de la liberté de parole dans le débat universitaire. Celle-ci est pourtant une condition impérative pour qu’existe l’idée même d’Université, c’est-à-dire un lieu de construction et de mise en question des connaissances, appartenant à ceux qui y travaillent et qui y étudient, et obéissant uniquement aux règles du débat rationnel et argumenté.

Par Sud Education 75, section Sorbonne Université
[email protected]
https://sud-su.fr/

(*) Voir les liens suivants pour des compte-rendus et analyses détaillés :

(**) membre du Siècle, club bien connu pour organiser la collusion entre les élites politiques, médiatiques et financières, et mariée à l’ancien ministre de l’éducation nationale Xavier Darcos dont le projet de réforme avait été retiré après un mouvement d’ampleur des lycéens et enseignants
https://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Darcos#Parcours_politique

(***) Voir le récent article d’Acrimed : https://www.acrimed.org/Islamo-gauchistes-une-chasse-aux-sorcieres


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