Journal Infime
Billet n° 2 222
Six ans déjà que je me suis lancé dans cette folle entreprise de publier chaque jour un billet d'humeur ou bien un texte difficilement qualifiable où la fiction, la légende, l'humour ou bien la dérision se mêlent pour former un curieux capharnaüm textuel. La grande prétention que voilà d'imposer ma vacuité à la curiosité de quelques lecteurs égarés sur la toile !
De cette aventure inconsidérée je me suis fait bien plus d'ennemis et d'adversaires acharnés que d'amis véritables. Cependant, pour ceux-ci, le lien est devenu si fort qu'il a souvent été transformé en une relation réelle, des visites et des contacts d'une grande richesse. Pour ces amis que je n'aurais jamais connus, l'aventure méritait d'être menée. Pour les autres, de toute manière, mon incapacité à me montrer aimable avec tous ceux qui possèdent une parcelle de pouvoir, n'a pas changé grand chose …
Ce journal infime, cette pauvre agitation vaine et sans grande importance n'a pas changé la face d'une société qui continuera longtemps à m'étrangler d'indignation. Qu'importe, je continuerai à pourfendre inutilement les faquins et les gredins. Si cela n'a aucun effet, ça aura au moins le mérite d'évacuer ma propre frustration. On se soigne comme on peut.
Infime bien plus qu'intime, même si, parfois, des éléments impudiques viennent se glisser dans cette redoutable répétition quotidienne. Le risque de la redondance et de la confession est certain ; il faut veiller au grain pour ne pas glisser dans des travers qui me rendraient encore plus ridicule que je ne suis déjà à me livrer ainsi à une telle introspection publique.
Infime et futile, sans aucun doute. Cette bouteille de l'amer à sa Loire et au reste du monde est de si peu d'écho qu'elle rend dérisoire ce temps consacré au vide de ma pensée. Malgré tout je continue de crier dans le désert de mon écran pour un univers numérique qui se passerait volontiers de moi. Épiphénomène de l'ambition déplacée : mes blogs restent lettre morte dans la planète littéraire.
Infime et pourtant si jubilatoire. Les commentaires d'inconnus, les liens qui s'établissent, les batailles, les querelles, les injures, tout comme les encouragements, sont autant de récompenses. Je me délecte de ces rendez-vous qui se renouvellent, se modifient, se transforment. Il y a eu des fidèles qui sont partis un jour pour ne jamais revenir, de nouveaux ont pris le relais pour établir une chaîne humaine que je revendique comme une merveilleuse récompense.
Infime et malgré tout incroyablement exceptionnel. Comment un inconnu de base, un écrivailleur sans talent ni relation aurait pu ainsi toucher plus de 8 000 000 de visiteurs d'un jour ou de bien plus longtemps ? C'est un miracle qui ne cesse de m'émerveiller et de nourrir cet orgueil que déplorent tant mes pourfendeurs. D'ailleurs, les comptes sont-ils justes, les clics ne sont-ils que furtifs ? Je n'en saurai jamais rien.
Ce journal infime continuera donc une année de plus. Il a fini par changer ma vie, par me pousser sur le devant de la scène. J'ai renoncé à la posture du commentateur de l'ombre, protégé par un confortable pseudonyme, pour faire de C'est Nabum un personnage public qui se donne en spectacle. Il en a fallu des renoncements et des contradictions pour atteindre ce résultat qui ne serait jamais survenu sans l'aventure du blog.
Le chemin est encore long et incertain. La toile est si ingrate, si futile, si dérisoire. J'avais espéré que mon livre de Contes se vendrait à la mesure des visites que je peux avoir chaque jour. J'ai dû ravaler ma fierté : il ne décollera jamais des ventes minimalistes d'une édition locale à laquelle, jamais, on ne donnera sa chance. Je pensais que ce travail titanesque allait susciter la curiosité d'une presse locale qui n'aime rien tant que flatter les puissants et remuer les faits divers. Il n'y a pas place pour relayer ce journal infime dans les colonnes et sur les ondes de nos prescripteurs de notoriété.
Je dois retomber sur terre, les pieds dans la fange ou bien dans la vase de Loire qui sont mes terreaux préférés. J'ai fait mon deuil de la postérité et je fais cadeau de ma prose à l'absence, par l'effacement des données numériques qui ne manquera pas de survenir un jour. Merci à tous ceux qui me lisent encore, histoire de me laisser un peu de répit avant le point final.
Infimement vôtre.
http://www.chroniques-ovales.com/
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