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Accueil du site > Actualités > Société > Une réinsertion inattendue

Une réinsertion inattendue

Imagine-t-on aujourd’hui un patron de maçonnerie se débattre pour que son ouvrier, devenu paraplégique à la suite d’un accident domestique, se réinsère et choisisse une activité qui lui soit adaptée ? C’est possible !

Pascal Bonnier revient de loin. Cet ancien maçon de 28 ans est devenu paraplégique à la suite d’un accident domestique. Depuis, il s’est reconverti en tailleur de pierre. Aujourd’hui, il dispose d’un atelier de plain-pied, chauffé, de 100 m2. « Mon patron m’apporte le bloc de pierre à l’entrée. Il y a une table élévatrice, tout fonctionne par télécommande. Après, je suis autonome. » Pascal Bonnier s’est réinséré avec l’aide et, peut-être même, l’insistance de Vincent Blanchard qui dirige une société à Châtelus (Loire) près de Saint-Étienne. « Les gens qui viennent voir nos oeuvres sont bluffés par le fait qu’une personne handicapée puisse tailler des pierres tout en restant assise. Pour le public, en général, une personne handicapée finit sa vie dans un centre ». Ils attendaient 500 personnes à leur journée porte ouverte au printemps dernier. Ils en ont reçues 1 800 !

Projet humain
En septembre 2008, Pascal, qui était le salarié de Vincent, tombe d’un mur, chez lui. Sa vie bascule. Vincent expliquera qu’il avait toujours eu envie de réaliser un projet humain. Alors, il décide de tout tenter pour l’aider à s’en sortir. « Je savais que c’était un bon maçon. J’avais envie de le soutenir, mais je ne savais pas s’il allait suivre. Après son accident, j’ai rencontré son entourage, j’ai laissé mon entreprise tourner sans moi et j’ai commencé à le visiter régulièrement. Il ne voulait voir personne. Je lui ai dit que je ne le laisserais pas tomber, qu’on trouverait une solution. Il m’a traité de fou. Je me suis obstiné. Je lui ai fait plusieurs propositions de réinsertions qui s’intégraient dans nos activités. Il était sceptique. Puis il m’a suggéré son idée : devenir tailleur de pierre. »

« Au début je me suis dit que j’étais foutu, se souvient Pascal. Le plus dur, c’était le regard des autres. Petit à petit, Vincent est venu tous les jeudis. Quand j’ai appris qu’il existait d’autres ouvriers handicapés comme moi, ou plus handicapés encore, qui pouvaient continuer à travailler dans le bâtiment, j’ai remonté la pente. Je possède aussi une grosse force de caractère. J’ai bénéficié de l’aide de mon entourage, de ma famille et de celle de Vincent
qui reste néanmoins mon patron. Oui, j’aurais peut-être mis plus longtemps sans son intervention, je ne sais pas. Si je me compare aux autres patients que j’ai rencontrés, ma réinsertion m’a semblé plutôt rapide. »

Réalisable
Le projet de Pascal fait son chemin. Mais il faut prévoir des aménagements lourds.
« C’était difficile mais réalisable, convient Vincent. Il fallait chercher une formation, trouver un centre qui accepte Pascal et réaliser un nouveau bâtiment totalement adapté. Je me suis dit qu’il fallait aussi que l’environnement de Pascal lui convienne. Tous les aspects de sa vie devaient être adaptés : maison, véhicule, etc. » Il fait une pause et anticipe la question : « je suis un perfectionniste. Beaucoup m’ont dit que je me mêlais de ce qui ne me regardait pas. En même temps ça a marché. Malgré l’accident, Pascal a conservé son amie. On les a mariés récemment. On a bouclé ce projet par une signature devant le maire ! Et ce n’est qu’un début. »
blanchard-tailledepierre

Pierre LUTON

Une équipe qui gagne
Le souhait de réorientation de Pascal Bonnier et la détermination de son patron ont fini par convaincre. Après sa sortie de l’hôpital, Pascal est envoyé en formation. Parallèlement, une étude est réalisée pour préparer son futur poste de travail. Le projet a été validé par le service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (Sameth) et le médecin du travail. Ces derniers et l’ergonome ont apporté leur caution pour obtenir les financements. La formation est prise en charge par le Fongecif, mais l’Agefiph a participé à l’hébergement. L’entreprise participe elle aussi : les aides de l’Agefiph concernent les dépenses liées à la compensation du handicap. Tout ce qui relève de l’investissement reste à la charge de l’entreprise.
Sources : Agefiph

Article paru en partie dans le journal de la FNATH, "A part entière" (Janvier 2011). Pour en savoir plus : www.fnath.org


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5 réactions à cet article    


  • Biaise Biaise 6 janvier 2011 10:33

    C’est surréaliste ! Voilà qui est bien loin des patrons si nombreux à prendre leurs employés pour des kleenex !

    Toutes mes félicitations à ces hommes inventifs et courageux. Un exemple à suivre !


    • spartacus1 spartacus1 6 janvier 2011 10:50

      Je n’ai pas pour habitude de décerner des lauriers au patronat.

      Mais je dois que Vincent Blanchard s’est comporté de façon remarquable dans le contexte socio-économique actuel. Ce comportement, exceptionnel, devrait en fait être le comportement naturel.

      Peut-être est-ce dû au fait qu’il s’agit d’une petite entreprise dans le secteur du bâtiment. Là où le patron, en général lui-même ouvrier, travaille souvent au milieu de ses employés et sait ce que travailler veut dire.

      Ce dernier paragraphe, parce que je connais aussi une petite entreprise de maçonnerie qui emploie un maçon souffrant d’une dépression assez sévère, excellent maçon au demeurant. Un jour, alors que l’employé remettait le énième certificat médical d’incapacité de travail, son patron lui dit :
      « Écoutes, tu m’emmerdes avec tes papiers, maintenant, si tu te sens bien, tu viens travailler, autrement tu ne viens pas, tu recevras ta paie que tu viennes ou pas. Je préfère que tu préviennes si tu ne viens pas, tu peux aussi partir en cours de journée mais, évidemment, je préfère que tu sois là ».
      Je ne sais pas comment le patron s’arrange administrativement, l’entreprise, quoique petite est assez prospère, mais en tout cas, il y a une chose sûr, c’est que le maçon malade se porte maintenant un peu mieux* et, partant, a moins d’absences au boulot.

      * Peut-être a-t-il senti qu’il avait une certaine valeur pour quelqu’un et que ce quelqu’un lui faisait confiance.


      • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 6 janvier 2011 12:25
        Juste une remarque sémantique :

        INSERTION 

        REINSERTION

        Quels mots horribles appliqués à l’humain ! 

        On insère une pièce d’engrenage dans une mécanique, on n’insère pas un être humain. 



        • camélia camélia 6 janvier 2011 13:05

          Quand on se mobilise ainsi je ne peux dire que bravo !


          • verdan 6 janvier 2011 15:06

            Bonjour Tutti

            je venais de finir de lire un article paru hier (sur ago : loppsi 2 ) ; je cherchais des yeux un flingue dans le bureau où je bosse( naturellement il n’y en a pas )...après cet article , j’ai ouvert la porte, ai pris un bol d’air...j’essayais de mettre un visage à ce nom : Vincent ; je n’ai pas réussi , mais ca m’a fait un bien fou.

            Quand l’être humain se montre ainsi, combien je me sens léger et bien.

            merci pour l’article

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