Libérons l’histoire de France !
La polémique continue d’enfler sur l’article d’une loi du 23.2.2005 qui stipule que "les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".
Confronté à un débat qui tourne au grotesque, écoutons les 19 historiens qui, dans leur texte " Liberté pour l’histoire ! ", demandent l’abrogation de cet article de loi, mais aussi d’articles des lois du 13.7.1990 (réprimant tout acte raciste, antisémite ou xénophobe), du 29.1.2001 (reconnaissant le génocide arménien de 1915) et du 21.5. 2001 (reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité).
Voici ce texte :
" Émus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l’appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :
" L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
" L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique.
" L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.
" L’histoire n’est pas la mémoire. L’historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit pas.
" L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire.
" C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives, notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005, ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.
" Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique. "
Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock.
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