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Accueil du site > Actualités > Société > L’affaire Pascal Clément : rétroactivité versus récidive

L’affaire Pascal Clément : rétroactivité versus récidive

Lisant et relisant le point de vue "Quand la loi devient l’instrument d’une émotion" du professeur Bertrand Mathieu (Paris-Sorbonne) dans le Monde (daté 30/09), je remarque qu’il ne mentionne pas, relativement à la non rétroactivité, l’exception du crime contre l’humanité (lui aussi, d’ailleurs, l’instrument d’une émotion). Sauf erreur de ma part, il y a pourtant là une double exercice de la non rétroactivité, d’abord pour la répression, et ensuite pour l’imprescribilité. Par ailleurs, c’est seulement la loi pénale plus sévère qui n’est pas d’application rétroactive. Dans le cas d’une loi pénale plus douce, il y a bien rétroactivité (art. 112-2 du Code pénal), et ceci au seul au bénéfice du délinquant ... ; il n’est pas évident que cela soit bien conforme à l’art. 8 de la DDHC (mais le Code pénal n’a jamais été soumis au Conseil constitutionnel).

 

On aura noté que le procès de Maurice Papon, pour complicité de crime contre l’humanité, n’a finalement abouti qu’à une peine ordinaire, de l’ordre de celle appliquée aux violeurs.

Or la considération de la nature sexiste du crime de viol pourrait conduire, dans la mesure où l’égalité entre hommes et femmes a désormais valeur constitutionnelle, à envisager de le considérer comme un crime contre l’humanité (art. 212-1 à 212-3 du Code pénal) et à lui accorder aussi, en conséquence, le privilège de la rétroactivité de la loi pénale plus sévère, sinon celui de l’imprescribilité. Mais il y a évidemment un risque, celui de banaliser ce crime, jusqu’ici réservé à des crimes tout à fait spécifiques, selon la définition qu’en donnait la Cour de cassation le 20 décembre 1985 : "Actes inhumains et persécutions qui, au nom d’un Etat pratiquant une politique d’hégémonie idéologique, ont été commis de façon systématique non seulement contre des personnes en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, mais aussi contre les adversaires de cette politique quelle que soit la forme de cette opposition". Toutefois le Code pénal distingue désormais les divers crimes contre l’humanité du crime majeur de génocide (art. 211-1).

Le contrôle de constitutionnalité des lois et des réglements parlementaires, institué par la Constitution de 1958, est devenu un élément fondamental et positif de notre Etat de droit moderne. Que le ministre de la Justice propose de passer négligemment à côté, plutôt que de proposer une modification de la Constitution de 1958, est fort choquant, et à mon avis ce monsieur Pascal Clément devrait être poussé à une démission rapide. Les normes politiques ne doivent ni squatter la place des normes juridiques, ni les surplomber.

Ceci n’exclut pas de rechercher une meilleure protection du droit fondamental à la sûreté (art. 2 de la DDHC) et donc de ne pas faire du principe de non-rétroactivité (art. 8 de la DDHC) un absolu. Les principes doivent être conciliés. D’autant plus que les mesures complémentaires

qui pourraient être adoptées ne sont pas des peines à proprement parler (il n’y a donc pas lieu de parler de "double peine"), mais des dispositions préventives visant tout autant à protéger les futures victimes qu’à protéger le délinquant d’une récidive qui lui serait fortement préjudiciable. Leur inconstitutionnalité n’est donc pas évidente ; raison de plus pour solliciter rapidement l’avis de la haute juridiction de la rue Montpensier.


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1 réactions à cet article    


  • Senatus populusque (Courouve) Courouve 4 mai 2007 19:05

    La repression de la délinquance des multi-récidivistes sera au programme du nouveau président de la République.

    Il sera intéressant de voir si le nouveau président ose mettre en cause le principe de la non-rétroactivité de la seule loi pénale plus sévère ; la loi pénale plus douce étant rétroactive, pour le plus grand bénéfice des délinquants et criminels.

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