La santé sera-t-elle au coeur de la campagne présidentielle ?
L’hôpital, et plus généralement la santé, seront-ils au cœur de
la campagne présidentielle de 2007 ? Les hôpitaux se plaignent de leur
budget, les chirurgiens annoncent une journée sans bloc opératoire...
Nul doute, au vu des derniers événements - CPE, les banlieues en feu - qu’en cette année pré-électorale, les problématiques de société comme l’emploi, la sécurité, vont amener les candidats à l’élection présidentielle à se prononcer de plus en plus précisément sur leurs intentions politiques. Nul doute que si elle confirme sa candidature, Ségolène Royal ne pourra se contenter d’un vague « probablement oui ». Nul doute que Nicolas Sarkozy tentera d’enrober son discours politique de phrases ambitieuses. Mais ils le savent tous deux, les citoyens attendent autre chose, et surtout des choses concrètes. Alors, le blog-citoyen, tout modestement, pose la question : quel est le projet de nos chers candidats en matière de santé ?
Qu’en sera-t-il, en effet, dans le domaine de la santé ? A ce jour, les femmes et les hommes politiques, tout comme les médias d’ailleurs, restent relativement discrets en la matière, et ceci quel que soit leur bord politique. Mais derrière le bruit de fond de la tourmente du CPE, les professionnels de santé, eux, s’inquiètent. Il faut dire que le contexte de la santé est particulièrement préoccupant. Ainsi, en pleine crise du CPE, un seul ministre semblait se réjouir. Il s’agissait de Monsieur Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités (cf. article paru dans le journal Le Monde le 22 mars). Mais de quoi, au fait, se réjouissait-il ? Du déficit des comptes de l’assurance maladie, au prétexte que ce déficit avait été contenu à 8 milliards d’euros au lieu des 8,3 milliards prévus !
Il faut dire qu’en arrivant à ce poste, M. Bertrand avait de quoi faire des cauchemars. Entre 2000 et 2004, les dépenses de l’assurance maladie avaient augmenté de 27% passant de 83,7 milliards à 106,3 milliards ! Résultat ? En 2004, le déficit était de 11,6 milliards. On peut donc se féliciter tout comme Xavier Bertrand, le déficit diminue effectivement. Pour l’année 2006, le gouvernement table sur un déficit de 6,1 milliards. Mais attention, cette présentation de chiffres - dont le montant pharaonique nous fait perdre le sens de la mesure - est trompeuse, car si le déficit diminue, nos responsables politiques évitent d’insister sur une réalité incontournable : les déficits se cumulent, à la charge des générations futures qui devront un jour ou l’autre rembourser l’addition !
C’est dans ce contexte amer que la problématique de l’application de la réforme de l’assurance maladie, à la veille de l’élection présidentielle de 2007, va prendre dans les semaines et les mois à venir une dimension toute particulière. Les uns, les responsables politiques, et les autres, les professionnels de santé, vont devoir se prêter à un jeu très subtil. Les uns, du moins les responsables politiques au pouvoir, ne peuvent ignorer la situation de l’assurance maladie (d’ailleurs, l’année 2006 est une année riche en mutations, en changements, en application de réformes) et devront donc réussir le tour de force consistant à appliquer une réforme qui semble indispensable tout en préservant leur électorat.
Les autres, les professionnels de santé, auront quant à eux une position plus simple à adopter, consistant à démontrer - et l’opinion risque fort d’être partie prenante dans ce débat - que cette réforme est inique et que ses conséquences sont déjà -et seront- néfastes pour le système de santé français, tout en veillant à occulter l’impossible équation : comment fait-on pour financer ? Et surtout en veillant à défendre leurs intérêts.
Et la fièvre commence à gagner les professionnels de la santé. Ainsi, la Fédération hospitalière de France (réunissant plus de plus de 1000 hôpitaux publics et autant de maisons de retraite...) dénonce, d’une part « l’incroyable opacité qui règne sur les modalités de financement des hôpitaux » en ce début d’année 2006, du fait de la réforme de la tarification à l’activité, mais surtout, d’autre part « la seule chose qui soit certaine » c’est-à-dire « la situation budgétaire des hôpitaux... sans aucun doute la pire de leur longue histoire, avec un sous-financement global de plus de 1 milliard d’euros en 2006, ce qui représente l’équivalent de la suppression de 23 000 emplois dans les hôpitaux publics ! » Il faut préciser que l’ensemble des hôpitaux de France est astreint depuis ce début à réaliser des économies sur leur budget de fonctionnement en raison de « l’application brutale d’un plan de réduction des moyens sans précédent », et cela dans le plus grand silence médiatique.
Et tous les établissements sont concernés. Dans le même temps, les autorités affichent une hypocrisie certaine, puisqu’il est même demandé aux gestionnaires de ne pas faire délibérer les instances sur le plan d’économie, pourtant annoncé, tant que la totalité des budgets ne seront pas alloués. Lorsqu’on sait que les établissements recevaient au milieu du mois de décembre 2005 des crédits de fonctionnement correspondant à l’année 2005 ! On comprend que cette proposition des autorités consiste à faire reporter l’échéance fatale le tardivement possible.
De leur côté, les chirurgiens des cliniques privées vont prochainement lancer une campagne d’affichage afin de sensibiliser le grand public à la crise subie par leur discipline. Cette campagne, qui débutera à Paris et Marseille avant de s’étendre, à partir du 24 avril, aux villes de Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Strasbourg et Toulouse, est unique en son genre. Les chirurgiens français souhaitent par ce biais informer la population de la grave crise qui se profile dans les dix ans à venir ; en effet, d’ici là, 50% des chirurgiens prendront leur retraite et ne seront pas remplacés, selon l’Union des chirurgiens de France (cf. UCDF). Tout a commencé alors que le mouvement contre le CPE battait encore le pavé parisien, le 10 avril dernier, lorsqu’une cinquantaine de chirurgiens se sont retrouvés devant le ministère de la santé à manifester. La raison ? La volonté du ministère d’intégrer dans le financement global des cliniques le coût des dispositifs médicaux implantables, traduisant pour l’UCDF le désengagement de l’assurance maladie dans le financement de la chirurgie.
Il faut dire que la profession de chirurgien ne dispose plus de l’aura dont elle bénéficiait, les étudiants en médecine auraient même plutôt tendance à fuir cette spécialisation longue et incertaine, à tel point que l’UCDF se demande qui nous opérera dans dix ans. La raison de cette situation ? Toujours selon l’UCDF, la poursuite sans fin de l’augmentation du montant des primes d’assurance de responsabilité civile, qui trouve sa cause dans le développement des actions en justice que subissent désormais la plupart des médecins dans l’accomplissement de leurs actes, et parmi lesquels les chirurgiens sont bien placés. Pour manifester leur mécontement, les chirurgiens ont prévu une journée "France sans bloc opératoire", laquelle aura lieu le 24 juillet prochain, et dont les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens veulent faire le point d’orgue de leur revendication, notamment en saisissant la population par le biais d’affiches.
Au travers de ces deux situations, dont les difficultés trouvent leur origine à la même cause, la problématique de la réforme de l’assurance maladie et la nécessaire maîtrise des dépenses, se profile un débat plus sournois, celui du rapport public/privé. Or le domaine de la chirurgie est le domaine dans lequel les grands groupes financiers ont le plus investi, au travers de cliniques privées, certes très actives et parfois très chères, alors que dans le même temps, l’hôpital public est en charge d’une contrainte forte : l’accueil de tous, sans discontinuité, et surtout sans différence liée au niveau de revenus de la personne à soigner.
Cette situation est à lier d’une part à mon article sur le rapport Vallancien, qui vise clairement à prôner le fermeture des plus petits services de chirurgie de France au motif que leurs conditions de fonctionnement mettent en jeu la sécurité du patient, ce que l’on peut comprendre lorsqu’on est patient, et d’autre part, au projet de l’assureur AGF, qui veut créer une « Sécu de luxe » au sujet de laquelle l’Ordre des médecins s’interroge fortement.
Nul doute, donc, que ces problématiques seront au cœur des préoccupations des uns, les hommes politiques, et des autres, les professionnels de santé, pendant la campagne présidentielle. La chose à demander, c’est que les uns et les autres n’oublient pas que le patient se trouve au milieu, et que ce patient est un citoyen qui souhaiterait savoir ce qui s’annonce. Et n’oubliez pas, ne cherchez pas à vous faire opérer le 24 juillet prochain !
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