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Laïcité, le Concordat en ligne de mire

Décidément, la France est encore loin d’en finir avec le débat sur la laïcité. Il ne reste pourtant plus grand-chose dans ce débat en ce qui concerne le culte musulman et la pratique de l’islam en France. Le législateur a adopté une série de textes obligeant les musulmans pratiquants à se conformer aux lois et aux valeurs de la République. La dernière en date, et qui a tellement fait couler d’encre, est la loi du 11 octobre 2010 interdisant le port du voile intégral, entrée en application le 11 avril 2011.

On peut ainsi estimer que le candidat Hollande ne pensait pas à l’islam lorsque, le 22 janvier 2012 au Bourget, il a promis d’inscrire dans la Constitution la loi de 1905 consacrant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Au nom de la laïcité.

Les débats qui devraient précéder l’adoption de cette loi s’annoncent délicats, parce qu’il devrait se concentrer sur ce qui apparaît comme étant la dernière poche de résistance à la pleine application du principe de laïcité, à savoir l’Alsace-Moselle. Puisqu’il ne reste plus assez de matière à traiter sur l’islam, on devra rapidement passer à l’étape suivante : le Concordat.

Le Concordat est un ensemble de règles qui, pour des raisons historiques et de spécificité locale, organisent un régime particulier qui ne s’applique que dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin (Alsace) et de la Moselle (Lorraine). Pour des raisons pratiques, d’ordre juridique et historique, on parle d’Alsace-Moselle. Le Concordat se traduit concrètement par des règles dérogeant au principe de la laïcité, pourtant consacré par la Constitution (article 1er)[1]. Il donne lieu à des débats récurrents, mais qui n’aboutissent presque jamais à l’adoption de textes remettant en cause l’exception concordataire des trois départements. Cette fois-ci, les choses pourraient bouger.

Un groupe de 19 associations nationales laïques et d’une dizaine d’associations d’Alsace et de Moselle, dont des loges maçonniques, a adressé une lettre de 5 pages aux parlementaires leur demandant de ne pas constitutionaliser le Concordat.

Pour un grand nombre des Français qui découvrent la traduction dans les actes du Concordat, il s’agit parfois de véritables aberrations.

Ainsi, par exemple, la France, pays laïc par excellence, avec une population aux 2/3 athée ou agonistique[2], s’acquitte néanmoins de ce qui s’assimile à un impôt de religion. Elle consacre un budget d’environ 60 millions d’euros au paiement des salaires et des pensions des ministres des quatre cultes reconnus par le Concordat (catholique, luthérien, réformé et israélite). La religion est par ailleurs obligatoirement[3] enseignée à l’école primaire et au collège. Et en matière de liberté d’expression, il existe toujours un délit de blasphème en Alsace-Moselle[4], alors que le droit pénal français ne le prévoit pas. Mais il y a plus aberrant.

En application du Concordat, le Président de la République française nomme des évêques catholiques. Les évêques de Metz et Strasbourg. C’est le dernier Chef d’Etat au monde à nommer des évêques.

On croit rêver.

Bien entendu, cette nomination n’est pas d’ordre spirituel. C'est simplement une survivance juridique datant de 1801, année de signature et de ratification du Concordat entre le Saint-Siège et la France, sous Napoléon Bonaparte.

Tout ceci a pu fonctionner dans une certaine indifférence/tolérance générale jusqu’à ce que l’islam devienne un fait religieux majeur en France et en Alsace-Moselle. Depuis, la question qui se pose, et continuera de se poser est de savoir s’il faut ajouter l’islam sur la liste des cultes bénéficiant du régime concordataire ou si l’heure n’est pas venue d’abroger ce régime, ce qui remettrait tous les cultes sur un même pied d’égalité et consacrerait pour de bon la séparation effective des églises et de l’Etat.

On aura remporté la dernière bataille de la laïcité et de l’unicité de la République.

La France en est toutefois encore loin ! C’est ce que rappelle la proposition de loi déposée en 2006 par l’ancien député de la Moselle, François Grosdidier (aujourd’hui sénateur). Elle préconisait la modification de la loi de 1905 pour que l’islam puisse bénéficier du traitement identique à celui des quatre autres cultes. Il pourrait, à ce titre, bénéficier d’un financement public pour entretenir et construire ses lieux de culte, au lieu de se faire financer par des fonds en provenance de l’étranger. Cette proposition s’inscrivait dans la perspective d’un « islam de France » préférable à l’ « islam en France. » Inutile de décrire la virulence des réactions que l’adoption d’une telle loi risquait de provoquer dans le pays. 

Finalement, il reste la proposition des associations laïques qui semble s’inscrire dans le sens de l’évolution de nos sociétés. Elles préconisent de sortir progressivement du régime concordataire en veillant, naturellement, à ce que les bénéficiaires actuels (prêtres, rabbins, pasteurs) ne soient pas lésés dans leurs droits acquis, et en s’assurant que la référence au Concordat ne soit plus évoquée dans les contrats à venir.

L’erreur pour le législateur serait de constitutionnaliser la loi de 1905 en intégrant le régime concordataire. C’est-à-dire une règle de portée générale et son contraire. Le Concordat, reconnu par la loi de 1924 comme un régime « provisoire », deviendrait définitif. Les religions et cultes non concordataires, dont l’islam, seraient en situation de poursuivre l’Etat français devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour traitement inégalitaire.

La question de l’application des règles tirées du régime concordataire, dès lors intégrées dans le corpus des normes de valeur constitutionnelle, sur l’ensemble du territoire national, se poserait également. Le caractère laïc de la République française deviendrait relatif et risquerait de donner lieu à un important contentieux et à d’interminables polémiques.

Enfin, le législateur pourrait toujours intégrer dans la Constitution la loi de 1905 en rappelant que la nouvelle disposition ne s’applique pas en Alsace-Moselle. On aurait raté, une nouvelle fois, l’occasion de consacrer définitivement le caractère « indivisible » de la République qui manque en effectivité, dès lors que prévaut un régime dérogatoire dans trois entités territoriales[5] de la France.

 Boniface MUSAVULI


[1] Art. 1er. La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

[2] Le Monde des religions, septembre-octobre 2011

[3] Sauf dérogation demandée par les parents

[4] Article 266 du code local d’Alsace-Moselle

[5] L’article se limite au débat sur le Concordat d’Alsace-Moselle. Ce n’est pas le seul territoire français où s’applique un régime dérogatoire. La Nouvelle-Calédonie et la Corse sont, elles aussi, dans certains domaines, régies par des normes dérogeant au droit commun. 


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19 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 1er août 2012 14:55

    « [3] Sauf dérogation demandée par les parents »

    donc pas obligatoire


    • Rounga Roungalashinga 1er août 2012 15:26

      La religion est par ailleurs obligatoirement[3] enseignée à l’école primaire et au collège.

      Que dites-vous là ?


      • tannhauser72 1er août 2012 20:07

        Le plus intelligent serait de ne rien toucher, car apporter la moindre modification à cet état de chose risque d’ouvrir la Boîte de Pandore, et cette entreprise risquerait fort de s’enliser. IL y a des choses bien plus urgentes.
        Mais il est vrai que Hollande serait bien capable de commettre une telle sottise, les seules choses que font les socialistes sont des mesures idéologiques de démolition. Rien de constructif et de réellement efficace.
        Les intégristes laïcards devraient penser à autre chose que l’Alsace et Moselle....


        • MUSAVULI MUSAVULI 1er août 2012 21:04

          Gouverner, c’est prévoir. Ne toucher à rien revient à s’exposer à un avenir incertain. D’autant plus que, semble-t-il (à vérifier) la fréquentation des nouveaux cultes (islam, évangélistes, pentecôtistes...) progresse alors que celle des cultes concordataires (catholique) régresse. Le risque est de se retrouver un jour devant une situation ubuesque où des cultes devenus minoritaires continueraient à bénéficier d’un régime favorable alors que les « nouveaux croyants », plus nombreux, seraient là à se plaindre jour après jour d’une injustice qu’ils croient subir. Et le conflit est vite arrivé... Alors, rappellons-le une fois de plus : gouverner, c’est prévoir !


        • CN46400 CN46400 2 août 2012 09:00

          Dans le même ordre d’idées, pourquoi l’Etat, qui en est le propriétaire, n’affecterait pas les lieux de culte désaffectés (eglises catho en général) aux religions qui en sont dépourvue (musulman etc...)


        • MUSAVULI MUSAVULI 2 août 2012 11:28

          Vaste programme, cher  CN46400.


        • tannhauser72 2 août 2012 12:17

          Voilà une idée stupide, mais on peut imaginer, avec le ramassis de sots qui constituent le gouvernement, qu’elle peut être mise en application.
          IL conviendrait alors de protéger les églises en y mettant ce qu’il faut pour que les mahométans n’en veulent pas...


        • epicure 1er août 2012 20:45

          La logique, surtout pour un président socialiste, ce serait d’appliquer l’article 1 de la constitution ( république une et indivisible ) et la loi de 1905, et donc abroger le concordat.
          Ce concordat est un résidu historique qui aurait dû être abrogé en 1946 quand une nouvelle constitution a été proclamée pour la france, puisque l’alsace et la lorraine faisaient partie de la france (le seul argument expliquant le concordat en alsace lorraine après leur réintégration en 18).
          Son maintient va à l’encontre de tous les textes qui régissent la république française : la constitution, et les droits de l’homme.


          • tannhauser72 1er août 2012 20:59

            Pourquoi donc « pour un président socialiste » ?


          • epicure 3 août 2012 02:12

            Parce que c’est l’application des idées socialistes au contraire de vouloir inscrire le concordat.
            La loi de 1905 est un des piliers de la gauche, et inscrire une règle qui violerait cette loi serait une trahison des idées de gauche, que le PS prétend représenter


          • bruenor bruenor 1er août 2012 21:09

            Il serait temps d’étendre la loi de 1905 en Alsace Moselle mais toutefois le danger d’une constitutionalisation du concordat n’est pas à écarter car ce serait dans la logique des traités européens (Article 16 de la constitution européenne si mes souvenirs sont bons.)


            • Laury 1er août 2012 22:46

              Mais foutez donc la paix a l’Alsace-Moselle bande de jaloux !!!


              • titi titi 2 août 2012 11:02

                C’est trop drole.

                On a une loi, qui n’est pas appliquée, car politiquement inapplicable.
                Donc une loi qui ne sert à rien.

                Mais on va la faire inscrire dans la constitution... c’est ridicule.

                On est dans du marketing.


                • Eric Lombard Eric Lombard 2 août 2012 11:29

                  @ l’auteur


                  Où est cette lettre de 5 pages adressée par 19 associations ? Le lien ne fonctionne pas ...

                  • MUSAVULI MUSAVULI 2 août 2012 11:58

                    Je vous propose de créer une boîte mail, juste pour l’occasion. Je vous la dépose dans votre boîte mail..


                  • Yvance77 2 août 2012 12:11

                    Salut,

                    « Décidément, la France est encore loin d’en finir avec le débat sur la laïcité. »

                    Quand l’auteur écrit cela (au-dessus) je crois qu’il se trompe. Car la France en a fini avec ce débat en 1905. Cela faisait suite à ce que Napoléon entreprit en son temps en mettant au pas la communauté juive et ses revendications.

                    Ce qu’il y a désormais c’est bien une tentative par des petits cons et des petites connes voilées de mettre à mal cela. Et là, on en est au stade de la provocation. Si cela passe ils (les musulmans) s’engouffreront dans cette brèche pour des revendications multiples et variées.

                    Il faut tout de suite mettre le OLA, car pour le moment toute la communauté musulmane n’est pas concernée, mais demain je ne mettrais pas ma main au feu !


                    • Veniza Veniza 2 août 2012 13:21

                      Moi en tant qu’Alsacienne je ne veux pas qu’on touche au Concordat, c’est un héritage historique ! Qu’on ne change surtout rien avant une profonde réflexion sur le tout.
                      Que nos curés ne travaillent pas par contre je trouve ça injuste, ils sont ainsi loin des préoccupations des gens. Que la religion soit enseignée aux enfants je n’y vois pas d’inconvénient c’est de la culture générale.
                      Si je me souviens bien mon fils n’étant pas baptisé on a demandé en début d’année à l’école publique si j’acceptais qu’il assiste aux cours de religion j ’avais dit OK.
                      Dans l’école privée de mon plus jeune (également pas baptisé) il y a des musulmans et autres religions et tout le monde doit assister aux cours de religion mais ils ont élargi le sujet et c’est plutôt quelque chose de spirituel que de strictement religieux.
                      Je suis contre le fait qu’on oblige les jeunes mais comme j’ai dit plus haut c’est de l’instruction générale. Les enfants ne sont d’ailleurs pas dupes, mon plus jeune m’expliquait l’autre jour que l’histoire de Noé qui sauve tous les animaux dans son arche c’est vraiment pas possible, les lions ont sans doute mangé tous les autres...


                      • Yvance77 2 août 2012 13:44

                        " Dans l’école privée de mon plus jeune (également pas baptisé) il y a des musulmans et autres religions et tout le monde doit assister aux cours de religion "

                        quand je lis cela, c’est le feu que j’ai envie de mettre à l’établissement scolaire. Non nos têtes blondes (et les autres) de DOIVENT pas assister de manière obligatoire. Il faut finir avec cela, c’est un recul en arrière.

                        Ce n’est pas de la culture générale, c’est limite du prosélytisme. Il y a des sujets bien plus sérieux ou la connaissance doit se porter. La religion n’est qu’une forfaiture qui empêchera presque toujours de penser par soi.


                      • franc 2 août 2012 15:36

                        Tout cela parce qu’on a pas le courage de dire que l’islam tel qu’il est ,l’islam coraniste omarien est incompatible avec les valeurs de la République et que cet islam coraniste idolâtre et fanatique est pas une religion mais une secte , idem pour le néoprotestantisme mais pas pour l’Eglise Réformée, ce qui du coup les prive de toute revendication avec un concordat ou pas .

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