Le Dalaï Lama a 70 ans et s’expose à Paris

Tenzin Gyatso, 14ème Dalaï Lama, fête son 70ème anniversaire. Réfugié à Dharamsala, au nord de l’Inde, depuis l’invasion du Tibet par la Chine en 1959, ce chef spirituel et temporel du Tibet lutte pacifiquement pour la reconnaissance de la culture tibétaine et le respect des coutumes par les Han éradicateurs au nom du maoïsme, cette dictature pour créer un homme « nouveau ». Le Dalaï Lama incarne traditionnellement le Bouddha de la Compassion. Mais les Chinois n’en ont cure : pour eux, marxistes nationalistes, il n’existe « qu’une seule Chine » et la reconnaissance juridique d’un tel état de fait, légitimé par la force en 1959 alors que les traditions historiques sont plus floues, doit être le préalable obligatoire à toute négociation. La terre d’abord, l’esprit ensuite. Pour cela, le Dalaï Lama est incité à séparer l’église et l’Etat, à s’occuper de la Voie et de l’au-delà, et à laisser les choses terrestres à des représentants qui feraient allégeance au pouvoir de Pékin. L’autonomie culturelle serait alors possible, le social-nationalisme han reconnaissant aux minorités le droit d’exister. L’Occident ne l’entend pas de cette oreille, malgré la logique juridique à l’occidentale des Chinois, mais ne prend aucune mesure qui pourrait faire de son opposition une hypothèse diplomatique à retenir. Il ne faut pas fâcher les géants, et l’intérêt commercial prime toujours devant le droit ou la morale. Le Tibet n’a pas de pétrole dans son sol, seulement quelques idées sur l’humanité et la connaissance de soi, ce qui n’est pas coté dans les bourses du monde.

Le Village Royal est un passage qui s’ouvre au 25 rue Royale, au pied de l’église de la Madeleine à Paris. Vous ne le trouverez pas sur les plans datant de quelques années car il résulte d’une rénovation réussie de l’urbanisme du quartier.

Cette ruelle piétonne ouvre l’ilot sur le soleil et sur le calme, rassemblant dans ce quartier de luxe des boutiques de luxe (Chanel, de Haviland), des cafés branchés, des boutiques de mode, des immeubles d’habitation à loyers immodérés. Au centre, des panneaux de verre contiennent des photos et des textes. A l’occasion de la publication de deux ouvrages aux Presses de la Renaissance, François Guénet et Matthieu Ricard exposent leurs vues du Tibet ; elles sont accompagnées de textes du Dalaï Lama. Deux livres paraîtront à l’automne pour fêter l’anniversaire du grand homme, symbole d’un peuple : « 365 méditations quotidiennes du Dalaï Lama » et l’ « Agenda 2006 Dalaï Lama ».

Paysages du toit du monde, temples refaits après les saccages, cérémonies hautes en couleurs où les costumes comptent autant que les gestes, moines rieurs ou sérieux mais toujours préoccupés de la voie droite, tout cela est exposé aux regards consommateurs des passants. Et c’est là que joue l’alchimie de l’exemple. Tout est spectacle mais tout aussi est vie intérieure - au Tibet. Surgit alors aux lèvres la question inévitable : « et ici ? » Les textes et méditations du Dalaï Lama qui accompagnent les photos illustrent le recul du regard, la sagesse de l’âme et le message de cette culture particulière au monde. Quel est le nôtre ? Sous la vitalité des corps élevés dans l’air raréfié perce la force de l’esprit ouvert sur les énergies. Quelle est notre force, à nous, occidentaux ?

C’est cela qui frappe le visiteur de hasard, qui va et vient comme il le veut autour de ces panneaux libres d’accès en plein air. Comment vivre sa foi. Comment cette foi résulte d’une introspection très ancienne sur les forces profondes de l’esprit en l’homme. Comment ces forces évacuent l’idée d’un Dieu extérieur et créateur. Comment cette hypothèse n’aboutit pas au désespoir mais, à l’inverse, au goût de vivre le plus vif. Comment l’existence est une discipline pour se connaître. Et la boucle est bouclée dans ce cycle sans fin que chaque existence recommence. Rien n’est acquis jamais car l’être humain ne naît pas tout armé d’instincts qu’il lui suffirait de suivre, comme une bête. Il peut réfléchir, il est éducable, longuement, sa formation ne s’achève qu’avec sa vie. Il lui suffit de garder de la curiosité, de délaisser un peu l’estomac pour le cerveau, la consommation matérielle pour l’intelligence des choses.

Les rues animées des affaires et de la diplomatie sont à deux pas, le monument catholique à la gloire de Dieu dresse sa masse juste en face, les grands musées de Paris offrent leur culture canalisée et organisée sur les bords de la Seine, tout près. Mais là, dans ce havre créé entre les immeubles riches, vous pourrez aspirer un peu d’air des hautes cimes. Vous pourrez dire que tout le luxe n’habille pas la pauvreté d’une âme. Que seule une tradition millénaire assure la paix intérieure. Que toute la culture ne vaut rien si elle reste enfermée en musées, en églises ou en boutiques, mais qu’elle doit vivre et irriguer les mentalités pour véritablement exister. Qu’alors elle rayonne comme jamais, même niée par l’idéologie, même contrainte par la force, même occupée par les colonisateurs.

Passez donc ce passage, vous qui le pouvez. Il n’a l’air de rien mais ouvre sur une autre perspective.

Du 6 juillet au 29 octobre, exposition en accès libre aux heures d’ouverture du passage, du lundi au samedi, de 10h à 19h30, Village Royal, 25 rue Royale 75 008 Paris.