Une victoire par KO et un coup de poker
Elle est loin l’élection européenne de 2019, quand la liste de Bardella avait devancé de moins d’un point celle de la peu fringante Nathalie Loiseau, 23,4% contre 22,4%. En 2022, Macron avait pu aspirer les voix du PS et de LR. Mais deux ans de plus ont encore réduit l’attrait du camp présidentiel et renforcé son opposition. Et avec la dissolution décidée par Macron, le RN semble aux portes du pouvoir.
Vers Marine Le Pen à Matignon ?
Bien sûr, c’était annoncé par les sondages depuis des mois. Déjà, la victoire sur le fil de Bardella en 2019 avait été un choc, un peu amoindri par le fait que les sondages annonçaient un écart plus important. Mais aujourd’hui, ce n’est plus un point qui sépare les deux listes, mais un gouffre colossal, dont l’ampleur est à peine amoindrie par son caractère annoncé. Et, pour qui prend du recul, les mouvements du corps électoral français en deviennent phénoménaux. En 2022, au premier tour, Macron avait approché 28% des suffrages exprimés, et Marine Le Pen dépassé 23%. Par rapport à cette élection, le camp macroniste perd près de la moitié de son soutien et le RN progresse de plus de 8 points ! Pire, il faut rappeler qu’avec une participation de 52%, les quelques 14% de sa liste représente à peine plus de 7% des inscrits. La macronie se réduit au cercle de ses fidèles, et ils sont de moins en moins nombreux.
Le RN franchit un vrai cap aujourd’hui. Le parti de Marine Le Pen franchit le cap des 30%, un niveau plus atteint depuis extrêmement longtemps par une liste nationale ou une personne aux élections présidentielles !, En effet, il faut remonter au premier tour des élections présidentielles 1988 pour retrouver un score plus élevé… Autant dire que la dynamique en faveur du RN est extrêmement puissante. On peut y voir trois raisons. La première, clairement, est la volonté d’exprimer le rejet de Macron. Les Français n’en peuvent plus du président et de son exécutif et voter RN est vu comme le meilleur moyen pour signifier une opposition assez radicale au pouvoir en place. La deuxième raison est l’affaiblissement de l’autre grande force d’opposition à Macron, LFI. Mélenchon a réussi à se rendre plus repoussant que le RN et Macron, donnant par ricochet le rôle de principale force d’opposition au Rassemblement National.
Enfin, il faut reconnaître que le travail de normalisation du RN se poursuit et que les équipes qui entourent Marine Le Pen sont de moins en moins repoussantes et de plus en plus professionnelles, d’autant plus que les membres de l’exécutif ne sont ni compétents, ni sympathiques… L’arrivée de Malika Sorel et de l’ancien responsable de Frontex ont été des coups réussis, même si Bardella m’a semblé assez vert dans les débats, manquant assez souvent de répartis. Plus globalement, le RN continue à se tempérer et à éviter les polémiques, semblant suivre le chemin de Jacques Chirac, un temps qualifié de « facho », et devenu rassembleur. En outre, par opposition à un exécutif snob, donneur de leçons et sombrant volontiers dans la xénophobie sociale, le RN semble beaucoup plus proche des Français. Marine Le Pen est allée assez loin sur le fond, défendant la liberté de circulation dans l’UE des européens.
Le pari de la dissolution est assez risqué, même s’il est en partie compréhensible. Le score d’aujourd’hui pouvait achever de démonétiser Macron et hâter les grandes manœuvres pour 2027, sans lui. Il pouvait continuer à gouverner, difficilement, mais sa majorité aurait tôt fait de l’oublier pour rebondir. Là, il lui donne la possibilité de se reconstruire, éventuellement dans l’opposition. Et après tout, les cohabitations n’ont pas trop mal réussi aux présidents d’alors… Après, quelle sera la configuration des législatives ? Les députés macronistes vont au devant d’un désastre majeur. Mais LR n’est pas serein non plus : y aller seul pourrait les voir continuer à reculer. Et la gauche tient une part importante de l’équation dans ses mains. Divisée, elle sera laminée, et le RN verrait la majorité s’offir à lui. Unie, ce qui ne sera pas facile, elle peut peser et laminer une macronie prise entre deux étaux bien plus puissants qu’elle.
Un RN à plus de 30%, pesant plus de deux fois plus qu’un camp présidentiel laminé : c’est le bilan de Macron. Ce dernier a réussi à reprendre l’initiative par la dissolution, mais il pourrait subir une nouvelle défaite cuisante, dans 3 et 4 semaines. A croire que c’est son objectif. Il faut dire que Macron n’est pas très inventif : il pourrait être tenté par une cohabitation pour essayer d’imiter Mitterrand et Chirac.
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