Une révolution discrète au PS
Le vote pour les motions et le départ plus ou moins retentissant de J.-L. Mélenchon du PS peuvent apparaître comme une sempiternelle tambouille politicienne : il semble bien qu’il s’agisse réellement d’un bouleversement profond du paysage politique français.
Une première analyse des résultats de vote des mentions au PS a conduit certains analystes à conclure à une victoire de Ségolène Royal, un échec de Delanoë, plombé par l’occurrence de la crise du système capitaliste quelques semaines après s’être déclaré social-libéral... A y regarder de plus près, le nouvel état des forces en présence dénote d’une mutation profonde du PS, brouillée par les rivalités entre présidentiables potentiels. Que nous indiquent les résultats en effet :
1. Les trois premières motions (Royal, Delanoë, Aubry) totalisent 80 % environ des votes sur des programmes, il faut bien l’avouer, sociaux-démocrates. Ségolène Royal a affirmé en effet son ouverture à une alliance au centre-droit démocrate, Delanoë a reçu les soutiens de l’ancien leader du courant dit de la seconde gauche, à savoir Michel Rocard, ainsi que de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, lequel conduisit en son temps une politique sociale-démocrate typique, ce qui lui fut d’ailleurs reproché. Quant à la motion Aubry, elle a rallié nombre de sociaux-démocrates (en particuliers les amis de Dominique Strauss-Kahn) ainsi que des fabiusiens. Si cette alliance paraît contre-nature, il convient de ne pas oublier que, durant ses ministères, Laurent Fabius fut loin de conduire une politique radicale, et que les positions "à gauche" prises ces dernières années furent plus guidées par la tactique politicienne que par de réelles convictions.
Restent donc 20 % pour la motion Hamon, clairement identifiée "socialisme radicale" et soutenue par les tenants de cette ligne (Emmanueli et Mélenchon en particulier).
2. Le départ de Mélenchon prend clairement acte de cet état de fait, en tentant une prise d’autonomie du courant anticapitaliste du parti, cela au moment où le nouveau parti d’O. Besancenot entend représenter l’organisation principale de lutte contre le système économique en place.
Il semble donc qu’une analyse des votes indique clairement le fait que le PS réalise actuellement sa petite révolution sociale-démocrate - son Bad Godesberg, dirait David Abiker - en douceur, sans se l’avouer.
Il faudra donc s’attendre dans les prochaines semaines à compter avec une gauche recomposée, tel que cela fut le cas en Allemagne avec l’émergence du parti "Die Linke" fondé après le départ d’Oskar Lafontaine du SPD. Qui tiendra ce rôle ? L’avenir le dira. Le NPA de Besancenot occupe déjà le créneau, le PCF, peu audible, tentera probablement de jouer sa carte, sans parler de personnalités comme Clémentine Autain, tenante d’une certaine gauche radicale.
Quant au PS, cette crise peut être une chance pour se définir enfin clairement face aux enjeux sociaux économiques du XXIe siècle, ce qui lui a manqué depuis la fin de l’ère Mitterrand et a conduit aux échecs successifs de L. Jospin et S. Royal aux dernières élections présidentielles. Au moment où la situation économique mondiale a fait apparaître son embarras et son mutisme de façon criante, cette remise à plat peut être pour lui une chance de redevenir audible et cohérent.
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