Si ! Il est possible de réformer de façon intelligente !
A peine un mois après les élections municipales qui furent un avertissement (à tort ou à raison) pour l’UMP et le gouvernement, on entend parler de réductions des dépenses publiques. Enfin, devaient se dire les partisans de Nicolas Sarkozy et les tenants d’une gestion budgétaire plus stricte. Hélas pour eux (et pour les contribuables français), ces réductions risquent d’être entachées par une nouvelle polémique inutile, car le gouvernement refuse de parler officiellement de « plan de rigueur ».
Ou comment une bonne idée a priori va être gâchée par les principes idéologiques du parti au pouvoir et par un manque total de bon sens...
Ils nous l’avaient promis : il n’y aura pas de plan de rigueur après les élections municipales. Pourtant, je ne sais pas comment on peut appeler ces réductions budgétaires, mais cela y ressemble fortement. Mais quelle couardise a pris le gouvernement de ne pas reconnaître officiellement qu’il faut faire entrer le pays dans une certaine rigueur, alors que cela faisait en plus partie des exigences du candidat Sarkozy lors de sa campagne présidentielle ?
En effet, il serait à la fois présomptueux et illusoire d’objecter quoi que ce soit : l’Etat français est très fortement endetté. Attention, je parle du Leviathan institutionnel, puisque les Français (c’est-à-dire les particuliers et les entreprises), quant à eux sont en très bonne santé économique, contrairement aux Américains et aux Anglais qui sont tellement endettés qu’ils ont conduit ces nations à des ralentissements économiques.
Et il serait aussi périlleux de ne pas reconnaître que cet Etat déficitaire est la contribution de trente ou quarante ans de politiques budgétaires plus ou moins hasardeuses, d’une administration mille-feuilles qui entasse les couches et qui finit par déborder et d’une redistribution parfois trop généreuse.
Cependant, je vais énerver les tenants du libéralisme et de la limitation de l’Etat dans la gestion de la France, mais si c’étaient les seules raisons valables, il aurait été sûrement plus facile de régler ces déficits publics. Or, le déficit est aussi si important à cause de nombreuses décisions, plus ou moins récentes, qui ont coûté plus cher à l’Etat qu’elles n’ont rapporté : exonération des charges patronales sur les Smic (20 % des salaires tout de même), baisses d’impôts sur le revenu assez importantes, sans avoir touché au fond du problème ni rééquilibré en conséquences (par la TVA ou autres), une croissance molle et quasi structurelle qui est responsable de la baisse des entrées dans les caisses (puisque les entrées sont souvent proportion de l’activité économique, on l’a vu en 1997-2000 lors de la bonne croissance nationale)... On peut aussi y rajouter une tendance tenace de toujours budgétiser l’Etat avec une croissance haute depuis des décennies, alors qu’il vaudrait mieux se baser sur la fourchette basse des précisions. En effet, imaginez qu’on vous annonce une prime de fin d’année de 20 000 € et que vous basiez votre budget sur cette rentrée d’argent. Si vous ne touchiez finalement que 15 000, vous avez une moins-value de 5 000 qui, si elle a déjà été dépensée, risque d’être difficile à combler.
La croissance n’a pas été si catastrophique que prévue (+1,9 % selon l’Insee), mais c’est quand même 0,3 points de moins que la croissance prévue dans le budget. A hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros, cette différence, minime a priori, risque de faire mal à la gestion des comptes.
Donc, oui, il va falloir, qu’on le veuille ou non, et quelle que soit l’appellation qu’on lui donne, faire du ménage dans les comptes de l’Etat. On ne peut d’ailleurs que féliciter l’Etat d’avoir le courage de s’attaquer à cette chimère nationale. Personne n’ose en effet s’y atteler depuis dix ou quinze ans et, mis à part le gouvernement Jospin (mais pour des raisons autres que celle de l’orthodoxie budgétaire, puisque la croissance forte a permis à l’Etat de combler machinalement certaines lacunes), aucun gouvernement n’a vu le budget s’arranger lors de son mandat.
Or, on devrait se féliciter d’une telle décision (moi le premier), mais encore une fois, l’idéologie, l’absence de bon sens "de base" et parfois (il faut le dire) le manque de compétence des personnes qui s’occupent de ces dossiers, risquent de pénaliser l’équilibre budgétaire. En effet, on annonce des coupes (qu’il faudrait appeler "franches", tellement cela y ressemble) dans des postes du budget auxquels il ne faudrait pas toucher actuellement !
Demandez à n’importe quel Français moyen si l’éducation, la santé, l’emploi, le logement, la justice ou encore la sécurité sont importants à leurs yeux, ils vous répondront à l’immense majorité oui. Et, si vous lui demandez s’il est normal que l’Etat consacre une large part de son budget à ces postes, ils vous répondront probablement oui aussi. Or, si l’éducation et la justice ont déjà subi des réductions drastiques dans des projets de loi adaptés, le gouvernement annonce qu’il devrait (je laisse bien entendu le conditionnel, rien n’ayant été confirmé) tailler dans les postes de la santé, de l’emploi et du logement.
Si la Sécurité sociale est la cible d’attaques répétées des idéologues de l’amaigrissement du poids de l’Etat dans la société, il est juste étonnant de toucher aux sacro-saints postes de l’emploi et du logement, surtout à l’heure où le gouvernement Fillon a décidé d’en faire ses chevaux de bataille. Il y a bien entendu du ménage à faire pour ces postes, je le conçois aisément, mais était-ce vraiment le plus urgent ? La croissance n’est pas forcément folle et le chômage n’est pas encore au plus bas pour se permettre de priver les Français des différentes aides au travail et au logement.
On pourrait parler de postes inutiles et qui coûtent très cher à l’Etat, et qui feraient faire automatiquement des économies. Par exemple, supprimer le Secrétariat d’Etat aux Anciens combattants, après la mort du dernier Poilu de la guerre de 14 aurait été symbolique. Les coûts d’entretien de ce poste ministériel sont plus importants que les soldes reversés aux quelques soldats de la Seconde Guerre et de la guerre d’Algérie (principalement). L’intégrer en tant que service spécial au ministère des Armées aurait probablement fait faire des économies de plusieurs milliards.
Et ne parlons pas de la Banque de France ! Plusieurs milliards d’euros de budget pour une institution inutile, puisque les décisions se font maintenant à la Banque européenne à Francfort ! Profitons des départs en retraite pour supprimer cette institution archaïque, gardons les postes qui peuvent encore servir en les intégrant au ministère de l’Economie et revendons les bâtiments. Les économies arriveront rapidement !
Je ne veux même pas parler du réarrangement administratif de la France, puisque Nicolas Sarkozy a mis son veto sur cette proposition de Jacques Attali. En effet, il est avéré que la France dispose, à l’heure de l’Europe, d’un échelon administratif de trop. Entre la commune, le département et la région (sans parler des communautés de commune), il faudrait raccourcir le chemin de l’un à l’autre, surtout que les compétences se recoupent parfois.
Jacques Attali avait proposé de supprimer le département, mais, suite à l’opposition massive des élus et politiques de droite comme de gauche (qui risqueraient de perdre de nombreux sièges aux Conseils généraux !), le président Sarkozy a annoncé qu’il ne prendrait pas de mesure à ce sujet. Et c’est dommage ! Pour ma part, je pense que ce n’est pas le département qu’il faudrait supprimer, mais la commune !
J’explique mon point de vue : il faudrait donner un véritable statut électif et budgétaire aux communautés d’agglomération et de communes qui "fusionneraient" leurs budgets et éviteraient aussi le doublon de compétences (les villes et les CA disposent toutes deux de capacités d’embauche, souvent pour les mêmes besoins). On supprime les élections sénatoriales et on réforme les élections des conseillers généraux ; ainsi ces nouveaux conseillers généraux siègeraient au Sénat pour parler des problèmes locaux de façon centralisée, comme le font actuellement les députés à l’Assemblée nationale lors des questions gouvernementales, ce qui permettrait aux députés de se consacrer exclusivement au débat et au vote des lois à vocation nationale !
Mais ce n’est qu’une proposition comme une autre ! Il y a sûrement mieux à faire, mais c’est sûrement mieux que le statu quo frileux du président...
Et il existe de nombreux postes plus ou moins dédiés à récompenser tel ou tel ami, comme on donnait un duché ou un royaume aux frères et cousins du roi lors de la monarchie absolue, qui ne servent à rien, et qui, cumulés, pourraient réduire de façon drastique la dette nationale de plusieurs millions, voire milliards d’euros !
Il y a tellement de choses à faire pour réduire les coûts, mais on préfère juste taper dans les budgets sans réfléchir aux conséquences. On a pu constater que les différentes réformes de la santé n’ont pas eu les effets escomptés, entre décisions hasardeuses (notamment le principe du médecin traitant, qui n’est pas efficace si on augmente les honoraires du médecin de façon presque annuelle) et suppression des charges patronales non compensées (il est maintenant de notoriété publique que le montant total annuel des exonérations de Sécurité sociale patronales sont équivalentes au trou annuel de la Sécu).
Et, en plus, une rumeur parle de supprimer la "Prime pour l’emploi". Bon, ce dispositif n’est pas clairement le meilleur système inventé en France, mais il a le mérite, en ces périodes où le pouvoir d’achat est la préoccupation majeure des Français, d’apporter un petit complément aux travailleurs précaires ou faiblement rémunérés. La supprimer risque de pénaliser un peu plus les smicards et les temps partiels, qui ont déjà un mal fou à joindre les deux bouts. Entre-temps, on a fait un cadeau fiscal de 8 milliards d’euros en septembre aux plus aisés de nos concitoyens, mais l’effet est imperceptible en ces périodes de dollar faible (eh bien oui : quand on a les moyens de faire ses courses à New York, on y va !).
Bref, comme je l’ai dit dans le chapeau, les hommes politiques français (de droite comme de gauche d’ailleurs) fonctionnent par pure idéologie et sans apporter le moindre temps de réflexion logique, ce qui risque de pénaliser une fois encore le pays et les Français. On peut être tenant de l’orthodoxie budgétaire et partisan d’une réduction de l’Etat dans le fonctionnement du pays, mais il faut voir les choses en face : un grand pays, même le plus libéral possible, a toujours un grand Etat fort et riche. Aux Etats-Unis, pays pourtant du "moins d’Etat possible", le service public est très puissant, avec des postes richement dotés, notamment l’éducation (les meilleures universités américaines disposent de subventions publiques), l’armée (je ne parle même pas de la Nasa) ou la recherche.
Il paraît que les Français sont frileux aux réformes. La plupart des études et autres enquêtes prouvent le contraire. Il semblerait plutôt que ce sont les dirigeants du pays (et les chefs d’entreprise, mais là n’est pas le propos) qui sont particulièrement timorés de faire les "vraies" réformes, d’avoir le courage de prendre les problèmes à bras-le-corps, de peur de perdre leur siège électoral ou ministériel.
Alors Messieurs et Mesdames les élus et dirigeants de notre pays, ayez les c... de faire de grosses réformes, sérieusement, objectivement, loin des conflits idéologiques stériles et pour le bien-être général ! Je suis sûr que les Français sauront faire la différence entre les courageux qui prennent de vrais risques sensés et les froussards qui osent peu, et en dépit du bon sens !
Nicolas Sarkozy nous avait promis qu’il saurait avoir le courage de ses opinions, mais, pour l’instant, de ce courage on n’en a vu que l’ombre... La "rupture" commence à se faire attendre... Et ne nous répondez pas que nous sommes impatients : cela va faire bientôt un an que vous êtes élu, et vous aviez promis de travailler vite sur les réformes !
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