Rafistolage à tous les étages
Occupés qu’ils étaient à nous vendre la mondialisation heureuse, nos dirigeants politiques, ceux qu’ils servent, et les « élites » aux ordres, qui chantent leurs louanges en espérant être récompensés, détricotent de bon cœur tout ce qui peut s’opposer à leurs desseins avec les arguments définitifs de la dépense publique et de l’équilibre budgétaire.
Ils ont ainsi exposé le corps social au premier virus venu et pas seulement la Covid, en lui permettant de s’installer, de proliférer, et de rendre parfois sa décomposition quasiment irréversible.
La politique du court terme, celle guidée par la prochaine élection, consiste à boucher un à un les trous dans la coque du navire sans se soucier de la solidité de sa structure, et surtout ne déplaire à personne.
D’abord, les forces de l’ordre
L’épisode des gilets jaunes où on a vu l’exécutif courir dans tous les sens comme un poulet sans tête aura été le puissant révélateur d’une politique bouche trous.
Dotées de moyens supplémentaires après les attentats de 2015, elle s’est avérée complètement déboussolée par l’absence d’une doctrine claire en matière de maintien de l’ordre et par l’existence de chapelles au sein de l’organisation policière. Cela s’est traduit par un grand n’importe quoi qui a détruit, en partie, la confiance acquise en 2015.
Le rapport de force qui s’est installé entre les organisations syndicales et l’exécutif qui allonge les millions dans l’urgence, comme toujours, met sous le tapis la déontologie, sans pour autant qu’une stratégie globale n’émerge des réponses à ce fatras revendicatif. Juste donner des gages, sauver les apparences pour contenter la base et le bon peuple… Jusqu’à la prochaine catastrophe.
Ensuite, le système de santé
Dans un système néolibéral, l’hôpital public représente un coût intolérable. Il est donc urgent qu’il accepte les codes de gestion du privé en matière « d’hôtellerie » et de suppléments qui vont avec pour faire du blé. Le patient devient petit à petit un client dont les soins doivent « rapporter » à l’hôpital : c’est aussi le sens de la tarification à l’activité, comme chez le garagiste.
Les soignants seront-ils bientôt encouragés, comme dans le privé à demander de manière systématique des dépassements d’honoraires pour obtenir un salaire décent ?
Et puisque, « comme tout le monde le sait » (surtout depuis le premier épisode Covid…), l’hôpital public dispose de trop de lits, il faut donc en fermer avec comme corollaire la diminution des effectifs devenus inutiles.
Alors, voilà, à côté d’un système de santé public malmené dont on redécouvre l’utilité en cas de crise sanitaire, le système privé lucratif dont les chirurgiens se graissent la patte avec les dépassements d’honoraires, continue son petit bonhomme de chemin en accréditant la thèse du déclin de l’hôpital public en oubliant de rappeler que la recherche et surtout la formation, sont à la charge du secteur public.
Le seul effet positif de la Covid aura été de mettre en lumière ce déclin de la santé publique (avec en plus, les masques, les tests, les pénuries de médicaments,…). Nos concitoyens auront-ils retenus la leçon ? Les applaudissements des soignants à 20 heures le soir pendant le confinement ne suffiront plus.
Enfin, l’éducation
Il aura fallu le meurtre de Samuel Paty pour s’apercevoir des erreurs et des errances de notre système, de l’école primaire à l’Université.
Depuis trente ans, on ferme les yeux et on feint de croire que l’école (au sens large) n’est que le lieu de passage obligé pour acquérir un savoir à minima, conduisant à l’obtention d’un diplôme dévalorisé qui ne sera la garantie de rien pour les recruteurs, sauf si on a les moyens de se payer un établissement privé.
Pour faire ce boulot de soutier dans l’éducation, pas besoin de bien payer, sauf que le manque d’enseignants dans certaines matières (et certains quartiers, évidemment), et les remplacements non pourvus commencent à se faire sentir. La carrière attire moins, alors nos brillants énarques, après avoir évoqué la revalorisation des salaires (avec des primes, non soumises à cotisations sociales), commencent à se demander s’il ne faudrait pas revaloriser les carrières de l’enseignement, qui comme celle des soignants naviguent dans les tréfonds de la moyenne des pays européens. Réforme de fond ou simple aménagement ?
Comme si cela ne suffisait pas, l’institution est traversée par des débats sociétaux qui la minent de l’intérieur. Après avoir constaté leur échec en matière de transformation de l’économie néolibérale, le syndicalisme d’extrême gauche, une partie de la gauche bien-pensante, et une partie des Verts se sont jetés comme des morts de faim sur des thématiques comme celle du racisme d’Etat ou de l’Etat colonial. Ils collaborent, ne serait-ce qu’en défilant sur le thème de l’islamophobie, avec les pires ennemis de la République. Ils interdisent les débats à l’Université qui ne leur plaisent pas, en utilisant, bien évidemment, pour dénoncer, l’écriture inclusive qui nous prépare de futures générations d’illettrés.
il n’est pas du tout certain que, l’institution éducative, noyauté et gangrenée de l’intérieur par ces mouvements et ces idées que l’on a laissé prospérer sans filtre, ait la capacité à se relever, surtout après l’assassinat d’un enseignant (en attendant les prochains) et continuer à enseigner la liberté d’expression en portant haut les valeurs de la laïcité contestées jusqu’en son sein, malgré le fameux « pas de vagues » qui mine l’institution depuis plus de trente ans en dépit des alertes.
Des expédients, c’est tout
En résumé, on a donc traité en premier le cas du maintien de l’ordre, ce qui est très révélateur d’une volonté de protéger un système et une élite (notamment celle des Métropoles et des premiers de cordée) et du mépris pour ceux qui « clopent et roulent en diésel » de la France périphérique.
Pour les personnels de santé, au second rang des préoccupations gouvernementales, il aura fallu le Covid pour que l’on se penche sur les salaires et les conditions d’exercice de la profession avec en plus l’avancement à 2020 d’une revalorisation salariale prévue initialement en 2021. La pression a parfois des vertus…
S’agissant de l’Education, le problème ne se résoudra pas uniquement par des revalorisations de carrières, tant le mal est profond, au carrefour de l’emprise de groupuscules et d’idéologies manipulatrices, et de l’abandon des quartiers dont la survie ne tient qu’à l’économie parallèle.
C’est bien par là qu’il aurait fallu commencer au lieu de dilapider des milliards en ISF et en CICE qui ont eu fortement tendance à enrichir ceux qui en avaient le moins besoin sans produire d’effets sur l’économie et l’emploi.
La matrice néolibérale
Ce serait trop simple de tirer des conclusions et de dire qu’on va s’attaquer aux racines du mal. Ce serait oublier la matrice idéologique néolibérale qui guide toutes les décisions, les « réformes », pour ne pas dire les purges auxquelles nous sommes soumis depuis plus de trente ans.
Au nom de cette matrice, on continue à réduire la dépense en s’attaquant aux services publics, à réduire les impôts des plus riches, bref à rendre l’Etat indigent et incapable de maintenir le système public et social en l’état. Pour l’instant, les « réformes » sont suspendues sauf en ce qui concerne les entreprises à qui on trouve le moyen de faire un cadeau de 20 Milliards d’euros au titre du « plan de relance » : Indécent ! Pendant la crise, l’appauvrissement de l’Etat continue et justifiera dans quelques mois des attaques jamais vues sur le système de protection sociale français.
Pour l’instant, on rafistole, on fait de la communication, un coup de peinture par-dessus le moisi des façades des commissariats, des lits d’hôpitaux qu’on déclare ouverts alors que le personnel pour les gérer n’existe pas et des « plans de rattrapage » des salaires pour les soignants et les enseignants.
On annonce des enveloppes financières qui frappent les esprits, et hop, le problème est réglé ! Comment faire pour assurer la protection et l’éducation laïque des citoyens dans ce contexte ? Surtout ne pas attendre des réformes structurelles qui ne viendront pas ! Place donc au bricolage.
Pour la police, les hypocrites en appellent aux polices municipales qui, avec des moyens juridiques renforcés (à voir…), boucheraient les trous béants du maintien de l’ordre et de la sécurité en général en refilant la patate chaude aux collectivités locales. Pour faire bonne mesure, ces supplétifs devraient bien évidemment être armés. L’ordre public est une mission régalienne, pas un joujou que l’on peut mettre dans les mains de n’importe quel élu.
Pour la santé, le cheval de Troie s’appelle le secteur privé lucratif avec le dépassement d’honoraire systématique qui fait croire aux patients qu’ils sont mieux soignés puisque c’est plus cher. Bientôt, faudra t’il souscrire un emprunt pour se faire soigner un cancer, comme aux USA ? C’est à craindre.
Afin de « fluidifier » le système, on a inauguré en mars avril, la technique du transfert de malades vers d’autres hôpitaux français et aussi vers l’Allemagne. L’épisode qui débute laisse penser que ce bricolage ne sera plus possible, à moins que nos technocrates avisés n’organisent des transferts vers des pays asiatiques comme ils l’ont fait pour l’industrie en général et le paracétamol en particulier.
C’est cela le néolibéralisme : « les chaînes de valeur ». Pas de raisons que cela ne concerne pas la santé, n‘est-ce pas ?
Pour l’Education c’est une politique d’ensemble dont nous avons besoin (le plan Borloo a été enterré par Macron pendant la période de croissance : bravo l‘artiste !) et non pas de miettes pour les salaires. C’est l’Etat qui doit se saisir du problème dans son ensemble et non pas les élus locaux dont les accointances électoralistes avec les « communautés » ont favorisé la dégradation de la situation dans certaines régions.
Alors, la « loi sur les séparatismes », pétard mouillé, orientée sur le tout sécuritaire, ou véritable boîte à outil, qui donnera aux enseignants, les moyens pédagogiques pour former la seule communauté qui vaille, celle des enfants et de leurs parents de la communauté nationale ?
Pour conclure sur une note pessimiste, les moyens dégagés pour la lutte contre le terrorisme n’ont été qu’une obligation passagère qui représente un coût supplémentaire insupportable pour les néolibéraux qui préfèreraient sans doute que la France fasse allégeance aux revendications de l’islamisme… Là aussi, les choses se règleront en coulisse, à coup de renoncements justifiés par des contrats d’armements avec les pays du Golfe : c’est bon pour les affaires…
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