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Accueil du site > Actualités > Politique > Petit précis de centrisme pour les nuls - épisode 3

Petit précis de centrisme pour les nuls - épisode 3

Le précis dit « Ca se précise » :

Assises de la Refondation du Centre

Ça rigole plus ! Hier soir, j’ai enfourché mes bottes de sept lieues pour me rendre en quelques pas au Sénat afin d’assister aux « Assises de la refondation du Centre », à l’invitation de Jean-Pierre Bozzone, bon camarade très ouvert avec lequel je ferraille parfois sur la toile. Dans les épisodes précédents, je pointais l’incroyable recrudescence de groupuscules plus ou moins centristes. En ce jour pluvieux, cet épisode entame une marche arrière débridée, soulignant avec satisfaction une initiative aussi salutaire que fragile, aussi nécessaire que tortueuse, voyant enfin à nouveau réunis dans une même enceinte des personnalités de tous les courants centristes, (« Alliance Centriste » - à l’origine de la manifestation, « Nouveau centre », « Parti Radical », « Modem » et j’en passe) telles que Jean Arthuis, Hervé Morin, Pierre Méhaignerie, Michel Mercier, Serge le Pelletier, Fabienne Keller, Jean-Christophe Lagarde, Nicolas About, Jean-Louis Bourlanges, François Sauvadet, Denis Badré, Charles de Courson ou Jacqueline Gourault...

Kesako « La refondation du Centre », d’ailleurs ? Pourquoi faut-il refonder cet énigmatique centre, puisque j’arguais il y a peu de sa place dominante sur l’échiquier politique, en faisant même le premier parti de France. La question posée n’est en fait pas celle du centre, tant cette nébuleuse recèle de candidats et d’électeurs potentiels, sur le mode « 60 millions de candidats centristes » comme existent (et d’autant plus ces jours-ci) « 60 millions de sélectionneurs », mais celle de la réunion de toutes ces factions sous un même maillot. Puisque ces vocables sont à la mode, ajoutons qu’il faut aboutir à la création d’une équipe rassemblée, heureuse, fraternelle, technique et tactique, un véritable groupe pour défendre la France, oubliant que ce sont 23 autres gugusses qui ont été envoyé en Afrique du Sud à cette fin. Mais comme il y a d’autres échéances à venir que la Coupe du Monde, et notamment un apéro géant au printemps 2012, une telle manœuvre servira toujours, considérant que « gouverner, c’est prévoir ».

Plus sérieusement, on peut juger cette initiative sous deux angles opposés. Le premier aussi cynique que, peut-être, lucide, consiste à voir dans ce nouveau sursaut centriste la volonté de faire du neuf avec du vieux en réactivant purement et simplement une défunte UDF, jadis prisonnière de ses allégeances successives et de la vétusté des convictions de ses membres. Le second, plus enthousiasmant et consubstantiel de l’augmentation constante de l’abstention, témoigne de l’archaïsme des partis dogmatiques et de l’accroissement d’un espace politique pragmatique, ayant par essence le réel comme terrain d’expérimentation, sans chercher des solutions préalablement orientées par un corpus idéologique. Dans la réalité cette tendance refondatrice est sans doute inspirée par les deux visions. On sentait nettement hier, dans cet aréopage bien nourri où la jeunesse était représentée avec une extrême parcimonie, poindre une immense nostalgie des années giscardienne, benoîtement exprimée par François Sauvadet. D’un autre côté, transpirait une sorte d’impalpable excitation dans ce rapprochement entre frères ennemis, la sensation presque tabou que l’échéance de 2012 pourrait représenter une occasion unique de damner le pion au bi-partisme, en dépit du combat sans relâche que mènent de concert l’UMP et le PS pour confisquer le pouvoir autant que lui retirer toute légitimité.

Sauf que...

Dès les premières minutes de la réunion, pourtant soigneusement organisée pour éviter les sujets porteurs de conflits (comme la question de l’éventuel candidat pour 2012 et la distance à respecter vis-à-vis de l’actuel pouvoir), tous les paradoxes de la position centriste sont apparus au grand jour, alors que les débats étaient restreints à 3 sujets assez consensuels pour notre famille politique, à savoir, la réforme des collectivités, les retraites et l’Europe. En effet, la prise de parole de Michel Mercier, nouveau (mais pas tout frais) Ministre de l’Espace Rural et de l’Aménagement du Territoire, a témoigné de l’inconfort de la traditionnelle allégeance du centre à la droite libérale, obligeant le ministre à défendre une loi, dont il est le porteur et non l’inspirateur, fondée sur des valeurs aux antipodes des traditionnelles positions centristes, lui attirant les foudres des intervenants suivants. Car là est bien l’éternel piège dont sont victimes nos chers centristes. Ne pouvant s’appuyer que sur la droite pour gouverner, ils doivent en épouser les concepts sans possibilités d’en infléchir les positions, en dépit de leurs velléités, comme en témoigne déjà l’expérience anglaise qui voit les positions de Nick Clegg et de ses électeurs phagocytées par l’hégémonie Tory sur les orientations du nouveau gouvernement. Cette constante, ayant transpiré toute la soirée, jusque dans l’intervention finale du Ministre de la Défense, Hervé Morin, défendant le modèle social européen tout en justifiant l’appartenance à une majorité qui l’écrase sans ménagement, a peut-être permis au grand et intransigeant absent de la soirée, François Bayrou, de marquer des points face à ses principaux rivaux. Car Bayrou, en dépit d’un parti exsangue et d’une soudaine bienveillance du Chef de l’État, mais fort de sondages finalement toujours assez flatteurs, persiste à affirmer la possibilité pour un mouvement centriste de se poser en élément moteur et principal d’une future alternance, même si ce cas de figure reste assez peu probable. Par ailleurs, l’absence d’évocation des formes que pourraient prendre cette fameuse « refondation du centre », ce refus, non pas seulement technique (celui-là se comprend parfaitement), mais aussi philosophique, de redéfinir clairement les fondamentaux du centre et la manière de les imposer à d’éventuels partenaires, ont laissé de nombreux participants sur leur faim, faisant finalement naître plus d’interrogations que d’espoirs, même si ses derniers ne sont pas totalement absents au final. Ainsi cette réunion, où même François Bayrou était indirectement représenté (par Jacqueline Gourault), à enfin su rompre les digues derrière lesquelles se caparaçonnaient chacun des piliers du centre et lancer un mouvement ouvert à toutes les composantes de la famille, qui se poursuivra par la création d’un Think-Tank baptisé « Alexis de Tocqueville », confié à l’excellent Jean-Louis Bourlanges.

Restent en suspend les questions déterminantes du projet et de l’homme qui le portera.

Si sur la premières quelques pistes furent esquissées hier soir, on retiendra malheureusement une incapacité intellectuelle endémique pour la plupart des centristes à sortir de la stricte logique libérale, à apporter autre chose que de minces corrections à la régression sociétale occidentale, à affirmer les moyens et conditions d ’une Europe fédérale pourtant réclamée par la plupart, et surtout, plus préoccupant encore, à démontrer une véritable empathie pour la majorité de nos concitoyens, ce fameux « français moyen », dont certains propos d’hier semblent indiquer qu’il figure encore une race singulière et énigmatique pour nombre de participants. C’est sur ce dernier point qu’un François Bayrou, en dépit de ses erreurs répétées, de son autoritarisme, de sa paranoïa grandissante et de sa discutable sincérité, a encore une nette longueur d’avance sur ses concurrents, même si sa vision est exempt de ces rêves qui, entre les mains de grands hommes, inspirent le réel. Mais en politique, plus qu’en tout autre domaine, la vérité d’aujourd’hui n’augure en rien de celle d’un lendemain porteur de la principale échéance électorale. Ainsi, rien ne dit à cette heure que le candidat unique du pari centriste ne sera pas parmi les intervenants d’hier, plutôt qu’entre les murs de la tour d’ivoire de la rue de l’Université.

C’est ainsi que s’annonce la seconde question légitimement éclipsée hier soir. Jean-Christophe Lagarde énonce parfaitement les deux manières d’aborder une élection. Il explique ainsi l’échec progressif de Bayrou par la stratégie de ce dernier de vendre l’homme avant le projet, se posant en porteur de la stratégie inverse conduisant le projet à précéder l’homme. Mais au final, qu’importe, car arrive un jour où les deux doivent converger et se rejoindre pour prétendre à la victoire. Il faut plus de l’un ou de l’autre selon les scrutins, mais les deux restent indissociable pour qui veut triompher, même si parfois le projet se résume à un slogan et l’homme à une posture. Dans le cas qui nous intéresse, nul parmi les centristes, en dehors de François Bayrou, n’a encore affirmé une stature indiscutable pour espérer bousculer les pronostics. Ce n’est définitivement pas repousser le débat qui l’éclairera. C’est pourquoi le sujet doit être mis sur la table assez vite afin de panser les éventuelles blessures avant que la campagne présidentielle se dessine sur la ligne d’horizon...


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3 réactions à cet article    


  • morice morice 11 juin 2010 12:17

    « La refondation du Centre » ????


    la refonte plutôt, ou la fusion, vu qu’ils ne sont plus que trois ou quatre.

    « C’est sur ce dernier point qu’un François Bayrou, en dépit de ses erreurs répétées, de son autoritarisme, de sa paranoïa grandissante et de sa discutable sincérité, a encore une nette longueur d’avance sur ses concurrents, même si sa vision est exempt de ces rêves qui, entre les mains de grands hommes, inspirent le réel. »

    pourtant il rêve votre Bayrou : mais c’est à lui.

    • Relka CANDYMAN 11 juin 2010 12:46

      Oui (- : il rêve. Mais parfois les rêves ne manquent eux aussi de hauteur, cher Morice...


    • claude66 claude66 11 juin 2010 17:46

      mais oui le centre renaîtra ..... dans deux ou trois générations quand les héros seront au Panthéon ou au Père Lachaize
      claude66

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