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Accueil du site > Actualités > Politique > Le Sénat supprime l’interopérabilité forcée

Le Sénat supprime l’interopérabilité forcée

Les sénateurs ont achevé tard dans la nuit l’examen de l’article 7 du projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). La haute assemblée a supprimé le mécanisme d’interopérabilité forcée favorable au logiciel libre.

Les députés de l’Assemblée nationale avaient voté à l’unanimité - et au terme d’un remords - le contenu de l’article 7 du projet de loi DADVSI. Celui-ci prévoyait que "tout intéressé peut demander au président du Tribunal de grande instance statuant en référé d’enjoindre sous astreinte un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité". Il avait suscité la colère d’Apple, de Microsoft, et du ministre américain du commerce. Mardi soir, les sénateurs ont "catapulté" le texte, comme l’a regretté le sénateur communiste Jack Ralite. Guidés par le rapporteur Michel Thiollière et par le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres, les sénateurs ont adopté un dispositif totalement différent, qui se fonde sur la création d’une autorité administrative indépendante, pour laquelle d’autres débats doivent intervenir jeudi.

Le nouvel article 7 adopté par le Sénat préserve le bénéfice de l’exception pour décompilation présente au Code de la propriété intellectuelle, et explicite l’obligation de détenir une autorisation de la CNIL pour installer des dispositifs de surveillance de l’usage des oeuvres. Il veille également à ce que les mesures techniques de protection (ou DRM) ne brident pas l’accès aux oeuvres du domaine public. En revanche, il retire au tribunal de grande instance tout pouvoir de garantir la mise en oeuvre de l’interopérabilité. Les pouvoirs de coercition qui étaient dévolus à l’autorité judiciaire seront transférés et transformés en mission de conciliation (donc d’interopérabilité négociée) administrée par l’Autorité des mesures techniques de protection.

Le Sénat au coeur de la technicité du projet DADVSI.

Au terme d’un débat passionné, les sénateurs ont explicitement hiérarchisé droit d’auteur et interopérabilité. "Il est très important que l’interopérabilité ne se fasse pas au détriment du droit d’auteur", a expliqué Michel Thiollière, rapporteur du texte à la Commission des affaires culturelles. Plus tôt, le sénateur Ralite avait critiqué la forte technicité du débat, dont le jargon "désarçonne le législateur". Le président de la Commission des affaires culturelles a pour sa part confessé faire de plus en plus l’objet "non pas de pressions, mais de suggestions supplémentaires" sur cette question. "Si l’on se donnait un délai supplémentaire, ce serait encore pire", a-t-il ajouté pour rejeter la motion appelant un renvoi en commission pour examen plus approfondi.

Sur tous les bancs, des voix se sont élevées contre la proposition du rapporteur Thiollière. A droite, Yann Gaillard (UMP), s’est dit "choqué" par "les menaces brandies au moment du vote de l’article 7", et s’est interrogé sur les risques qu’une autorité administrative n’entraîne "une grande lourdeur où les PMI auront beaucoup de mal à se faire entendre face aux multinationales beaucoup plus aptes à utiliser ces mécanismes". A gauche, Marie-Christine Blandin (PS) a demandé "si la fin justifie les moyens" face au "cortège de ventes liées" que provoque l’absence d’interopérabilité. Très pertinent dans son argumentation, Bruno Retailleau (sénateur MPF de Vendée) a lui demandé au Sénat de "ne faut pas sacrifier la liberté à la protection". Catherine Morin-Desailly, au centre, a, quant à elle, rappelé que pour l’UDF "l’interopérabilité est la contrepartie indispensable à la protection des mesures techniques".

Mais les socialistes, à l’issue d’une négociation avec le gouvernement qui a permis de préserver l’exception pour décompilation, ont choisi de voter l’article 7 remanié. C’est donc par 173 voix contre 61 qu’il a été adopté et que le rêve d’interopérabilité s’est envolé.

Il y aura en tout cas beaucoup de tensions lors de la réunion des députés et des sénateurs à la Commission mixte paritaire (semble-t-il planifiée le 30 mai, de source proche du gouvernement). A moins que Renaud Donnedieu de Vabres ne respecte ses engagements et ne procède à un retour du texte à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture...


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7 réactions à cet article    


  • fb (---.---.57.197) 10 mai 2006 14:00

    Cher Demian,

    vous allez un peu vite en besogne, clairement je n’arrive pas à saisir le rapport entre l’interopérabilité et le droit d’auteur. L’interopérabilité c’est la faculté donnée à des systèmes hétérogènes de pouvoir échanger ou exploiter des informations ; dans le cas qui nous intéresse c’est que l’accès à une œuvre soit possible sans qu’un dispositif spécifique soit imposé.

    Alors que le CD audio (le vrai : red book Philips) s’est imposé comme un standard universel, aujourd’hui on nous fait un remake du Betamax contre VHS. Que penser de la fragmentation qui va en résulter ? L’œuvre X disponible uniquement sur la plate-forme Y supposant de disposer du lecteur Z ; c’est plutôt inquiétant surtout si on prend en plus en compte la durée de vie des supports numériques DRMisés.

    Pour mémoire l’article 27, 1 §, de la déclaration universelle des droits de l’homme :

    « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. »

    On s’en éloigne à pas de géant avec DADVSI. Enfin, il reste encore le spectacle vivant.


  • lulu07 (---.---.226.188) 10 mai 2006 15:20

    Voilà ce qui arrive quand on laisse un travail spécifique à des personnes qui n’y entendent rien !!!! Pire à des incompétents corrompus... Où alors ils le font exprès pour qu’il y ait une deuxième lecture correctes à l’assemblée (doux rève !!!)


    • Sam (---.---.149.218) 10 mai 2006 17:02

      Comme l’un des intervenants, je ne vois pas bien le rapport entre interopérabilité et droits d’auteur, ainsi que liberté d’expression.

      Ce qui me choque, c’est que, si j’ai bien compris l’article, les socialistes « ...à l’issue d’une négociation avec le gouvernement qui a permis de préserver l’exception pour décompilation, ont choisi de voter l’article 7 remanié... »

      Je constate que lorsqu’il s’agit de favoriser le big bussiness (puisque, apparemment, cette suppression favorise les grandes firmes) les socialistes rejoignent sans aucun complexe la droite la plus réac, celle des sénateurs, ce machin nuisible et couteux que même De Gaulle, en son temps, voulait supprimer. Et Jospin plus tard, mais qui il ne le fit pas non plus...

      De la droite, je n’attends rien, sinon pire. Mais j’attends la protestation de l’authentique héroïne de gauche qui va bouter l’extrême-droite hors du jeu politique. Qu’elle exprime sa protestation contre cette loi DAVDSI, qu’elle dise son attachement à la liberté de l’internet, à la primauté de l’échange non-marchand, à la préservation des portefeuilles du peuple...

      Comment ? Parlez plus fort, on ne vous entend pas.

      Sam


      • spiritstm (---.---.2.67) 10 mai 2006 17:23

        Sans méler les interets industriels à l’affaire (les majors et sociétés drmisantes) la réponse à apporter est n’est pas simple.

        Aucune loi n’est parfaite et celle là ne fait pas exception. conséquence d’une directive vieille de 10 ans, elle même issue d’un traité encore plus vieux, du fait de son orientation strictement économique à l’époque (le libre n’était pas aussi fort qu’aujourd’hui par exemple) elle se révèle tellement inadapté que l’europe a décidé d’en tirer un bilan pour si nécessaire la modifier.

        Le gouvernement, l’assemblée ou le sénat ont fait avec ce qu’il avaient et ce qui leur était permis de faire.

        Bon, je ne défend pas cette loi qui est un projet présenté à la va-vite, mal ficelé, et fruit de la méthode habituelle des derniers gouvernements...concertation orientée et à sens unique...on a pu voir maintes fois ce que ça donnait.

        Cette loi, exclusivement française...donc uniquement et théoriquement applicable aux internautes français n’avait qu’une avancée majeur celle du « devoir d’interopérabilité ».

        C’était effectivement une avancée majeure et finalement ça n’était qu’une conséquence logique de la politique de promotion envers les logiciels libres que la france mène depuis quelques années déja au travers de son utilisation au sein de l’administration.

        Il est évident que le croisement de plusieurs interets industriels, ceux des majors et ceux des sociétés de DRM en tête rendait la tache compliqué et le souhait...plutôt la trouille...de torpiller un marché naissant...déja tenue d’une main de fer par d’une part les majors qui fournissent les contenus et d’autres par les Drmistes qui fournissent les plateformes de sécurité n’a pas franchement aidé à la sérénité des débats.

        L’enseignement que l’on peut tirer de cela c’est que de plus en plus l’interet industriel et l’interet générale (celui de la population) vont s’opposer. On peut même dire que les interets industriels vont s’opposer entre eux tellement la recherche de position dominante et sécurisante est forte.

        Les politiques s’ils se penchaient d’un peu plus loin sur l’économie mondiale constateraient très vite que la « libre concurrence » n’est pratiqué que jusqu’à un certain seuil et que dès que ce palier est atteint on passe à une logique d’entente (l’histoire du marché des portables en est un bon exemple...celui du marché de la musique aussi)

        Dès lors il semblerait plus sein de protéger cette libre concurrence en introduisant des protections pour l’utilisateur (le client) pour lui éviter de trop subir les effets de distorsion de la part des industriels.

        Pour en revenir à cette loi, je pense que finalement ce n’est pas une mauvaise chose car au plus elle sera mal ficelée, au plus elle permettra des actions (et je suis sur qu’il y a de quoi faire) et au plus elle deviendra inapplicable.

        Beaucoup d’artistes sont pour...selon la Sacem...eh bien nous verront s’ils seront toujours pour quand leur revenu aura diminué, que les festivals dans lesquels ils se produisent et sont rémunérés auront diminué faute de financement, qu’ils devront payer toujours plus cher pour employer des solutions propriétaires pour sécuriser leur morceau et si (là je rève un peu) le libre s’implante au sein du grand public (ce que j’espère ardemment) nous verrons les ventes des plate-forme de musique en ligne.

        ...on va se dire rendez-vous dans 10 ans.


        • Zicide. (---.---.192.198) 11 mai 2006 01:46

          J’attends avec impatience la réaction de sony et de tout les fabriquants de lecteur mp3, ipod etc...


          • ohnil (---.---.94.51) 11 mai 2006 08:10

            C’est parfait.

            Sans interopérabilité, je ne peux pas acheter de disque « DRM protect » (CD ou DVD) ni aller sur les plateformes légales de téléchargement.

            Comme aucune solution satisfaisante n’est proposée et que je ne suis pas un fan du piratage, je ne consommerais donc plus.

            Il faut voir le bon coté des choses, je vais faire des économies.

            CQFD !

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