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Spectre yougoslave

Les développements de la crise européenne, via les soubresauts grecs, ramènent à un précédent historique. Il s'agit de la Yougoslavie des années 1980. La comparaison est certes un peu sombre !

Quelques mots de mon collègue et ami Alexandre Delaigue me donnent envie de poursuivre : Si la Grèce sort de l'euro, l'euro est mortPour cela, je vais détourner un article de l'Encyclopédie Géographique [La Pochotèque - 1991] en proposant des mots barrés à côté de ceux rédigés au chapitre 'Yougoslavie'. A l'époque, la fédération n'a plus que quelques mois à vivre, même si peu le pressentent.

« Au cours des trente dernières années, l'Union Européenne la Yougoslavie a essayé de développer une forme de redistribution de socialisme de marché, basé sur l'autogestion, sur le plan économique comme sur le plan politique et social. [...] Jusqu'à la fin des années 2010 1970, l'économie de l'Eurozone du pays s'est caractérisée par des taux de développement élevés (avec une augmentation moyenne du produit brut de 6,6 % par an de 1953 à 1980), une forte augmentation du revenu par habitant (2070 dollars en 1985) et des variations structurelles du système économique.

Le sud de l'Eurozone pays plutôt agricole à l'origine s'est industrialisé : en 2000 1985, l'industrie contribuait à former presque 46 % du produit brut, contre 12 % pour l'agriculture. Entre temps, l'Eurozone le pays s'est largement ouvert sur l'extérieur, avec une croissance des exportations (supérieure à 7 % par an) et des importations (8 %) dans les années 1950-1980. [...]

Cependant, le processus de décentralisation et les poussées régionalistes nationalistes ont contribué à l'apparition d'une instabilité économique croissante et de problèmes typiques d'une économie de marché : ralentissement de la croissance, inflation, chômage, différences de développement au niveau régional, etc. De plus, un déficit croissant de la balance commerciale et une augmentation vertigineuse de la dette extérieure ont conduit (dès 2012 1980) à l'introduction de mesures fortement restrictives, destinées à rééquilibrer la dépense interne, grâce à une forte diminution des importations en provenance des pays à bas coûts de main d'œuvre et au maintien de l'euro fort à plusieurs dévaluations du dinar.

De telles politiques ont eu de lourdes conséquences : un ralentissement du taux de développement, une augmentation du chômage, de fortes pressions inflationnistes. Les conditions de vie de la population dans le sud de l'Eurozone (les salaires réels ont diminué de plus de 30 % dans les années 2005-2012 1979-1984) se sont détériorées. Les programmes de stabilisation du Fonds Monétaire International n'ont pas donné les résultats escomptés et l'Eurozone la Yougoslavie est restée un des pays les plus endettés du monde (7,5 du PIB en 1985).  »

*

Bien sûr, les différences sautent à la vue. Il y a en particulier la description d'une situation inflationniste que l'Union Européenne ne connaît absolument pas. Mais sur ce point précis, on peut quand même ne pas écarter le parallèle. On note que la BCE n'a cessé d'agir au cours des dernières années pour contrecarrer une inflation inexistante, semblant ramener les autres difficultés rencontrées par les Européens à des problèmes négligeables. Avec l'entêtement des fonctionnaires yougoslaves respectant à la lettre l'idéologie autogestionnaire perfectionnée par le maréchal Tito.

Faute de littérature économique locale - de toutes façons, je ne lis pas le serbo-croate ! - je me suis contenté de me plonger dans un ouvrage élogieux : La Yougoslavie autogestionnaire : bilan critique d'une époque prestigieuse (George Guezennec / CREER - 1991).

Je résume d'une phrase le propos du propagandiste : la Yougoslavie représentait mieux qu'un modèle. C'était l'espoir du Tiers-Monde, un pays dans lequel il faisait bon vivre. Les Yougoslaves auraient même rattrapé le niveau de vie des Européens sans le choc pétrolier. C'est faire peu de cas du commerce avec les pays d'Europe centrale, Allemagne en tête, et de la bouffée d'air représentée par les devises apportées par les touristes : George Guezennec n'y fait pas mention. Tout juste admet-il l'importance des transferts financiers générés par les Yougoslaves venus travailler à l'Ouest.

Je retiens en revanche l'argumentaire développé dans les pages 180 et suivantes pour expliquer la crise économique yougoslave. Il ne constitue, là encore, qu'une vue rétrécie. Mais cet argumentaire permet de comprendre ce qui a motivé les cercles du pouvoir yougoslave dans leur désignation de boucs émissaires jugés responsables de la crise yougoslave au début des années 1990.

George Guezennec parle de l'explosion de la dette (sous-entendues, les multinationales occidentales), et du mécontentement populaire face à la détérioration des conditions de vie. L'auteur insiste toutefois bien davantage sur l'explosion des écarts entre provinces riches (Slovénie) et provinces pauvres (Bosnie, Monténégro, Macédoine). Il recense le total des aides ('dix fois plus que les pays développés au pays du tiers-monde') dégagées au profit des secondes, pour conclure sur leur incapacité à pleinement en tirer profit : 'En réalité, les républiques sous-développées souffrent d'une insuffisance culturelle et de formation professionnelles sans laquelle les aides ne peuvent être pleinement utilisées.'

*

En conclusion, je ne peux que m'attrister d'une mode européenne plus actuelle, qui consiste à montrer du doigt des fauteurs de trouble situés sur les bords de la Méditerranée ; le tout isolément du contexte et de l'histoire. Le rappel du cas yougoslave peut paraître évidemment excessif, tant l'éclatement de la fédération en 1991 apparaît comme lointain. Je relève néanmoins une pente commune et dangereuse avec le cas de la Grèce. Depuis le mois de septembre dernier ('Cendres et péripéties'), j'ai noté la détérioration, jusqu'à l'évocation d'un référendum anti-grec (source)... L'hypothèse d'un règlement à l'amiable s'est dissipée.

" Les promesses de la Grèce ne nous suffisent plus. Ils doivent, lors d'un nouveau programme, d'abord mettre en oeuvre les parties de l'ancien programme et économiser. [...] Même en cas de sortie de l'euro, ils [les Grecs] resteraient dans l'Europe. [...] L'idée que l'on doit changer quelque chose, et de manière profonde, doit encore être comprise par beaucoup en Grèce. La réunification allemande est venue car les gens en RDA ne voulaient plus vivre comme avant, mais comme à l'Ouest." [Wolfgang Schaüble, à propos de la Grèce, dans le 'Welt am Sonntag', cité dans La Croix du 13 février] 

Il y a trois contre-vérités : (1) Couper dans toutes les dépenses publiques n'est pas simplement 'économiser'. Wolfgang Schaüble n'a visiblement rien suivi des événements. (2) La Grèce peut sortir de l'eurozone et cesser ses remboursements : avec des conséquences certes très négatives (voir en-dessous). (3) La réunification allemande a été payée en partie par les pays partenaires de la RFA. Elle a entraîné une saignée démographique et le déclin industriel des länder de l'Est (source).

Au fond Berlin traite en 2012 la Grèce comme Belgrade le Kosovo en 1991...


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4 réactions à cet article    


  • wawa wawa 26 mai 2012 08:27

    une balkanisation de l’europe, c’est son eclatement !
    pourquoi pas, parallèle interessant


    • Le taulier Le taulier 26 mai 2012 19:56

      « La comparaison est certes un peu sombre ! » C’est pas sombre mais étonnée et stupide.

      Les guerres en ex-Yougoslavie n’ont rien à voir avec des problèmes financiers. Tito avait réussit à faire taire les sentiments nationalistes même pas à les faire disparaitre.

      L’objectif des opération militaires étaient de nettoyer des régions pour se les approprier. Je ne crois pas que les nationalistes grecs aient de quelconques revendications territoriales sur la Bavière ou la Bourgogne.

      De toute les manière la fédération européenne ne risque pas d’exploser puisque qu’il n’y a pas de fédéralisme.


      • bakerstreet bakerstreet 26 mai 2012 23:31

        Au fond Berlin traite en 2012 la Grèce comme Belgrade le Kosovo en 1991...

        Vous y allez un peu fort de café ( Grec ?), quand même.
         Je suppose que vous connaissez pourtant la situation du Kosovo en 91, qui était plutôt à comparer à un pays colonisé, type apartheid, où les kosovars étaient des sous hommes dans leur propre pays, aux mains d’une oligarchie serbe qui considérait historiquement qu’elle avait des droits historiques inaliénables.

        La Grèce s’est foutue toute seule dans un sacré merdier.
        On peut se désoler du sort des grecs de bas, emphatiquement, car comment ne pas plaindre des gens qui n’ont rien décidé, et qui comme tant d’autres se contentent de vivre au jour le jour. 
        Reste que leurs politiciens et leurs banquiers ont joué avec des cartes planquées sous la table. S’en prendre aux Allemands qui ont tout de même alimenté la caisse me semble là aussi fort de café ( turc ?)

         Dans un pays où les combines sont monnaie courante., ils ont voulu faire cette fois ci un grand coup, celui du casino, diront nous, en pariant sur la naïveté de l’Europe, et de ses instances de contrôle, complètement coupées de ce qu’un sociologue, un journaliste, ou un historien leur aurait appris, ou mis en garde. Car le fait que la Grèce était un pays sans structures politiques fiables, sans même un cadastre, et où la dissimulation des revenus un sport national n’était un secret pour personne !.

        Le tricheur est démasqué, mais jure de faire repentance, mais à besoin de liquidités pour continuer le jeu...Tout cela sent de nouveau le coup fourré, le jeu de celui qui tient l’autre par la barbichette et espère que celle ci va continuer à pousser pour le tenir d’une bien meilleure façon encore.

         Reste que personne n’est dupe, et que l’on sait pertinemment bien que la Grèce ne remboursera jamais ses dettes, la seule question que l’on se pose est : Faut-il continuer à alimenter le tonneau des danaïdes et se saborder de la même façon...

        Le nationaliste qui surgit toujours en temps de crise ne fait pas non plus absence en Grèce.
        C’est une bombe dont on ne sait jamais comment elle va exploser quand elle est lancée.
        A ce titre, c’est vrai, on peut s’attendre au pire.

        Tous les scénarios sont possibles et les projections que l’on lit à droite et à gauche sont différentes, mais semblent toutes sujets à caution.

        Il est relativement facile de prévoir la trajectoire d’un ballon descendant une pente droite, beaucoup moins celle d’une pierre irrégulière déboulant les flancs d’une montagne, et entrainant un effet d’avalanche.

        Incapable d’anticiper de ce qui relevait de sciences à peu près exactes, c’est à dire liées à l’économie, qu’on nous demande pas de prévoir dés lors les conséquences de ce tsunami qui se dessine.
        Je ne sais plus qui a dit : " Les gens sont solidaires et s’aiment dans la mesure où ils ont besoin des uns et des autres, et se détestent quand ils pensent pouvoir s’en sortir seuls....


        • Bruno de Larivière Bruno de Larivière 27 mai 2012 10:24

          L’intérêt des comparaisons n’est pas la conclusion que l’on tirerait dans le cas d’une étude point par point (bien sûr, « rien n’est pareil » ). L’intérêt est de regarder ce qui, dans un contexte historique différent, peut enrichir notre réflexion. 


          La Yougoslavie était bien un système confédéral, à la fois centre-Européen, méditerranéen et balkanique, avec de fortes disparités éco. régionales ; avec un centre tentant en vain de s’imposer. Essayez simplement d’imaginer que des Grecs - dans quelle proportion ? - se sentent comme certains Kosovars avant 1991...

          Bon we quand même ?!

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