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Rien n’est réglé à Guantanamo, cet antre de l’enfer

Comme le rapporte Reporters sans frontières, le vendredi 24 septembre 2010, lors d’un entretien bilatéral à New York, en marge du sommet des Nations unies, le président Obama a conseillé à Ilham Aliyev, président de l’Azerbaïdjan, de mener à des réformes démocratiques et d’améliorer la situation des droits de l’homme dans son pays. Il a appelé le président azerbaïdjanais à relâcher les deux blogueurs Emin Milli et Adnan Hadjizade. Adnan Hadjizade, vidéo-blogueur et membre du mouvement apolitique « OL ! Youth Movement », et Emin Milli, l’un des fondateurs du collectif « The Alumni Network », ont été arrêtés à Bakou, le 8 juillet 2009. Accusés de « hooliganisme » et de « violences physiques volontaires », ils ont été condamnés respectivement à deux ans et deux ans et demi de prison ferme, le 11 novembre 2009, pour avoir « attaqué » des individus dans un restaurant, alors qu’ils ont été les victimes de cette agression. Geste noble de Barack Obama sur les questions des droits de l’Homme à l’extérieur de son pays.

Guantanamo est et restera la décision la plus honteuse de l’histoire des États-Unis. Et cette honte sera assumée tant par le président qui en a conçu le projet que celui qui est en poste aujourd’hui et incapable de donner suite à une promesse formelle de fermer cet antre de l’enfer. Les États-Unis se sont abaissés au plus bas niveau de l’histoire de l’humanité. Et en donneurs de leçons qu’ils se veulent être sur cette planète terre, ils ne se situent en réalité qu’à la hauteur des pires décideurs qui ont marqué d’une encre indélébile le cours de notre courte histoire humaine.

Lors de son accession à la présidence des États-Unis, Barack Obama avait promis de fermer Guantanamo au cours de sa première année à la Maison blanche. Le président du plus puissant pays du monde, comme se plaisent à se définir les États-Unis d’Amérique, a lamentablement avoué que son administration n’avait pas atteint son objectif. C’est ce même président qui, au moment de la course présidentielle, déclarait : « Il n’y a pas une Amérique libérale et une Amérique conservatrice — il y a les États-Unis d’Amérique. Il n’y a pas une Amérique noire, une Amérique blanche, une Amérique latino et une Amérique asiatique, il y a les États-Unis d’Amérique (27 juillet 2004) ». Les êtres humains de Guantanamo ne font pas partie de cette Amérique.

Jean Asselborn est le ministre des Affaires étrangères du gouvernement du Luxembourg. Il est déçu. Après des mois de préparation, tout semblait prêt pour accueillir un ex-détenu de Guantanamo, originaire du Yemen et âgé de 31 ans, enfermé depuis 2002. Cet homme est un « Hafiz », terme utilisé pour les personnes capables de réciter le Coran par cœur. Mais aucune charge ne pèse contre lui. Jean Asselborn explique au Quotidien de Luxembourg ce qui s’est passé. En juillet, il annonce aux États-Unis que le Luxembourg est prêt. Une délégation de hauts fonctionnaires se rend à Guantanamo pour y rencontrer le jeune détenu yéménite. Le rapport, positif, des entretiens est présenté au gouvernement luxembourgeois. Le jeune homme devait être accueilli « pendant quelques mois », le temps que le Yémen établisse les papiers nécessaires à son retour dans son pays d’origine ; des formations lui seront proposées et un tuteur alloué. Le Luxembourg s’était assuré que l’homme ne représentait aucun danger pour la sécurité du pays et de ses habitants.

Le ministre Jean Asselborn explique : « Il y a une semaine, j’étais à New York à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU. Dan Fried, un haut responsable américain chargé du dossier de la fermeture du camp de Guantanamo, m’a dit qu’il était navré, mais que le transfert ne se ferait pas. Un Nigérian avait, lors d’un vol le 25 décembre 2009 entre Amsterdam et Detroit, tenté de commettre un attentat. Il s’avère qu’il avait été formé par Al-Qaïda au Yémen. Depuis, l’administration Obama, en raison des élections de mi-mandat, en novembre prochain, ne veut pas prendre de risques que cette personne soit libérée par une cour de justice. Il ne faut pas non plus sous-estimer le conflit armé qui existe à la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen. L’Arabie saoudite est un allié important des États-Unis. Ça a sans doute rendu les choses plus compliquées. J’avais un seul but : montrer, politiquement, de la bonne volonté et aider un garçon qui, pendant un certain nombre d’années, a été emprisonné de façon illégale pour lui donner une chance de repartir. Je ne suis pas du tout déçu par les États-Unis, je suis déçu pour cet homme qui est toujours à Guantanamo ».

Un autre cas montre l’horreur de ce camp d’internement qu’est Guantanamo. En juillet dernier, le juge canadien, Russel Zin, ordonne au gouvernement du Canada de trouver un moyen de corriger la violation des droits d’Omar Khadr, reconnus dans la Charte canadienne des droits et libertés. Âgé de 15 ans au moment de son arrestation en 2002, il est le plus jeune détenu de Guantanamo et le dernier citoyen d’un pays occidental à s’y trouver. Le gouvernement conservateur de droite de Stephen Harper avait passé outre une ordonnance de la Cour suprême — rendue en janvier 2010 — de remédier aux violations des droits constitutionnels de Khadr. Le gouvernement canadien, pour ne pas déplaire au président Georges W. Bush, a bafoué les droits d’Omar Khadr, arrêté sur le champ de bataille par les forces américaines en Afghanistan. Le juge Russel Zinn avait déploré le fait que le gouvernement du Canada se traîne les pieds dans ce dossier. Le Canada a toujours refusé de rapatrier Omar Khadr au pays pour qu’il soit jugé par un tribunal canadien. Stephen Harper qui se montre insensible à la cause d’un enfant-soldat a été épinglé, sur la scène internationale, pour la façon dont son gouvernement a géré le transfert de prisonniers afghans par les militaires canadiens, et le refus du Canada de signer la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Son bilan pour le respect des droits humains a été sérieusement mis à mal ces dernières années.

Le colonel Patrick Parrish, le juge militaire qui préside, dans le cadre d’un tribunal d’exception, le procès d’Omar Khadr, a estimé, dans un jugement rendu public en août dernier, que le jeune Canadien n’a jamais été torturé par ses geôliers ou ses interrogateurs américains. Il contredisait ainsi un jugement de la Cour suprême du Canada et le secrétaire d’Amnistie internationale Canada, Alex Neve, qui avait déclaré aux médias que ces allégations concernant la torture étaient « très crédibles ». Omar Khadr a plaidé non coupable aux cinq chefs d’accusation qui pèsent contre lui. Dans un document du 18 janvier 2002, et annoté de la propre main de Tony Blair, le premier ministre écrivait : « L’important est de savoir comment ils sont traités. Bien que j’aie d’abord été sceptique quant aux accusations de torture, nous devons signifier clairement aux Américains que de tels actes seraient totalement inacceptables et rapidement établir qu’ils n’ont pas cours ». Moins de six mois après le 11 Septembre 2001, Tony Blair avait, selon The Guardian, déjà eu vent de soupçons de torture sur des citoyens britanniques détenus en Afghanistan dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». Mais aucune torture n’aurait été pratiquée sur le jeune enfant-soldat qu’était à l’époque Omar Khadr ?

Le 6 mai 2010, le Pentagone avait, de son côté, expulsé de Guantanamo les journalistes canadiens Paul Koring (« The Globe and Mail »), Michelle Shephard (« The Toronto Star »), Stephen Edwards (CanWest) et leur collègue américaine Carol Rosenberg (« The Miami Herald ») pour avoir publié le nom d’un témoin des techniques d’interrogatoires pratiquées sur le prisonnier canadien Omar Khadr, en 2002, avant son témoignage devant la cour. Les journalistes ont à présent l’autorisation de retourner sur place. Le 10 septembre 2010, le Pentagone a, selon Reporters sans frontières, édicté de nouvelles règles applicables aux médias présents à Guantanamo. Si les journalistes couvrant les commissions militaires de la base peuvent à présent s’entretenir avec le procureur ou l’avocat de la défense, le bureau des relations publiques demeure la seule autorité susceptible d’autoriser ou de répondre aux interviews sollicitées par la presse dans ce domaine.

En 2006, trois détenus de Guantanamo meurent dans des circonstances présentées par l’armée des États-Unis comme des suicides simultanés. Pour les gardiens de ce camp d’internement, la version officielle était que les trois hommes avaient été retrouvés pendus dans leur cellule et avaient été transportés à l’infirmerie. Scott Horton a consacré un article de fond sur cette incroyable histoire qui nous ramène aux pires horreurs d’Abu Ghraib. Pour Scott Horton, les trois prisonniers de Guantanamo - dont aucun n’avait de lien avec le terrorisme et dont deux devaient être libérés - ont peut-être été assassinés là-bas après d’atroces tortures. Les trois prisonniers avaient été amenés à l’infirmerie, morts étouffés parce qu’ils avaient des chiffons enfoncés dans la gorge. L’administration Obama n’a mené qu’une enquête superficielle à l’apparition de nouvelles preuves fournies par des militaires de cette possible atrocité. Comme le rapporte Slate, Joe Hickman, qui était de garde sur un mirador du camp où se trouvaient les cellules des deux hommes la nuit du 9 au 10 juin 2006, a décidé qu’il ne pouvait plus garder le silence. Il a confié à Scott Horton : « J’ai pensé que sous une nouvelle administration, et de nouvelles idées, je pourrais vraiment me faire entendre. ... Cela me hantait ». Joe Hickman a commencé par faire part de ses tourments à Mark Denbeaux, de la faculté de droit de la Seton Hall University. Josh, le fils du professeur Mark Denbeaux, a accepté de représenter Joe Hickman. Joe Hickman ne souhaitait pas parler à la presse, mais il sentait que « garder le silence était mal  ».

Les familles du Saoudien Yasser Al-Zahrani et du Yéménite Salah Al-Salami, respectivement âgés de 22 et 33 ans, avaient déposé une plainte contre Donald Rumsfeld, le 16 février, qui a été rejetée un juge fédéral de Washington. À la lumière des déclarations de quatre militaires, dont le gradé, Joe Hickman, les familles ont demandé au tribunal fédéral de Washington de reconsidérer leur plainte : « Le fait que le Pentagone ait bataillé pour cacher toutes les informations sur les causes et circonstances des morts tant aux familles qu’au public et aux tribunaux (...) et les détails découverts sur une couverture des faits organisée en haut lieu de probables homicides dans un « site secret » de Guantanamo (...) devraient interpeller votre tribunal  ».

L’administration du président Barack Obama est intervenue pour demander le classement de la plainte. La juge Ellen Huvelle, de la Cour fédérale américaine, vient de rendre sa décision : « Le caractère extrêmement perturbant des révélations figurant dans la plainte n’est pas une base suffisante pour que celle-ci soit instruite ». Affaire classée. Le magistrat s’appuie sur un jugement de la cour d’appel de Washington selon lequel les décisions qui portent sur les conditions de détention à Guantanamo sont du ressort exclusif du Congrès et non des tribunaux, pour des raisons de sécurité nationale. Pour Talal al-Zahrani, le père de Yasser Al-Zahrani, la justice devrait enquêter sur la mort de son fils et punir les coupables. M. Obama devrait défendre les droits de l’homme et les valeurs démocratiques que les États-Unis prêchent dans le monde, plutôt que de défendre devant les tribunaux les mensonges et les crimes épouvantables de l’administration Bush.


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12 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 30 septembre 2010 13:03

    Entre ces deux là  , c’est comme avec ces deux là ! à part les apparences , c’est vraiment peu de choses qui séparent entre eux ces gens de l’élite ,NWO , bilderberg et cie !
    bonnet blanc et blanc bonnet , ils se foutent vraiment de notre poire , un seul but , mettre la main sur toutes les richesses du monde pour le bonheur d’une caste de prédateurs vivant dans un luxe indécent au détriment de tous , quitte à marcher sur des milliers de cadavres !


    • LE CHAT LE CHAT 30 septembre 2010 13:28

      Les états unis restent fidèles avec eux même , après avoir fait crever les indiens dans des camps de la mort , parqué les japonais pendant la seconde guerre mondiale et avoir commis aussi des atrocités après la libération en Europe .
      Ils s’en cachent même plus , on a pu voir dans la série de Spielberg « the pacific » , la soldatesque yankee exterminer tout ce qui ressemblait à un jap , femmes et enfants compris .....


      • tinga 30 septembre 2010 21:42

        Merci de rappeler que les premiers camps de concentration/extermination avec des barbelés et des miradors, ce sont les américains qui les ont faits, pour éliminer les derniers témoins d’un génocide qui durait depuis déjà longtemps.


      • Pierre R. Chantelois Pierre R. Chantelois 30 septembre 2010 13:50

        Le Chat


        Je ne crois pas que l’album de souvenirs des États-Unis ne soit composé que de beaux paysages et de belles plages. Vous le rappelez à juste titre. Avec la politique, tout ne semble que désillusions. Un jour l’espoir, le lendemain la déception. Vous vous rappelez : Yes We Can ! Devant un parterre de plus de 25.000 personnes rassemblées à l’université de Madison, dans le Wisconsin, Barack Obama a lancé ce cri de ralliement : Restez avec moi. Ne laissez pas les républicains compter sur votre apathie. La population sera-t-elle au rendez-vous à la mi-novembre avec toutes ces promesses perdues ?

        • LE CHAT LE CHAT 30 septembre 2010 14:18

          salut Pierre ,
          le notre de zèbre ne nous a pas déçu , avec lui tout devient possible , même le pire !

          l’un comme l’autre une fois élus font ce que leurs maitres de la finance leur dictent !
          ce ne sont que des pantins du NWO !


        • Pierre R. Chantelois Pierre R. Chantelois 30 septembre 2010 14:32

          Le Chat


          Si nos politiciens pouvaient dépasser le simple plaisir ’« ... » du slogan et cesser de se gargariser avec des mots creux.  smiley

          • L'enfoiré L’enfoiré 30 septembre 2010 17:41

            Pierre,
             Je ne vous l’ai jamais dit, je suis toujours étonné du souvenir que vous avez des noms que vous citez en référence.
             Culture journalistique, que je n’ai pas.
             Chez moi, ce sont plus les idées que les personnages qui en ont eu des interprétations.
             Merci, pour ces identifications. (pas sûr que je m’en souvienne, j’espère que vous me pardonnerez).
             Je vais faire parler (ou dessiner) mon Kroll national.
             Son dessin date du 23 janvier 2009.
             Il faut le remettre dans son contexte, évidemment.
             smiley

             
             
             


            • Pierre R. Chantelois Pierre R. Chantelois 30 septembre 2010 20:51

              L’enfoiré


              Qui a dit que la mémoire était un muscle qui exigeait un conditionnement physique constant ? smiley 

              Pierre R.

            • tinga 30 septembre 2010 21:39

              Les Usa usent et abusent de la torture depuis longtemps, maintenant elle est « enfin » légalisée, et il ne faut pas compter sur Obama pour l’abolir, les régimes démocratiques ont tous les droits car ce sont les meilleurs, il faut arrêter de jouer les naïfs, l’occident n’a pu maintenir sa domination sur le monde que par une violence inouïe, la torture, juste un outil de plus. 


              • Annie 30 septembre 2010 23:12

                Guantanamo me hérisse le poil, mais plus encore les renditions extraordinaires. L’institutionnalisation de la torture par des pays qui se permettent de donner des leçons sur les droits de l’homme, qui ont signé toutes les conventions internationales pour le respect de ces mêmes droits, alors qu’ils donnent leurs sales boulots à faire à des pays qui torturent de manière routinière les prisonniers politiques, et cela en toute connaissance de cause, me parait tellement pire que Guatanamo. Pire parce que personne n’en parle plus aujourd’hui, pire parce qu’il a été jugé justifié de torturer des présumés terroristes, pire parce qu’il ne sera jamais demandé de comptes aux pays qui se sont rendus coupables des renditions extraordinaires, les Etats-Unis, ou aux pays comme la Grande Bretagne qui ont mis à leur disposition leurs terrains d’atterrissage. Avec ces renditions extraordinaires, une première a été réalisée : la mondialisation de la torture.


                • La sentinelle La sentinelle 1er octobre 2010 01:31

                  Bonjour

                  Bah, pas de surprise ;

                  Obama ou pas, les USA reste le pays des droits de l’homme........blanc"

                  A+


                  • La sentinelle La sentinelle 4 octobre 2010 04:40

                    Bonjour

                    « Terriblement raciste »

                    Vous faites allusion à quoi, exactement ?


                    « Les droits de l’homme riche, certes »

                    Valable pour la quasi totalité des pays du monde.Et quand j’écris « quasi totalité ».....

                    A+


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