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Poutine vs Erdogan : qui en sortira vainqueur

Jeudi 5 mars, dans la capitale russe se tiendront des pourparlers russo-turcs d'une extrême importance entre le président russe Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il sera notamment question du règlement de la crise militaro-politique liée aux affrontements dans la province syrienne d'Idlib. Les deux dirigeants possèdent de sérieux atouts dans leur jeu pour renforcer leur position. Quels arguments seront plus forts et pourquoi ?

Le thème nominal de ce sommet sera la situation à Idlib, où l'armée syrienne mène une offensive contre les terroristes. Au final, Moscou (qui soutient Damas) et Ankara (combattant du côté des terroristes) se trouvent depuis quelques mois au seuil d'une guerre – du moins c'est l'impression que cela donne. Cependant, l'enjeu est bien plus important que le sort d'une seule province syrienne. Et même plus important que les projets russo-turcs – le gazoduc Turkish Stream et la centrale nucléaire d'Akkuyu.

La Russie et la Turquie ne tentent pas seulement de sauver, mais également de pragmatiser leurs relations. Et le succès de ces tentatives dépendra avant tout de la capacité de Vladimir Poutine d'expliquer à son homologue turc que les plans de la Turquie de rebâtir l'Empire ottoman doivent s'arrêter là où ils entrent en conflit avec les intérêts nationaux russes.

Car à défaut d'être convainquant sur le dossier syrien M. Poutine devra ensuite être tout aussi persuasif sur le dossier du Caucase. Et pas seulement du Sud – les plans turcs de réunification des peuples turcophones s'étendent jusqu'au Caucase du Nord, à la Volga et à la Crimée.

Malheureusement, le rationalisme du président russe bute sur les ambitions du sultan turc, appuyées par plusieurs côtés forts de sa position.

Par exemple, en ce qui concerne la logistique. La Syrie se trouve loin des frontières russes – Moscou approvisionne son contingent syrien (ainsi que l'armée syrienne) via la Turquie. Les avions traversent l'espace aérien turc, et les navires franchissent le Bosphore et les Dardanelles. C'est pourquoi la Turquie n'a même pas besoin de faire la guerre contre la Russie en Syrie – il lui suffit de fermer les détroits et son espace aérien aux militaires, et Moscou devra alors approvisionner son contingent via la mer Caspienne, l'Iran et l'Irak. Un itinéraire long et périlleux.

Le deuxième inconvénient de la position russe réside dans la situation politique sans issue de Recep Erdogan. Ce dernier est soutenu par l'électorat nationaliste et islamiste, qui exige de lui uniquement des victoires. Or il lui est difficile d'expliquer à ses électeurs comment la cession partielle d'Idlib à Bachar al-Assad peut être considérée comme une victoire. Notamment après toutes les pertes subies par la Turquie.

L'opposition en la personne du parti républicain du peuple accuse déjà M. Erdogan d'avoir déclenché une guerre insensée pour le pays et de la mort de soldats turcs. En réponse à quoi les partisans d'Erdogan frappent les opposants au sein même du parlement, alors que le président a accusé le leader des républicains Kemal Kilicdaroglu de soutenir al-Assad et de trahir les intérêts nationaux de la Turquie. Le parquet a déjà réagi et a initié une enquête sur les déclarations de l'opposant.

Cependant, Recep Erdogan pourrait réellement se défendre contre ces attaques seulement s'il revenait de Moscou en vainqueur. C'est précisément ce que le dirigeant turc cherchera à expliquer à son homologue russe – que l'enjeu des négociations actuelles n'est pas la sphère d'influence à Idlib mais le maintien de la réputation et du pouvoir.

Cependant, hélas, tous ces avantages de la position d'Erdogan sont nivelés par ses inconvénients de nature aussi bien politique que militaire.

Premièrement, la faiblesse de la Turquie réside dans le fait qu'elle joue en solitaire contre la Russie, l'Iran et la Syrie. Ankara n'a pas réussi à s'assurer le soutien du Moyen-Orient, de l'Europe ou des Etats-Unis.

Deuxièmement, la Turquie ne dispose pas d'une marge de manœuvre géopolitique – ses partenaires l'ont complètement abandonnée. Les médias occidentaux peuvent écrire autant qu'ils veulent que le virage de la Turquie au profit de la Russie a plongé Ankara dans une solitude géopolitique – ce n'est pas tout à fait le cas. Ce virage a résulté plutôt de la solitude dans laquelle s'est retrouvé M. Erdogan en se brouillant ces dernières années avec pratiquement tous les voisins influents et les centres de force – l'UE, les Etats-Unis, Israël et l'Arabie saoudite.

La Russie demeure un partenaire en coopérant avec lequel la Turquie peut amortir ne serait-ce que partiellement les pertes de l'opération syrienne ratée. Il serait insensé pour Ankara de rompre ses relations avec un tel partenaire. C'est pourquoi, même en cas d'échec des négociations de Moscou et d'aggravation du conflit à Idlib, la Turquie ne pourrait certainement pas se permettre de rompre les relations avec la Russie – aussi bien en attaquant des militaires russes qu'en renonçant aux projets communs.

C'est pourquoi l'unique opportunité de Recep Erdogan consiste à mener les négociations de Moscou en finesse. Nous saurons très bientôt si le président turc parviendra à revenir en Moscou en vainqueur.

 

Source : https://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1434


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14 réactions à cet article    


  • caillou14 rita 6 mars 2020 11:26

    Bizarre tous ces « gens » qui font des courbettes au dictateur de la Turquie ?

    Le club des poltrons au garde à vous ?

    Suis je bête nous sommes en politique friction !

     smiley


    • Ouallonsnous ? 8 mars 2020 20:21

      @rita

      Bizarre également, cet article, on l’a déjà vu !


    • Xenozoid Xenozoid 8 mars 2020 20:27

      @Ouallonsnous ?

      Agoravox est automatique,j’ais tester avec un article,les votes en modération ne servent a rien


    • Aimable 6 mars 2020 12:14

      A vouloir jouer au plus fin avec les Américains et les russes , sans compter les pays qu’il tente d’envahir , il est temps de prendre les paris sur sa durée de vie . Un accident est si vite arrivé .


      • pallas 6 mars 2020 12:27
        Patrice Bravo

        Bonjour,

        Il n’y a pas de conflit entre Erdogan et Poutine, ils font partie tous deux de l’OCS, donc pas de différent

        C’est la mise en place « de La Nouvelle Route de la Soie » leurs sujets de discussion.

        C’est tout.

        En plus La Turquie voudrait obtenir un siège au conseil décisionnaire (État Membre), elle en prend le bon chemin.

        Salut


        • HELIOS HELIOS 6 mars 2020 23:27

          .... Bosphore et Dardanelles... on a déjà eu une guerre aussi pour ça.

          Si les Turcs ferment le détroit, ils auront non seulement les russes, mais les américains et probablement les autres grands pays bloqués dans la mer noire (Iran xxxstan, etc)

          A ce jeu de con, je ne crois pas que les turcs veuillent jouer... leur economie chancelante disparait en moins d’un mois et Edogan avec.


          • Kapimo Kapimo 7 mars 2020 01:27

            Il n’y a pas de conflit entre Erdogan et Poutine, ils font partie tous deux de l’OCS, donc pas de différent

            Hé bé, pour des gens qui n’ont pas de « différents », ça bastonne sec.

            A minima 4 morts russes du FSB, 150 morts turcs dans la lutte de soutien au Jihadisme.

            Finalement, l’OCS, c’est moins faux-cul que l’OTAN.


            • maQiavel maQiavel 7 mars 2020 20:43

              Bon, la réunion au sommet a eu lieu entre Moscou et Ankara et finalement Poutine a mis Erdogan KO.

              Et pourtant, la stratégie d’Erdogan n’était pas stupide : pour arriver en position de force à ces négociations, il a tout fait pour obtenir l’aide militaire américaine pour contester la suprématie aérienne russe dans l’espace aérien syrien et le soutien diplomatique des européens pour accentuer la pression sur la Russie, quitte à faire un chantage aux réfugiés. Malheureusement pour lui, ça n’a pas vraiment fonctionné. Erdogan a voulu convier Emmanuel Macron et Angela Merkel pour faire de cette réunion bipartite une rencontre à quatre sur la Syrie mais Poutine a refusé. Erdogan a voulu que le sommet se déroule à Ankara plutôt qu’à Moscou mais Poutine a aussi décliné, il ne voulait pas se retrouver face à des emmerdeurs de chefs occidentaux comme invités surprise. Donc c’était finalement un mano à mano et Erdogan n’avait aucun atout dans sa manche, pour le dire autrement il était à poil face à Poutine.

              Et comme prévu, les négociations ont été un désastre pour Erdogan, Poutine l’a éparpillé façon puzzle. Dire qu’il n’y a même pas un mois, Erdogan se frappait la poitrine comme un dos argenté et exigeait le retrait des troupes syriennes tout en hurlant des ultimatums. Eh ben non, Poutine, entre deux coupes de champagne, lui a fait comprendre que le retrait de l’armée syrienne n’était pas envisageable. A un tel point que dans le document conjoint sur règlement en Syrie, le sort de l’autoroute M5 n’est pas mentionné. De fait, la Turquie accepte sa perte de l’axe routier et pour cause, ce renard de Poutine a fait déployer la police militaire russe à l’embranchement des deux autoroutes M4 et M5, pour parer à toute tentative turque de la reprendre. Genre « Tu veux récupérer la M5 ? Vient la chercher. T’as plus trop envie ? Bon, passons au point suivant alors. Un petit four ? Tiens, ils sont délicieux ceux-là ». smiley

              Mais pire, non seulement la résolution entérine les récents gains territoriaux de l’armée syrienne mais en plus Erdogan a dû céder du terrain sur la M4  smiley  : il a été convenu de mettre en place un corridor de sécurit de six kilomètres de part et d’autre de l’autoroute M4 et de mener des patrouilles conjointes de l’armée turque et russe dans cette nouvelle zone tampon. Autrement dit, les rebelles qui contrôlent en grande partie cette zone devront l’évacuer et Ankara ne pourra plus se servir de ses postes d’observation comme points d’appuis à ses pions de la rébellion syrienne. J’imagine Poutine au calme « Bon, ça, c’est fait. T’inquiète, on se connait bien maintenant, je vais te sauver la face, je te laisse mettre dans la résolution que la Turquie ripostera de toutes ses forces à toute attaque du régime syrien. Au fait, si tu n’aimes pas les petits fours, tu devais essayer ce caviar mon petit Tayyip, celui-là a été récolté tout fraichement pour toi de la mer caspienne ». smiley 

              Sérieusement, je me disais bien qu’Erdogan serait en difficulté lors de ces négociations mais je n’imaginais pas que le résultat serait aussi catastrophique pour lui  smiley , ça montre à quel point le rapport de force est en faveur de Poutine dans ce duo de marchands de tapis. Si Erdogan a tant cédé, c’est qu’il est conscient de la vulnérabilité de l’armée turque face au renforcement du dispositif militaire Russe, le scénario d’une confrontation militaire était bien trop risqué. Mais c’est loin d’être terminé, on sait déjà que tôt ou tard, ce cessez-le-feu sera rompu et que les opérations vont redémarrer. Erdogan devra mettre ce temps de cessation des hostilités à profit pour se rapprocher du bloc américano-occidental et revenir en position de force quand ça va redémarrer. Côté russe, l’heure n’est pas au triomphalisme, Erdogan n’est pas du genre à abandonner ses objectifs, quoi qu’on puisse penser de lui, c’est un véritable homme d’Etat, il sait reculer pour mieux sauter, les Russes doivent poursuivre leur politique qui consiste à tout faire pour éviter une confrontation directe avec la Turquie et à bâtir un semblant de relation de confiance ne serait-ce que sur le court terme pour se servir de la Turquie comme d’une épine dans le pied de l’OTAN ( sur le moyen et long terme c’est impossible, les ambitions des parties sont trop éloignées et inconciliables ).


              • Xenozoid Xenozoid 7 mars 2020 20:58

                @maQiavel

                la turquie est le maillon faible de l ’otan, erdogan le sait et putine aussi,les américain aussi,c’est un jeu de dupes ou les pieces son ailleurs


              • maQiavel maQiavel 7 mars 2020 21:11

                @Xenozoid
                Bien sur que c’est un jeu de dupe mais c’est ça les relations entre Etat. 


              • Xenozoid Xenozoid 7 mars 2020 21:45

                @maQiavel

                c’est pour cela que je ne suis pas surpris


              • maQiavel maQiavel 8 mars 2020 11:25

                @Xenozoid

                Le fait que ce soit un jeu de dupe n’exclut pas la surprise. Le pacte germano-soviétique aussi était un jeu de dupe mais cela n’a pas empêché les Russes d’être surpris de l’invasion allemande et cela n’a pas empêché les allemands d’être surpris par la résistance russe.


              • Xenozoid Xenozoid 8 mars 2020 20:30

                @maQiavel

                tout a fait

                quand le jeux est ailleur,tout le monde n’a pas les même rêgles et l’initiative est souvent le changement des rêgles


              • Jonas 9 mars 2020 11:53

                Cet article ramassé , résume , le différent entre Poutine et Erdogan, je dis bien le différent et non le conflit. 

                Le seul perdant dans la tragédie syrienne est le peuple , avec les 500 000 morts , les destructions de nombreuses villes et l’exode de 10 millions de syriens. Le dictateur Bachar Al-Assad ne reste à la tête de son pays que grâce a Poutine et les milices iraniennes. Pour un homme qui parle de « Résistance » , il n’est enfin de compte que le factotum de Poutine.

                Le différent entre ,Poutine et le « Frère musulman » Erdogan n’ira pas plus loin , car l’un a besoin de l’autre. 
                 

                Ces deux anciens empires ont profité du désengagement peu à peu des Etats-unis de la région, pour avancer leurs pions. Cela remonte , a Obama et a sa fameuse «  ligne rouge » sur laquelle , il s’est assis , permettant ainsi à Poutine et a Erdogan , de jouer aux gendarmes , chacun dans sa cour. 

                Pourquoi , je ne crois pas à un conflit entre la Russie et la Turquie , bien que Poutine soit a l’heure actuelle le maître du jeu ? 

                Parce que les deux pays sont en difficultés sur le plan économique et ce n’est pas le moment de mettre en péril le volume des échanges commerciaux , + de 25 milliards de dollars par an. Par ailleurs ce sont les russes qui construisent la première centrale nucléaire en Turquie. 

                 L’auteur , signale, le nouveau gazoduc Turkstreame , en janvier 2020 remplaçant l’ancien  Southtreame , qui reliera la Russie et le sud de l’Europe, en passant bien sûr par la Turquie. Sans oublier , les nombreux touristes russes qui passent leurs vacances en Turquie. 

                Dans une guerre opposant , la Russie a la Turquie , ce dernier pays est autorisé par la Convention de Montreux , de fermer les détroits du Bosphore et des Dardanelles aux pays en guerre contre lui.

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Patrice Bravo

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