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Le retour du Xochiyaoyotl au Mexique

 

 Ils se réunissaient face à face. Un nombre égal de guerriers se battaient dans un Xochiyaoyotl, une "guerre fleurie" en nahuatl, la langue aztèque. Le but était de capturer des ennemis pour les sacrifier au soleil. Ces massacres rituels, qui se concluaient par des mares de sang et des cœurs arrachés dans les poitrines sur les autels rituels, étaient un moyen de maintenir les populations asservies sous pression, une opportunité pour les chefs en place de se débarrasser de rivaux potentiels, de gravir les échelons de la hiérarchie. Le devoir de chaque nouveau-né aztèque, était de donner à boire au soleil le sang des ennemis. C'était la formule rituelle des accoucheuses. C'était cela, la civilisation aztèque, une cruauté absolue. Le 8 novembre de l’an de grâce 1519, le conquistador Hermán Cortés entrait avec ses hommes dans Mexico-Tenochtitlán, une des plus grandes, des plus populeuses cités du monde. Ils découvrent rapidement l'horreur absolue de ces charniers où s'entassaient les milliers de cadavres mutilés. L'empire aztèque massacrait à tour de bras, même les enfants étaient assassinés. Leurs larmes étaient supposées amener la pluie lors de leur sacrifice au Dieu dédié Tlaloc...
Les colons espagnols, puis le gouvernement fédéral, ont œuvré pendant des siècles pour faire oublier ces temps de barbarie aux Mexicains. Mais, aujourd'hui, la malédiction de l'empereur Cuauhtémoc semble frapper le Mexique. Les instincts sanguinaires se libèrent.

 L'Église catholique, bien décriée par les bonnes consciences de la gauche, va s'efforcer de pacifier les mœurs épouvantables de ces populations indiennes, au Mexique comme dans les Andes ou aux Caraïbes. Notre époque, toute dévouée à l'indigénisme, oublie de rendre hommage aux bons pères qui ont pacifié beaucoup de ces peuplades colonisées, combattant l'esclavage, la condition servile des femmes, la cruauté envers les enfants, le cannibalisme.
Au Mexique, les bandits ruraux ont toujours sévi dans les régions éloignées, mais l'Église ayant encore de l'influence. La violence était contenue. La révolution mexicaine, d'inspiration progressiste, s'est accompagnée des massacres habituels de prêtres, des pillages de propriétés privées, des attaques de trains, etc. 
Dans ce pays, parsemé de chaînes de montagnes, de déserts au nord et de jungles au sud-est, il est difficile pour le gouvernement fédéral de Mexico d'être présent dans les régions reculées de l'arrière-pays. Mais le PRI, le "Parti Révolutionnaire Institutionnel", a tenu les campagnes d'une poigne de fer, n'hésitant pas à punir durement les groupes les plus barbares. Mais les indépendances locales étaient tolérées, tant qu'elles n'interféraient pas avec les objectifs du PRI. Les groupes criminels étaient principalement impliqués dans la culture et le trafic de marijuana. Ils étaient traités comme n'importe quel autre secteur économique. Leurs activités illicites étaient tolérées, tant qu'elles étaient discrètes et peu violentes. Cela explique pourquoi le Mexique n'a jamais connu de coup d'État, comme dans les autres états d'Amérique latine au XX e siècle.

 Aujourd'hui, le Mexique est plongé dans la violence et la mort. Les forces de sécurité de l'État mexicain combattent des cartels de la drogue et d'autres groupes criminels organisés et les criminels se combattent entre eux. La nouveauté est que les meurtres sont inutilement atroces. On torture, on mutile, comme pris de folie sanguinaire, dans des scènes qui rappellent étrangement les mœurs des contemporains de l'empereur Cuauhtémoc, à l'époque de l'arrivée d'Hermán Cortés.

 Que s'est-il passé ? L'influence de l'Église catholique mexicaine a diminué, comme partout dans le monde. Les sectes protestantes américaines s'y sont employées. Le PRI a progressivement dû accorder plus d'espace à la démocratie et opérer de manière plus conforme au droit. Affaibli, l'Etat n'a plus joué le rôle d'arbitre entre groupes rivaux. La disparition de l'état centralisateur a donné des ailes aux potentats locaux, enhardis.

 De plus en plus de champs agricoles sont dédiés à la culture du pavots (opium), abritant des laboratoires de transformation clandestins. Les hommes forts locaux, les mouvements séparatistes, les groupes armés et les cartels de la drogue se sont affirmés. 

La puissance financière de la drogue.

 Depuis que les États-Unis ont fermé le flux maritime pour la cocaïne arrivant en Floride par les Caraïbes, dans les années 80, les Colombiens sont obligés de passer par le Mexique, seule porte d'entrée terrestre vers les Etats-Unis. Surtout, depuis 1994, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a mis en place une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. La frontière américano-mexicaine est maintenant la plus traversée au monde. Il est virtuellement impossible de surveiller chaque personne, chaque objet qui traverse. Un gramme de cocaïne vaut 3,50 USD en Colombie. Une fois arrivé sur le sol américain, il coûte 62 USD. Les gangs de la drogue mexicains sont donc devenus richissimes. Au cours de la dernière décennie, ils ont accru leurs revenus par le vol du carburant, prélevé sur les pipelines des plateformes pétrolières et l'exploitation clandestine des métaux industriels et précieux. Ces deux activités privent l'état mexicain de ressources économiques pour le développement du pays à long terme. Mais, d'un autre côté, le blanchiment d'énormes sommes d’argent développent une économie parallèle florissante au Mexique. Même la succursale américaine de la banque britannique HSBC a blanchi l'argent des cartels mexicains de la drogue. Le gouvernement américain a admis officieusement que le système financier américain en avait besoin.

Un déluge de violence sanguinaire.

 Lorsque le gouvernement fédéral mexicain s'attaque aux organisations criminelles, en arrêtant leurs dirigeants, il déclenche, non seulement des représailles sanglantes contre ses agents, mais des crises de succession et des luttes de pouvoir. Les "lieutenants" se hâtent de prendre la place de leurs anciens patrons. Les territoires mafieux, aussitôt "libérés", deviennent des zones de guerre.

 Les cartels mexicains emploient des groupes de tueurs à gages, organisés en escouades paramilitaires très bien équipées. Ils ont assimilé les techniques opérationnelles d'anciens policiers, d'anciens soldats des forces spéciales, de mercenaires étrangers. Les massacres et les exécutions sont confiés à des membres extérieurs aux gangs. Moins chers, ils ne peuvent donner aucune information compromettante quand ils sont arrêtés par les forces de sécurité. La violence de ces meurtres est sans limites, tout est permis. On ne tue pas seulement, on exécuté de manière horrible. Ces formes extrêmes de violence s'apparentent à une tactique de guerre psychologique, conçue pour intimider autant que maintenir la discipline interne. C'est exactement ce qu'étaient les Xochiyaoyotl, les "guerres fleuries" de l'époque aztèque. La société mexicaine retourne à ses vieux démons indigènes.

 


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3 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 11 décembre 2020 09:31

    J’ai eu l’impression de relire « Le Temple du Soleil ».

    Bon, OK, là c’est pas le Pérou, c’est le Mexique, et c’est pas les Incas mais les Aztèques, mais la vision de l’auteur des cultures « amérindiennes » est à peu près aussi réductrice que celle d’Hergé.



    • Yann Esteveny 11 décembre 2020 10:45

      Message à Monsieur William Kergroach,

      Je vous remercie du partage de votre très bon article qui cherche à trouver les ressorts tragiques de la violence dans la société mexicaine dominée par la soif de pouvoir, de l’argent et sans respect pour les vies que la drogue détruit.

      Trois sujets auraient pu argumenter un peu plus votre article :
      - Notre-Dame de Guadalupe. C’est un miracle qui subsiste matériellement et un des points de départ du christianisme au Mexique,
      - La guerre des Cristeros. C’est un moment clé politique pour comprendre la liquidation du catholicisme comme force dans la société au profit de la franc-maçonnerie,
      - Hermanito le guérisseur mexicain. Sa vie montre qu’aujourd’hui la bonté mexicaine subsiste malgré tout dans le chaos.

      Par ailleurs, j’ai voté pour la parution de vos autres articles bloqués en « modération ».

      Respectueusement

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