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La crise en Côte d’Ivoire : autopsie et perspectives

La crise actuelle que traverse la Côte d’Ivoire est la conséquence logique des forces obscures et mafieuses qui ont miné et continuent de hanter la paisible nuit africaine. Alors que l’on croyait l’époque de la nébuleuse africaine révolue avec ses barbouzes qui ont fait trembler plus d’un pays de l’espace francophone, le pouvoir comme l’opposition utilisent de nos jours sans ménagement les gros bras de l’ancien bloc soviétique et l’ex-armée raciste de Pretoria.

A l’origine : Au début des années soixante-dix, feu le Président Houphouët Boigny croyait en une Afrique sans frontières, où tous les pays devaient se fondre dans un vaste ensemble sans que l’on parle de Camerounais, de Sénégalais, de Gambiens....Ainsi, il avait fait confiance aux jeunes cadres issus de prestigieuses universités occidentales et américaines ; il ne pouvait se douter que cette symbiose qui avait fait la fierté de son pays, devait être à l’origine d’une crise sans précédents, où ceux ayant travaillé pour son rayonnement, allaient se tuer pour cause d’ivoirité. Autre fait marquant, se croyant immortel, le Président Houphouët Boigny avait laissé à côté d’une constitution très claire, une réalité floue : Bédié et Ouattara étaient du même bord, mais le flottement de quelques jours à la tête de l’Etat, dû au conflit larvé du successeur constitutionnel face au gérant effectif de la réalité du pouvoir dans les derniers temps de Houphouët, devait créer une haine sans précédent : c’est là le vrai fondement de la crise ivoirienne...

Le modèle : Les Etats-Unis d’aujourd’hui doivent leur superpuissance aux brassages de gens venus de divers horizons parfois très éloignés ; on n’a jamais entendu les Indiens, autochtones de ce pays, demander aux Irlandais, aux Africains, aux Chinois et à bien d’autres de rentrer chez eux ou de ne pas postuler à telle ou telle fonction pour cause d’origine. Dans ce pays, la souche n’a aucun sens dès l’instant où, naturalisé américain, vous contribuez au rayonnement du pays, du rêve américain . Henry Kissinger a vu juste quand il affirme dans ses mémoires que ‘’c’est le seul pays du monde où l’étranger peut postuler à toutes les fonctions, sauf à la magistrature suprême où il faut être américain de quatrième génération’’.

La haine de l’étranger :En Afrique, c’est le sport favori... Tout ce qui est mauvais est l’œuvre de l’étranger :« Mais c’est normal, il s’agit d’un Burkinabé... », « c’est un Camerounais ! » a-t-on coutume d’entendre. L’étranger est à l’origine de tous les maux (vols, prostitutions..). Il n’est pas rare de voir les gouvernants exploiter le repli identitaire, le nationalisme et la xénophobie à des fins politiques pour masquer ses incapacités à satisfaire les aspirations les plus élémentaires de ses administrés.

A qui la faute ? A nos maîtres d’hier qui pour des prétextes fallacieux, loin de nous apprendre à fabriquer des boîtes d’allumettes pour nous réchauffer ou des piles pour nous éclairer, nous ont appris à bien reconnaître l’étranger avec discernement, sans erreurs. Il n’est pas étonnant aujourd’hui qu’un enfant de cinq ans distingue parfaitement le Sénégalais du Malien ou le Rwandais du Burundais sans savoir compter de un à neuf. De nos jours, notre bravoure se mesure par notre capacité à fuir nos responsabilités, à faire porter le chapeau de nos misères par l’autre comme étant à l’origine de nos malheurs et à les chasser sans ménagement.

Innocents levez-vous ! Quel pays africain peut se défendre de ne s’être pas déjà livré à ce sport ? Les exemples sont légion :

  • Les Mauritaniens du Sénégal et vice versa
  • Les Burkinabés de Côte d’Ivoire
  • Les Camerounais de Guinée Equatoriale
  • Et bien d’autres qui se reconnaîtront

La faute, c’est surtout celle de la nouvelle classe d’Africains ayant fait leurs humanités en occident ; en effet, quel que soit le mal qu’ils font à leurs pays, ils sont maintenus aux affaires par des cercles mafieux qu’ils ont tissés durant leur séjour dans cette partie du monde.

Les intellectuels africains sont des abonnés absents, des indigents ontologiques qui ont sacrifié la rigueur et l’honnêteté intellectuelle au profit du clientélisme politique et de la richesse matérielle. Finie l’époque où par la force de leurs plumes, ils ont fait trembler de nombreux dictatures africaines (Mongo Béti, Amical Cabral et bien d’autres). A l’heure actuelle, ils sont des griots, des chantres du régime chantant, à longueur de journée, les vertus de leur chef, sa magnanimité, l’identifiant à l’alpha et à l’oméga.

Le rôle des intellectuels  :‘’Il n’est pas d’intellectuel sans engagement, sans dissidence’’, déclare le cinéaste Camerounais Basseck Ba Kobhio dans les colonnes du quotidien ‘’ Mutations’’ du vendredi 26 août 2005. Si l’on considère l’intellectuel comme un homme bardé de diplômes, qui a effectué avec succès tout son cursus universitaire, il n’en demeure pas moins vrai, qu’il l’est, quand face aux problèmes de son temps, de la société où il vit, de son pays d’origine ou d’adoption, il dénonce les maux en y apportant des solutions concrètes. En d’autres termes, l’intellectuel ne peut être impassible face aux souffrances de ses congénères... L’exemple du prix Nobel de littérature, l’écrivain Nigérian WOLE Soyinka durant la dictature de Sani Abatcha en est la véritable illustration. Au péril de sa vie, il a assumé son rôle en dénonçant les atrocités de ce régime par des conférences qu’il organisait partout dans le monde. A l’époque des lumières, ces derniers ont contribué à l’évolution sociale, politique et économique de leur pays ; Jean-Jacques Rousseau, dont l’apport a été indispensable dans la construction de la société contemporaine, est de cette lignée ; ses œuvres sont aujourd’hui des références dans plusieurs domaines. Aujourd’hui, nos pseudo-intellectuels brillent beaucoup plus par leur présence à côté des dictateurs, des fossoyeurs de nos économies et de la paix sociale où ils conçoivent des théories sur le culte de la personnalité et l’arnaque du peuple.

Qui dit que l’Africain a une valeur ? Nous pensons que, non, sous d’autres cieux, cette crise serait définitivement terminée.

Le compte de résultat : Le bilan d’un conflit est fonction du camp où l’on se trouve. Pendant que la majorité pleure la perte d’un ami ou d’un parent, les dégâts matériels, les viols et assassinats, la famine et la misère, une minorité s’engraisse par des trafics de tous genres. C’est pour eux le moment propice pour vendre des armes,  piller illicitement les gisements d’or et de diamants, organiser des trafics d’enfants et de jeunes filles pour alimenter les réseaux de prostitutions et d’esclavage...

Le conflit ivoirien aura marqué le monde de la communication par la mort dans l’exercice de sa mission, du journaliste de RFI Jean Hélène que j’ai connu personnellement en 1995 à Libreville où il était correspondant de cette radio. C’est un homme de conviction, un passionné de l’Afrique et de tout ce qu’elle dispose ; hélas, la barbarie humaine a mis brutalement fin à cette vie, à cette soif de servir l’homme en l’informant.

Pourquoi en est-on arrivé là et quelles sont les perspectives ? Pour toutes les raisons évoquées jusqu’ici, ainsi qu’à cause de la difficulté des hommes à taire leurs différences et à ‘’regarder dans la même direction’’ comme le disait Antoine de Saint-Exupéry. Sans vouloir nous ériger en donneurs de leçons, nous pensons actuellement qu’il est temps que la raison triomphe sur la passion, pour le seul intérêt de la Côte d’Ivoire, au risque que le recours au droit d’ingérence humanitaire tant prôné par Bernard Kouchner ne puisse être la voie royale que devrait suivre l’ONU, au risque d’être ce ‘’machin’’ comme le disait le Général de Gaulle, à la solde d’une superpuissance.


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