Quand le footbal serbe résonne de haine ethnique
Le mot « bykobap » ne veut pas dire grand chose en français. Tout juste est-ce pour le néophyte une inscription observée la semaine dernière sur une banderole de « supporteurs » serbes, lors d’un match de coupe UEFA, opposant le Racing Club de Strasbourg à l’Etoile rouge de Belgrade. Mais voilà, ces sept petites lettres, écrites en caractères cyrilliques, prennent un tout autre sens quand on sait qu’elle signifient « Vukovar », ville-martyre croate et scène, en 1991, d’un massacre d’une extrême cruauté : 1700 morts, 4000 blessés et de nombreuses personnes dont on n’a jamais retrouvé la trace. Les forces serbes avaient, à l’époque, transporté 400 personnes de l’hôpital de Vucovar à une ferme située à quelques kilomètres de là, à Ovcara. Là, les prisonniers furent torturés, assassinés et jetés dans des fosses communes. Le Tribunal international de La Haye n’a d’ailleurs pas manqué d’engager des poursuites contre les officiers responsables de ces atrocités, au premier rang desquels Mile Mrksic, Veselin Sljivancanin et Miroslav Radic.
Simple bêtise des « supporters » de l’Etoile rouge ? Pure méprise ? Non. Le message envoyé par les ultras du club joue la métaphore. « Nous vous anéantirons comme nous avons essayé d’anéantir la population de Vukovar. ». Toutes proportions gardées, l’image rapportée à l’Allemagne serait celle de supporters du Bayern de Munich affichant la banderole « Auschwitz », qui plus est dans une langue non compréhensible du plus grand nombre ; de personnes élevant au rang de trophée tout acte de génocide, de purification ethnique et d’atteinte aux droits de l’homme, en en faisant un exemple, un symbole écoeurant de virilité nationale et sportive. Que la FIFA et l’UEFA veuillent lutter contre le racisme est une bonne chose. Mais qu’elles ne se contentent pas de mots, et commencent à faire le ménage au sein de certaines fédérations et de certains clubs européens. Car si cet épisode devrait être vite oublié, du fait de l’élimination précoce du club serbe par le club français, la haine banalisée des supporters de l’Etoile Rouge perdurera. Un phénomène inqualifiable, inadmissible, et que nul ne peut tolérer sur les stades d’Europe ou d’ailleurs, ne serait-ce que par devoir de mémoire envers les victimes de Vukovar.
Kai Littmann est président du Forum citoyen eurodistrict
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