Quand la Pologne « nouvelle » pose de sérieuses questions...
Où va la Pologne ? Quelles seront les politiques intérieures, européennes et internationales du nouveau gouvernement de droite, qui s’appuie sur une extrême-droite, qui cultive des valeurs et affiche des ambitions bien peu « européennes » ? Une question préoccupante pour les partenaires de la Pologne parmi les 25, notamment l’Allemagne », et ailleurs, notamment la Russie.
L’extrême-droite polonaise a deux têtes :
*les catholiques ultras de la Ligue des familles polonaises
* les populistes de Samoobrena (autodéfense)
Le premier parti affiche un anticommunisme farouche, et a des références au catholicisme qui s’inscrivent dans une ligne « intégriste ».
Le second n’hésite pas à rêver à haute voix d’un régime à la biélorusse (seul pays européen non admis au Conseil de l’Europe).
Tous les deux se rejoignent sur une remise en cause des valeurs du Conseil de l’Europe, donc de l’Union : la liberté, la démocratie, les droits de l’homme, l’État de droit, la Charte des droits fondamentaux, l’égalité hommes-femmes... Ils confondent patriotisme et nationalisme, prônent un moralisme intolérant et sectaire, ne cachent ni leur xénophobie, ni leur antisémitisme militant.
Ils suscitent des peurs et des craintes semblables à celles qu’avait déclenchées en Autriche l’entrée du Parti de la liberté, du populiste Jörg Haider, dans l’équipe du chancelier Wolfgang Schüssel . C’était en l’an 2000. Le boycottage des relations bilatérales entre les États membres et l’Autriche, principale mesure adoptée par l’Union, conformément aux traités, n’avait été levé qu’après une enquête de trois "sages", qui avaient jugé le gouvernement de Vienne "respectueux des valeurs communes européennes". Cela avait créé de fortes tensions entre gouvernements européens, et entraîné des doutes sur la solidité du « socle » de l’unification européenne. Comme les poussées populistes et xénophobes d’ ailleurs (Italie, Pays-Bas, Flandres, France...)
Faut-il rappeller avec fermeté à M. Marcinkiewicz que l’adhésion à l’Union n’est pas une simple entrée dans un marché commun (ou dans une zone de libre-échange) , dans un club qui permet de favoriser le développement économique et de bénéficier de subventions et d’investissements...
L’Union, comme le Conseil de l’Europe, est d’abord une « communauté de valeurs », de valeurs qui doivent prendre tout leur sens.
Quelques points seront particulièrement à suivre, avec vigilance :
· La peine de mort : la droite polonaise s’y déclare favorable... Le Conseil de l’Europe et la Charte des droits fondamentaux la condamnent fermement.
· Le respect des règles de la démocratie pluraliste et de « l’égale dignité ».
· Les relations de (bon) voisinage.
· Le suivisme de la politique américaine : le besoin de sécurité légitime n’explique pas tout.
· La lutte contre les pulsions antisémites, racistes et xénophobes qui se sont manifestées durant la campagne électorale.
Dans une ITW au journal LE MONDE, le nouveau ministre polonais des affaires étrangères, Stefan Meller, se veut rassurant. "Il n’y aura pas de ruptures", déclare M. Meller, qui n’appartient à aucun parti. "Aucune force politique sérieuse ne conteste le destin européen de la Pologne ».
Les convictions pro-européennes de cet ancien ambassadeur de Pologne en France et en Russie, né en 1942, à Lyon, dans une famille de Juifs polonais émigrée avant la guerre, le rapprochent davantage de Bronislaw Geremek, l’un de ses prédécesseurs aux affaires étrangères, que du chef des conservateurs, Jaroslaw Kaczynski, aux accents parfois souverainistes, et farouche opposant au traité constitutionnel.
"Comme dans un taxi, le compteur commence à tourner réellement aujourd’hui. Tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant ne compte plus", affirme M. Meller en prônant la nécessité de "ramener à la surface une vision et une idéologie dans le sens grec du terme, européennes" qui, selon lui, ont été éclipsées par « la technocratie de l’UE ». Mais qu’est-ce que cela veut dire, exactement ?
Dans son discours d’investiture, Kazimierz Marcinkiewiczs n’a consacré que trois minutes à l’Europe et aux affaires « étrangères ».
Un point positif : l’annonce d’une relance des relations avec l’Allemagne et la France, qui se sont dégradées, notamment depuis la guerre en Irak.
Une promesse qui va dans le bon sens : la lutte contre cette corruption qui a tué la gauche polonaise.
Une phrase ambiguë : "L’intégration dans les structures européennes garantit notre développement et notre bien-être, l’alliance avec les États-Unis au sein de l’Otan est la garantie de notre sécurité ».
Une question-clef reste sans réponse, pour l’heure : M. Meller sera-t-il le véritable « inspirateur » et le vrai « patron » de la politique européenne et étrangère polonaise ? Ou a-t-il été choisi à ce poste en arbre chargé de cacher la forêt des europhobes et des « souverainistes populistes » qui ont pris les commandes à Varsovie ?
L’exercice du pouvoir favorise généralement le réalisme. Varsovie a besoin d’aides européennes (donc d’un budget communautaire) et tient à « l’Europe verte ». Côté « européen », français en particulier, il serait peut-être bon de tendre des mains, de nouer des dialogues, en restant vigilant, sans donner des leçons avec une arrogance qui s’est tant retournée contre nous. Paris et Berlin devraient tout faire pour redonner du souffle au « triangle de Weimar », que Dumas et Genscher avaient eu l’excellente idée d’instaurer après la chute du MUR.
Ne faisons pas de procès d’arrière-pensées. Jugeons le nouveau gouvernement (hétéroclite et bancal) sur pièces. La France (qui est le premier investisseur étranger en Pologne) a tout à y gagner, ne serait-ce que pour faire oublier au peuple polonais quelques petites phrases assassines (« Ils ont perdu une occasion de se taire », de Chirac, au moment de la crise irakienne), et quelques campagnes xénophobes et stupides sur « les plombiers polonais »...
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