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États-Unis : faire barrière à l’immigration clandestine

Des centaines d’employés illégaux abandonnant leur travail pour fuir les autorités et les garde-côtes de New Bedford, paralysant pendant deux jours l’industrie de la pêche, secteur particulièrement dépendant des travailleurs d’origine guatémaltèque et salvadorienne dans cette ville de Nouvelle-Angleterre : un spectacle qui pourrait se reproduire de plus en plus fréquemment, si la loi sur l’immigration votée à 239 contre 182, le 16 décembre à la Chambre des Représentants, est validée par le Sénat. Les mesures visant à contrer l’immigration clandestine aux États-Unis sèment un vent de discorde entre une partie des membres du camp républicain au Congrès et le monde de l’industrie et du commerce américain. Les États-Unis connaissent un pic d’immigration inégalé, 35,2 millions selon une étude du Bureau de recensement menée au mois de mars, et les estimations évaluent la population clandestine à 9 à 13 millions. Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, le débat qui fait rage depuis plusieurs mois autour de la question de l’immigration ne se déploie pas seulement sur une ligne bipartisane, mais au sein même du parti républicain.


D’un côté, une certaine modération, une volonté d’encourager l’immigration légale, peu coûteuse, nécessaire à la bonne marche de l’économie américaine, et sans doute, parfois, une certaine affabilité envers des groupes de pression convaincants, pour lesquels l’immigration représente une manne incontestable- elle est incarnée par le président Bush lui-même, qui promeut un système de « travailleur invité » (guest worker), et par les démocrates de façon générale. De l’autre, une lassitude et une exaspération envers un flot continu d’immigration illégale, des contribuables mécontents faisant pression sur leurs élus, une volonté de rendre les frontières plus sûres, quitte à élever des barrières, comme le préconise Virgil Goode, représentant républicain en Virginie (5e district), ou même dresser un mur s’étendant de l’Océan Pacifique au Golfe du Mexique, selon les vœux de Duncan Hunter, représentant républicain de Californie (52e district).

La loi proposée pourrait être l’une des plus draconiennes de cette dernière décennie. La proposition de loi Sensenbrenner, du nom du président du Comité judiciaire de la Chambre des représentants, prévoit en effet un renforcement des frontières et des mesures sévères à l’encontre des immigrants clandestins et de leurs employeurs. La clandestinité pourrait devenir un crime fédéral -elle est à ce jour considérée comme un délit, et être suivie d’une détention systématique avant reconduite à la frontière, contrairement à la pratique actuelle du « catch and release », où les clandestins interpellés sont immédiatement relâchés. Elle responsabiliserait également les employeurs par l’adoption de règles strictes avant embauche : tenus de comparer le nom, le numéro de sécurité sociale et la date de naissance des futurs employés avec les archives administratives, les entreprises démasquées pour fraude pourraient encourir des amendes aux courbes exponentielles.

Cette mesure n’est pas entièrement nouvelle, puiqu’elle est appliquée dans six États, depuis 1996. Les rares entreprises à l’avoir mise en pratique ont permis de mettre en lumière certaines de ses limites : selon NPR News, en 2003, la moitié des candidats d’origine étrangère s’est vue refuser le droit à l’embauche à la suite d’erreurs d’orthographe sur leur identité, ou faute de mise à jour des fichiers informatiques de l’administration. Les organisations civiques soulignent les risques de discrimination dont pourraient faire l’objet les travailleurs d’origine étrangère, si cette disposition s’étendait au reste du pays, les délais, risques d’erreurs, la paperasse risquant de dissuader les employeurs potentiels. Cette loi néglige surtout, et c’est là son plus grand point faible, le sort des millions d’immigrants clandestins déjà présents sur le sol américain, et dont l’arrestation ferait perdre à tout jamais toute chance de légalisation. Les représentants américains ne se sont pas prononcés sur la proposition de travailleur invité, une mesure qui sera étudiée ultérieurement et qui présage d’intenses débats au cours des prochains mois, notamment sur la question de l’amnistie des clandestins qui devraient ou non préalablement quitter les États-Unis pour l’obtention d’un visa de travail. Plus d’un million de Mexicains sont arrêtés chaque année à la frontière, et il n’est pas certain que le recrutement annoncé de mille nouveaux agents de patrouille à la frontière -il y en a actuellement 11 000- et la mise en place de tout un arsenal technologique -capteurs, satellites, véhicules sans pilotes- réfrène des candidats à l’immigration, prêts à tout pour vivre un « american way of life » idéalisé.

Catherine Croisier 


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